Bâti scolaire : le ministère de l'Éducation nationale au soutien des collectivités

Le bâti scolaire est un enjeu très important pour les collectivités qui en exercent la compétence. Par l'intermédiaire du ministère de l'Éducation nationale, l'État reprend toutefois pied sur ce terrain pour apporter soutien technique et conseils, notamment aux plus petites communes.

En matière d'éducation, quel est le point commun entre les deux années et demie de crise sanitaire, les épisodes de canicule, l'inclusion des élèves handicapés, l'adaptation aux apprentissages numériques ou encore l'ouverture de certains équipements sur la ville ? La réponse tient en deux mots : bâti scolaire.

Avec quelque 63.000 bâtiments représentant 157 millions de mètres carrés, soit près de 30% du patrimoine public, qui accueillent chaque jour durant l'année scolaire plus de 12 millions d’élèves, les écoles primaires, collèges et lycées représentent un enjeu considérable. Et lorsqu'on évoque le bâti scolaire, on pense immédiatement aux collectivités territoriales. Les communes (et intercommunalités le cas échéant) pour le primaire, les départements pour le collège et les régions pour le lycée assurent en effet la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement de ces bâtiments. Actuellement, l'investissement annuel des collectivités dans le bâti scolaire s'élève à 8,3 milliards d'euros par an : 3,7 milliards pour les communes, 2,7 milliards pour les régions et 1,9 milliard pour les départements. Si ces chiffres suffisent à démontrer l'effort financier que représente le bâti scolaire pour les collectivités, cette dimension économique n'est pas la seule difficulté qu'elles ont à surmonter en la matière.

Retour de l'État

Pour beaucoup de collectivités, le sujet du bâti scolaire entraîne toute une série de questions : Comment construire ? Comment rénover ? Pour quels usages ? "Dans les années 1980-90, on gérait les interventions du corps enseignant qui nous demandait de goudronner les cours de récréation, explique Frédéric Leturque, maire d'Arras et coprésident de la commission de l'éducation de l'Association des maires de France (AMF). Aujourd'hui, on gère les interventions contraires qui nous demandent, et à juste titre, de renaturaliser et d'apporter des îlots de fraîcheur."

Depuis les lois de décentralisation des années 1980, les collectivités se sont en effet vu confier la compétence sur des bâtiments où, paradoxalement, leurs propres services interviennent minoritairement. Pour construire, rénover et adapter les locaux, elles se sont donc livrées à un dialogue avec les équipes locales de l'Éducation nationale, principales utilisatrices des lieux. Un dialogue de proximité qui, avec ses vertus et ses limites, semblait imposé par le cadre législatif.

Mais les choses sont en train de changer. "Il y a un retour du ministère sur ces questions, confie Sidi Soilmi, responsable de la cellule dédiée au bâti scolaire au ministère de l'Éducation nationale. Depuis 1989, l'État s'était dessaisi du bâti scolaire en renvoyant systématiquement aux collectivités. En 2019, le ministère a voulu réinvestir cette question, car il s'agit du lieu où se déroule l'éducation, du lieu où près d'un million de ses personnels travaillent. Nous avions aussi pressenti que les enjeux en évolution du bâti scolaire questionnaient la forme scolaire, avec l'impression de concevoir les établissements de façon assez figée dans le temps. On a donc des enjeux qui évoluent et une façon de concevoir les espaces qui reste figée."

Guides et réseau d'experts

Pour réinvestir la question et épauler au mieux les collectivités, la cellule "bâti scolaire" du ministère de l'Éducation nationale a d'abord réalisé un premier travail auprès de deux cents collectivités et monté un groupe d'experts pour identifier le socle des enjeux : pratiques pédagogiques, ouverture sur le territoire, inclusion, etc. À partir de ce socle, elle a lancé une concertation publique qui a reçu près de dix mille contributions, lesquelles ont été traitées à travers des ateliers participatifs pour aboutir à de premières ressources mises en ligne le 13 juillet : des guides ayant fait l'objet d'une relecture de la part de toutes les associations d'élus.

Les premiers guides sont au nombre de cinq : "Bâtir l'école maternelle", "Bâtir l'école élémentaire", "Bâtir le collège", "Bâtir le lycée général et technologique" et "Bâtir le lycée professionnel". Ces documents extrêmement complets de près de 300 pages chacun seront très prochainement accompagnés par d'autres traitant d'enjeux transversaux, comme l'ouverture sur le territoire qui permet, par exemple, de travailler la mutualisation des équipements avec les associations sportives ou culturelles locales.

Parallèlement à ces publications, le ministère de l'Éducation nationale a créé un réseau autour de la question du bâti scolaire au sein de ses organes déconcentrés. Il existe aujourd'hui un référent dans chaque académie et il est prévu de descendre à l'échelon inférieur dès l'année prochaine avec au moins un référent au niveau du département. La mission du référent ? Diffuser la culture du bâti scolaire auprès des personnels de l'Éducation nationale, y compris les enseignants, et accompagner les collectivités dans leurs projets, à commencer par les plus petites d'entre elles.

Outiller les plus petites communes

Car si Frédéric Leturque reconnaît que "dans les collectivités les plus importantes, des études ont été conduites pour poser l'état des lieux et mettre en place des plans pluriannuels d'investissement", la question de l'investissement des petites communes dans leur patrimoine scolaire se pose différemment… et massivement. À ce jour, 21.791 communes possèdent au moins une école et 66% des écoles du premier degré, soit plus de 30.000 établissements, sont situées dans des villes de moins de 10.000 habitants. "On travaille avec les plus grandes collectivités, cela leur permet de questionner leurs pratiques, d'aller plus loin sur certains sujets, précise Sidi Soilmi. Mais les toutes petites communes sont très contentes également, car notre travail répond à une attente pour ces collectivités qui ne sont pas outillées."

Ce réinvestissement de la question du bâti scolaire par l'État se fait bien évidemment dans le respect des compétences des collectivités. "On est sur des propositions, confie Sidi Soilmi. Soit les collectivités se les approprient, soit elles ne le font pas. Plusieurs centaines de communes, un tiers des départements et la moitié des régions ont manifesté leur intérêt pour notre démarche. Ces collectivités nous ont souvent dit au démarrage qu'elles étaient plutôt forces d'innovation, mais quand on a creusé un peu, on s'est rendu compte qu'elles avaient besoin de ressources et de formation, que certaines connaissaient très mal le fonctionnement de l'école. On apporte des éléments pour alimenter la réflexion des collectivités et on se forme de notre côté pour les accompagner. On a le sentiment d'avoir l'adhésion des collectivités."

Si ces outils au service des collectivités répondent donc à un besoin et joueront leur rôle dans la transition à venir du bâti scolaire, d'autres obstacles se dressent toutefois sur la route des collectivités. "Qu'on le veuille ou non, conclut Frédéric Leturque, on ne pourra pas faire les choses à vitesse TGV, et ce pour trois raisons. D'abord, il faut en avoir les moyens. Ensuite, il faut pouvoir programmer des travaux sur des sites généralement occupés. Et enfin, il faut que les entreprises aient la capacité d'intervenir et les matériaux. Pour avoir lancé de nombreux chantiers dans ma ville, je peux vous dire qu'aujourd'hui les entreprises ont des problèmes d'approvisionnement, et les appels d'offres montrent une explosion des prix. Cela rend encore plus compliqué le sujet." Mais dorénavant, les collectivités ne seront plus isolées dans leurs démarches…