Avec sa nouvelle méthode d'évaluation, l'Ancols estime à un milliard les économies de gestion réalisables dans le parc HLM

L'Agence nationale de contrôle du logement social a adopté cette année la technique de l'analyse d'enveloppement des données (ou "Data Envelopment Analysis", DEA) pour identifier des "benchmarks d'efficience" chez les bailleurs sociaux. Avec cette nouvelle approche méthodologique d'évaluation, elle estime la "marge potentielle en gain global de coûts de gestion" à environ un milliard d'euros. Les organismes HLM sont dubitatifs.

L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) publie son rapport public annuel de contrôle 2017. Comme chaque année, elle revient sur les enseignements à tirer de contrôles d'organismes HLM, avec des focus individuels sur des bailleurs sociaux, des focus territoriaux et des focus thématiques dont l'un intitulé "Efficience et coût de gestion des OPH et des SA d'HLM : une nouvelle approche méthodologique" dans lequel elle renouvelle les comparaisons traditionnelles entre organismes HLM.

"Permettre une réelle démarche de benchmarking"

Plutôt que de se contenter d'accumuler les ratios sectoriels, l'agence a élaboré une "approche comparative aboutissant à la détermination d'un indice d'efficience relative ou comparative et à l'identification des organismes comparables à une échelle suffisamment fine pour permettre une réelle démarche de benchmarking".
Cette approche utilise la technique de l'analyse d'enveloppement des données (Data Envelopment Analysis ou DEA). En pratique, elle permet d'obtenir des mesures d'efficience d'unités de production au sens large (il peut s'agir de services ou de produits non marchands, en l'occurrence les organismes de logement social dans le cas du rapport de l'Ancols), "en mettant en jeu plusieurs inputs et outputs".

La méthode DEA consiste alors à déterminer des benchmarks d'efficience (ici sur la base d'Organismes de logement social de référence) et à situer l'ensemble des unités par rapport à ces benchmarks. Les inputs sont par exemple les coûts de personnel, le coût des autres charges, le nombre d'ETP... Les outputs, qui caractérisent la production et l'activité des organismes, sont par exemple les nombres de logements et foyers gérés, le nombre de logements et foyers vacants, la part du parc en QPV, la part du parc individuel, l'âge moyen du parc, le nombre de communes sur lesquelles l'organisme intervient…

Une efficience moyenne de 79% du coût de gestion

Résultat : "Sur la base de groupes de comparaison dont la taille maximale est de 12 organismes (avec une moyenne de 6 organismes et une médiane de 7 organismes), l'efficience moyenne obtenue en 2016 est de 79% du coût de gestion observé, soit 81% pour les OPH et 77% pour les SA d'HLM". Par ailleurs, l'Ancols relève que 27% des OPH et 26% des SA d'HLM se situent sur la "frontière efficiente", autrement dit que leur efficience relative est de 100%. Si on compare les autres organismes à ceux présent sur cette frontière d'efficience relative, "la marge potentielle en gain global de coûts de gestion s'élève, sur la base des chiffres 2016, à 1.068 millions d'euros, soit 456 millions d'euros pour les OPH et 612 millions d'euros pour les SA d'HLM. Le potentiel global est donc d'environ un milliard d'euros".

Selon l'Ancols, la concrétisation d'un tel potentiel "implique nécessairement des actions dans la durée et des évolutions structurelles internes aux organismes, sachant que la marge sur les coûts salariaux représente 651 millions d'euros soit 61% de la marge globale". Autre précision importante, alors que la loi Elan du 23 novembre 2018 doit initier un mouvement de restructuration du secteur : ces marges ne prennent pas en compte les gains potentiels liés à une restructuration ou une réorganisation sectorielle.

Une forte dispersion entre organismes

Au-delà de cette présentation simplifiée, l'étude de l'Ancols fournit plusieurs tableaux de mesure de l'efficience selon le nombre de logements et de foyers gérés, selon la part du parc en QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville) ou selon le nombre d'ETP employés. Des cartes montrent également - sans qu'on puisse vraiment en tirer d'enseignements - la proportion d'OPH et de SA HLM efficients par départements. Enfin, la comparaison de toutes ces données conduit l'Ancols à proposer une typologie de l'efficience des organismes de logement social en cinq classes, présentant chacune des caractéristiques et des indices d'efficience spécifiques. S'y ajoute une "classe X", correspondant aux organismes trop singuliers ou hétérogènes pour figurer dans les différentes classes. Les organismes de cette classe X, qui gèrent des parcs très importants (environ 30 000 logements et plus), totalisent 1,27 million de logements, soit plus de 20% du parc total... Un graphique montre la dispersion du coût de gestion par classe, avec des coûts de gestion allant de 400 à plus de 2.600 euros par logement, cette forte dispersion étant essentiellement le fait des petits organismes (moins de 5.000 logements gérés).

Les fédérations restent dubitatives

Cette nouvelle approche de l'Ancols a surpris les organisations représentant les organismes de logement social, invitées à répondre au rapport. "La méthode étant assez novatrice, elle mériterait de plus fortes explications, notamment les notions utilisées d'input et d'output, qui ne relèvent pas de la logique utilisée habituellement", commente l'Union sociale pour l'habitat (USH). Et puis, "le fait que l'exercice de modélisation, conduit sur deux années successives, n'amène pas exactement aux mêmes résultats doit inciter à la prudence sur sa robustesse", ajoute-t-elle.

La Fédération des OPH estime, de son côté, "surprenant que cette méthode ne puisse pas comparer les 27 plus gros organismes aux autres" et propose d'échanger sur la méthodologie avec l'Ancols et toutes les autres fédérations.

La Fédération des coopératives HLM (Coop'HLM) juge, pour sa part, que "si le renouvellement des méthodes d'analyse peut sembler utile, cette partie de votre rapport n'apporte pas les éléments méthodologiques suffisants pour juger de la pertinence des choix opérés et donc des conclusions qui sont présentées".