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Avenir de la PAC : les sénateurs mettent en garde contre des "distorsions de concurrence" au sein de l'UE

Dans une résolution adoptée le 6 juin, le Sénat doute de la possibilité de parvenir à un accord sur la future PAC avant mai 2019 comme le souhaiterait la Commission. Au-delà des coupes budgétaires, les sénateurs s'inquiètent de la plus grande latitude laissée aux Etats et pointent le risque de créer des distorsions de concurrence entre Etats et entre régions.

Quelques jours après les déclarations du commissaire au budget, Günther Oettinger, accusant la France de tenir un double discours entre Bruxelles et Paris, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a tenu à faire une mise au point, le 6 juin, au Sénat. "Je saisis l'occasion pour réaffirmer que la France, depuis le début, s'exprime d'une seule voix à Paris et à Bruxelles", a affirmé le ministre, avant d’apporter son soutien à une résolution sénatoriale "en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires" adoptée à cette occasion. "Toute renationalisation, même partielle, serait un coup fatal porté à la PAC", a insisté le ministre, assurant de sa "combativité" et de son "énergie" dans la négociation en cours sur le budget européen. Alors que la Commission affiche dans sa proposition du 1er juin une baisse des crédits de 5%, à 365 milliards d’euros contre 408 lors de la précédente programmation, "les crédits de la PAC baissent de 15% (pour les paiements directs, ndlr) à 25% (pour le développement rural, ndlr) compte tenu de l'inflation", a pour sa part rectifié le ministre. "Le groupe de Madrid - que nous avons initié avec mes homologues espagnols, portugais, irlandais, finlandais et grec - défendra une PAC forte. Et nous irons chercher des alliés, un par un", a-t-il assuré.

Distorsions de concurrence

"Sans les aides de la PAC, nombre d'exploitations françaises dégageraient un revenu négatif. Une perte de 15% de la valeur totale du budget de la PAC sur les sept ans à venir se traduira par une baisse de revenu des agriculteurs, surtout dans les filières les plus fragiles", a pour sa part défendu Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. En effet, les aides directes représentent près de la moitié des revenus des agriculteurs en moyenne. Or, comme le fait remarquer le député européen Michel Dantin, très impliqué sur le dossier, les aides directes ne font pas l’objet de cofinancement, à l’inverse du développement rural. Ce qui fait que toute baisse constituera une perte sèche pour les agriculteurs.
Dans leur résolution, les sénateurs demandent que la future PAC bénéficie a minima d’un "budget stable" et jugent "l’état de l’agriculture européenne et française trop fragile pour faire l’objet de coupes sombres". Ils refusent que la PAC serve de "variable d’ajustement" du budget, tant en raison du Brexit que du financement de nouvelles priorités.
Au-delà du budget, les sénateurs s’inquiètent des orientations prises par la Commission qui souhaite donner plus de latitude aux Etats membres. Ces derniers devront adopter un plan stratégique autour de neuf objectifs. Ce qui, aux yeux des sénateurs, comporte "un très fort risque de création de distorsions de concurrence" au sein même de l’Union européenne. Et ce, "alors même que les autres grandes puissances agricoles mondiales, à commencer par la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et la Russie, ont a contrario fortement accru leur effort budgétaire dans ce secteur".

Depuis qu’elle a présenté sa proposition de cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, le 2 mai dernier, la Commission n’a de cesse de presser les Etats et le Parlement à parvenir à un accord avant les élections européennes de mai 2019. Un nouveau Parlement suivi d’une nouvelle Commission obérerait les chances de faire démarrer la programmation à temps, mettant ainsi à mal les porteurs de projets. Mais au regard des sujets sur la table, le Sénat "s'interroge sur la possibilité de conclure les négociations en cours sur la PAC d'ici au printemps 2019".

 

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