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Bayonne et l'eusko : la question d'une monnaie locale utilisée comme moyen de paiement reste sans réponse

Si la mairie de Bayonne peut désormais utiliser l'eusko pour payer ses factures, elle devra passer par une association intermédiaire, dans le cadre de l'accord conclu en juin dernier avec la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. La bataille de fond visant à faire reconnaître les monnaies locales comme véritables moyens de paiement n'est pas terminée.

"Le fait qu'une collectivité se lance rassure les particuliers, cela légitime et crédibilise l'utilisation d'une monnaie locale." Pour Martine Bisauta, adjointe au maire, en charge du développement durable à la mairie Bayonne, le signal est important. La mairie a en effet trouvé en juin 2018 une solution avec la préfecture des Pyrénées-Atlantiques lui permettant d'utiliser la monnaie locale eusko pour ses dépenses et de mettre fin à la procédure juridique en cours (voir ci-dessous notre article du 12 juin). L'accord trouvé stipule toutefois que la mairie ne doit pas employer le terme de "paiement en eusko" dans sa convention lui permettant d'utiliser cette monnaie locale, signée en juillet 2017. Par ailleurs, elle devra passer par l'intermédiaire de l'association Euskal Moneta pour effectuer ses règlements : la mairie versera d'abord en euros à l’association le montant de la créance - que ce soit des indemnités d’élu, une subvention à une association ou une facture d’une entreprise - puis Euskal Moneta créditera d’un montant équivalent le compte eusko de l’élu, de l’association ou de l’entreprise. Un fonctionnement qui, précise l'élue de Bayonne, était prévu dès le départ dans la convention de la mairie.
"Il s'agit d'une grande première ; certaines collectivités avaient commencé à encaisser en monnaie locale mais elles ne pouvaient pas payer", signale Martine Bisauta.
Cette nouvelle possibilité devrait permettre à la monnaie locale de se développer davantage. "Cela va augmenter le volume d'euskos en circulation, des associations vont pouvoir demander à être payées en eusko, la monnaie va vivre sur le terrain", détaille l'élue.

"Une solution de compromis sans jugement sur le fond"

Si Martine Bisauta se réjouit de cette étape jugée décisive, Marie Fare, maître de conférences en sciences économiques à l'université Lumière-Lyon 2, est plus nuancée. "C'est une solution de compromis qui évite une procédure juridique plus longue mais aussi un jugement sur le fond qui serait arrivé dans un an. La solution passe par une association et n'engage donc pas directement la collectivité pour les décaissements", souligne-t-elle. Et tout en estimant qu'il s'agit d'une "victoire importante" et d'"une première étape symbolique", la spécialiste des monnaies locales considère que les démarches pour légaliser la véritable procédure, visant à utiliser une monnaie locale comme moyen de paiement, sans intermédiaire, devront être poursuivies. "Nous avançons pas à pas", assure Marie Fare.
Pour l'eusko, le développement sera amplifié par sa version numérique qui a été lancée en 2017, avec l'Euskokart, la carte de paiement en eusko. Celle-ci fonctionne déjà dans bon nombre de commerces : bouchers, boulangers, cafés, théâtre, restaurants… L'élue de Bayonne, également vice-présidente de l'agglomération Pays Basque chargée de la transition énergétique et écologique, souhaite en outre proposer à l'agglomération d'utiliser l'eusko de la même façon que la mairie.