Baromètre des villes et villages marchables : des résultats toujours "très insatisfaisants"

Présenté ce 12 septembre par le collectif Place aux piétons, le 2e Baromètre des villes et villages marchables montre une très légère amélioration générale du ressenti des piétons en milieu urbain par rapport à l'édition 2021. Mais au vu des attentes exprimées, les résultats demeurent "très insatisfaisants". Classées en six catégories, en fonction du nombre d'habitants, les villes les mieux notées sont Rennes, Le Havre, Vincennes, Coudekerque-Branche (Nord), Acigné et Chavagne (Ille-et-Vilaine).

A l'heure du développement des mobilités douces, les piétons peinent toujours à trouver une place de choix dans l'espace urbain, révèle le 2e Baromètre des villes et villages marchables présenté ce 12 septembre. Réalisé à l'initiative du collectif Place aux piétons, qui rassemble la Fédération française  de randonnée pédestre, Rue de l'Avenir, 60 millions de piétons et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, le baromètre, qui est aussi soutenu par l'Ademe et les ministères chargés des Sports et des Transports, se fonde sur les réponses à un questionnaire en ligne sur le ressenti sur la "marchabilité" de l'environnement urbain. 70.000 personnes ont répondu. 42.400 questionnaires complets concernant plus de 4.600 communes de toutes tailles ont pu être exploités, permettant de recueillir un état des lieux "éclairant" sur les conditions de la marche en France, selon ses promoteurs. Par rapport à la précédente édition, en 2021, davantage de villes ont pu être intégrées et un focus plus précis sur 236 municipalités a été établi au regard du nombre de répondants sur ces communes.

Une note globale de 9,2 sur 20

Même si l'enquête note une très légère amélioration du ressenti des piétons par rapport au Baromètre 2021, "les résultats demeurent très insatisfaisants au vu des attentes de nos concitoyens, avec une note nationale moyenne de 9,2 sur 20 pour le ressenti global", souligne Place aux piétons. Des attentes d'autant plus fortes que 24% des déplacements se font exclusivement à pied en France et que la marche reste le deuxième mode de déplacement du quotidien après la voiture individuelle, rappelle le collectif.

Or, les critiques formulées par les piétons sont nombreuses, à commencer par le manque de confort des déplacements à pied. 70% des répondants au questionnaire du baromètre déplorent une absence d'aménagements en ce sens (toilettes, bancs de repos, abris, distributeurs d'eau potable, lieux de sociabilité…). 69% indiquent le manque de signalétique favorisant les déplacements des piétons et 66% se plaignent des empiètements (terrasses, étalages…) et des obstacles (poubelles, poteaux, voitures garées…) sur les trottoirs et espaces destinés aux piétons. Le manque d'intérêt de la ville à ces derniers est aussi pointé du doigt. 68% des répondants jugent que les interventions pour supprimer les encombrements de toutes sortes (stationnement de véhicules motorisés sur les espaces réservés aux piétons, notamment) sont rares. 60% trouvent que la ville n'est pas à l'écoute des piétons et ne les implique pas dans ses réflexions et projets et seulement 27% pensent que la situation des piétons s'est améliorée ces dernières années.

Conflits d'usages et insécurité

Une fois de plus, la présence de conflits d'usage ressort nettement. 58% des répondants trouvent la circulation des véhicules motorisés gênante, 45% indiquent que les conflits entre les piétons et les engins de déplacement personnel (trottinettes électriques, gyroroues, skates électriques…) sont fréquents et 43% mentionnent les conflits entre les piétons et les vélos. 75% des personnes rencontrant des difficultés de mobilité (personnes handicapées, âgées ou se déplaçant difficilement ou personnes accompagnant de jeunes enfants en poussette) trouvent que les espaces destinés aux piétons sont insuffisamment larges, que leurs surfaces sont inadaptées et ne facilitent pas les déplacements et 76% déclarent que ces espaces ne sont pas libres d'empiétements, d'obstacles. 81% d'entre elles pensent d'ailleurs que dans leur situation, il est dangereux de se déplacer à pied.

De manière générale, la question de la sécurité reste un sujet prégnant pour tous les répondants. 67% jugent effectivement que se déplacer à pied est dangereux pour les personnes avec de jeunes enfants à pied ou en poussette, les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite. 61% trouvent également que se déplacer à pied est dangereux pour les plus jeunes, en âge de se rendre seuls à l'école, au collège, au lycée ou à leurs activités. 65% estiment en outre qu'il est difficile de rejoindre à pied les communes voisines en toute sécurité.

En tête des attentes : des trottoirs plus larges, bien entretenus, désencombrés...

