Commande publique - Avis bien motivé : le droit européen et le droit français au diapason
Le Tribunal de 1ere instance des communautés européennes a rendu, le 20 octobre 2011 (affaire T57/09), un arrêt intéressant la passation des marchés de services informatiques et les formalités obligatoires qui devaient accompagner le rejet de la demande d'un des candidats.
Dans les faits, le Conseil de l'Union européenne a lancé une procédure d'appel d'offres pour la maintenance technique et les services d'assistance et d'intervention sur site pour les ordinateurs personnels, les imprimantes et les périphériques du secrétariat général du Conseil.
Le groupement d'entreprises Alfastar Benelux ayant été, dans le cadre d'une procédure restreinte, écarté du marché, celui-ci a alors demandé au Conseil des informations complémentaires sur son éviction. Ce dernier a transmis au groupement requérant des informations sur les notes qu'il avait obtenues ainsi que celles du soumissionnaire retenu. Le Conseil a de son côté notifié au groupement que les offres présentées par les différents candidats ne seraient pas réexaminées. En conséquence, le requérant, pour faire droit à sa demande, s'est appuyé sur quatre moyens dont celui de la "violation de l'obligation de motivation". En effet, Alfastar Benelux a soutenu que le Conseil, en ne présentant sa réponse que sous la seule forme d'un tableau chiffré où ne figurait aucun commentaire explicatif, avait violé l'obligation de motiver de façon suffisante ses décisions. Il appartenait donc, au pouvoir adjudicateur européen, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'auteur de l'acte (au sens de l'article 253 CE) ; les seules notes attribuées constituant "une motivation trop abstraite" ne permettant pas au requérant de déterminer, d'un point de vue qualitatif, les raisons concrètes de son éviction. On ajoutera, enfin, que selon le tribunal, il importe de rappeler que l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt, pour les destinataires ou autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte, à recevoir des explications.
A ce titre, peut se poser la question de la transposabilité de cette décision d'apparence assez restrictive. L'ampleur de la motivation à fournir est-elle moindre pour les collectivités locales ?
En droit français, selon le Code des marchés publics (articles 80 et 83), le pouvoir adjudicateur doit d'abord motiver le rejet de l'offre ; surtout, cette motivation se doit d'être suffisamment détaillée afin de permettre au demandeur de contester le rejet qui lui est opposé, sous couvert toutefois de ne pas communiquer des documents dont la divulgation porterait atteinte à un secret industriel ou commercial, voire des renseignements qui seraient contraires à l'intérêt public ou pouvant nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques.
La loi du 17 juillet 1978 a stipulé que la communication, à un candidat évincé, des motifs ayant conduit à écarter sa candidature ne permet pas de lui refuser l'accès aux documents qu'il peut demander : le tribunal européen et le droit français semblent donc être, sur ce point, au diapason.
Références : Tribunal de 1ere instance (septième chambre), 20 octobre 2011, n°T57/09, Alfastar Benelux c/Conseil de l'Union européenne
Pour aller plus loin :
La CADA met à disposition une fiche thématique et un tableau récapitulatif des documents communicables dans le cadre de la passation d'un marché public en fonction de la répétition du lancement des procédures (marché ponctuel, répétitif, fréquent).