Interrogés sur leurs attentes prioritaires, 42% des répondants demandent des cheminements piétons (trottoirs) plus larges, bien entretenus, sécurisés et désencombrés. 34% veulent que l'usage des trottoirs soit réservé aux déplacements à pied – "une priorité grandissante pour toutes les villes, quelle que soit leur taille", souligne Place aux piétons. 27% souhaitent que le stationnement sur les passages piétons et les trottoirs soit davantage verbalisé et la même proportion de répondants est favorable à une modération de la vitesse des véhicules motorisés dans les lieux fréquentés par les piétons – "un besoin de plus en plus plébiscité, notamment dans les villes de moins de 20.000 habitants", observe le collectif. 25% appellent à traiter les points noirs et les coupures urbaines (carrefours, traversées de voies qui obligent à de larges détours…) – une problématique jugée essentielle, notamment dans les villes de plus de 5.000 habitants et chez les 26-44 ans - et 24% à réaliser des aménagements (bancs de repos, toilettes, eau potable…) pour rendre les déplacements des piétons plus agréables. Cette dernière demande est plus forte dans les villes moyennes et chez les plus de 65 ans.

Les résultats du Baromètre "forment un constat solide, offrant des orientations claires pour guider le développement d'une vraie politique en faveur des piétons", estime le collectif qui "encourage instamment l'Etat, ses agences et les collectivités à prendre davantage d'initiatives visant à créer des environnements  urbains propices à une mobilité piétonne accessible, sécurisée et agréable". Place aux piétons rappelle avoir salué l'annonce du Plan Vélo & Marche 2023-2027 "et son ambition notamment en faveur de la marche à travers le programme national ID Marche". A l'occasion du premier anniversaire de ce nouveau plan (lire notre article de ce jour), Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports a d'ailleurs annoncé ce 15 septembre que 73 communes - de la plus petite à la métropole - lauréates du premier appel à projets "Marche du quotidien" bénéficieront d'un accompagnement de l'Ademe pour le développement de leurs politiques en faveur des piétons. Le collectif Place aux piétons estime, lui, que ces actions en faveur de la marche doivent se prolonger et constituer "la première étape vers la mise en oeuvre d'un Plan national marche".

 

Les villes les mieux classées dans le Baromètre 2023... et les lanternes rouges

En se fondant sur les réponses au questionnaire en ligne concernant "cinq domaines essentiels" (expérience quotidienne de la marche, sécurité, confort, prise en compte des piétons par les autorités locales, équipements et aménagements piétons), une note globale est attribuée aux villes pour établir un classement. Pour être incluses dans l'observatoire, celles-ci doivent avoir recueilli un nombre significatif de questionnaires complets, le seuil dépendant de leur taille. La note globale est la somme des évaluations reflétant la perception des répondants de la qualité de vie des piétons dans leur région mais n'a pas la même valeur qu'une note issue d'un sondage représentatif, reconnaît le collectif. "Néanmoins, elle reste un outil utile pour les collectivités locales pour progresser", d'autant que la note du baromètre 2021 est rappelée à titre de comparaison.

Pour les villes de 200.000 habitants et plus, Rennes, Strasbourg et Nantes arrivent en tête. Dans la tranche 100.000-199.999 habitants, Le Havre, Besançon et Dijon occupent les trois premières places et dans celle des villes de 50.000 à 99.999 habitants, le trio de tête est constitué de trois villes franciliennes, Vincennes (Val-de-Marne), Versailles (Yvelines) et Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Coudekerque-Branche (Nord) obtient la meilleure note (A+) dans la catégorie des villes de 20.000 à 49.999 habitants, suivie de Sceaux (Hauts-de-Seine) et Gif-sur-Yvette (Essonne). Acigné (Ille-et-Vilaine) conserve sa place de n°1 pour les villes de 5.000 à 19.999 habitants, suivie par Dainville (Pas-de-Calais) et Magny-les-Hameaux (Yvelines), qui toutes trois décrochent l’étiquette A+. Enfin, Chavagne (Ille-et-Vilaine), Cormicy (Marne) et Vauhallan (Essonne) sont les mieux classées des communes de moins de 5.000 habitants.

Les scores des 236 villes classées font apparaître comme lanterne rouge Marseille et Villejuif (Val-de-Marne) qui recueillent toutes deux un G. Elles sont devancées par 14 villes classées F :  Alfortville (Val-de-Marne), Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Carcassonne, Castelnau-le-Lez (Hérault), Chevilly-Larue (Val-de-Marne), Chindrieux (Savoie), La Ciotat (Bouches-du-Rhône), Maisons-Alfort (Val-de-Marne), Melun (Seine-et-Marne), Montpellier, Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne), Plougonvelin (Finistère), Verfeil (Haute-Garonne) et Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).