Bercy interpellé par la filière de la rénovation énergétique
Face à la suspension partielle de MaPrimeRénov’, les acteurs de la rénovation énergétique alertent Bercy, dans une lettre ouverte, sur les conséquences d’un recul de cette politique publique. Menaces sur les emplois, projets abandonnés, précarité aggravée : ils appellent à un cap clair et un engagement financier durable de l’État. Plusieurs représentants des structures membres du comité de pilotage de France Rénov’ demandent à être reçus par Éric Lombard.

© Lettre ouverte à Monsieur LOMBARD, Ministre de l’Economie et des Finances, pour une politique publique de la rénovation de l’habitat à la hauteur des enjeux et Adobe stock
Alors que les arbitrages budgétaires pour 2026 se profilent, une onde d'inquiétude parcourt le secteur de la rénovation énergétique. Restera-t-elle une priorité ou deviendra-t-elle une variable d’ajustement ?
La suspension temporaire du dispositif MaPrimeRénov’ a poussé plusieurs organisations clés du comité de pilotage de France Rénov’ à interpeller directement Éric Lombard, ministre de l'Économie. Dans une lettre qui lui a été adressée en début de semaine, ces acteurs alertent sur les conséquences majeures qu'une inflexion brutale de cette politique publique pourrait engendrer à court et moyen termes.
MaPrimeRénov’ : des résultats concrets et une filière en structuration
"Depuis 2022, France Rénov’ et MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné ont permis à 600.000 ménages, en particulier modestes et très modestes, d’être accompagnés dans des projets de rénovation globale et 1.164 opérations programmées d'amélioration de l'habitat privé ont ainsi pu être mises en œuvre”, soulignent d’abord les signataires du plaidoyer, parmi lesquels les représentant(e)s de l’Acad (Association des consultants en aménagement et en développement des territoires), de la Fédération des agences locales de l’énergie et du climat, d’Urbanis, du Réseau Cler... mais aussi l’Association des maires de France.
"Cette politique génère des résultats positifs concrets sur les plans économique, social, sanitaire et environnemental : retombées économiques locales pour les professionnels du bâtiment et de la rénovation, réduction de la précarité énergétique, amélioration de la performance environnementale et de l’adaptation au changement climatique du parc résidentiel." La dynamique est en effet palpable : depuis début 2025, le nombre de dossiers déposés pour les projets de rénovation énergétique d’ampleur a triplé par rapport à l'année précédente, avec 78% de ces dossiers concernant des passoires énergétiques. De plus, indiquent les signataires, "plus de 80% des demandes d’aides à la rénovation énergétique proviennent de ménages modestes ou très modestes".
Les acteurs de la filière insistent en outre sur le fait que "seules les rénovations globales, traitant plusieurs postes, permettent des économies d’énergie durables et donc d’alléger les factures énergétiques des ménages sur le long terme et de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre".
Un risque immédiat pour l'écosystème et les ménages précaires
La suspension et les menaces pesant sur le dispositif suscitent donc une vive inquiétude. Les organisations signataires estiment que "la réduction des ambitions de cette politique publique fait peser un risque immédiat sur cet écosystème en structuration, impactant durablement la confiance des ménages et les emplois créés localement".
Les besoins en rénovation sont pourtant avérés. Le parc de logements privés vieillit, avec plus de 13 millions de logements affichant une étiquette énergétique E à G et près de 2,9 millions de ménages en situation de précarité énergétique. Une réforme brutale ou une réduction du financement de MaPrimeRénov’ conduirait ainsi à l'abandon de projets par ces ménages les plus vulnérables. Le plaidoyer insiste sur le fait que "68% des bénéficiaires déclaraient qu'ils n'auraient pas réalisé de travaux sans MaPrimeRénov’.”
Sur le terrain, les acteurs témoignent de "l’incompréhension, voire la colère” s’exprimant auprès de leurs équipes qui accueillent la population chaque jour. Ce manque de stabilité de la politique publique interroge également les collectivités, qui ont intégré la rénovation de l'habitat dans leurs schémas territoriaux et régionaux.
Les demandes clés des acteurs de la rénovation
Face à cette situation critique, les signataires formulent des demandes claires et urgentes à Éric Lombard. Tout d’abord, la poursuite de l’investissement budgétaire public : il faut selon eux doter l’Anah (Agence nationale de l'habitat) d’un budget de 5 milliards d’euros dans le cadre du projet de loi de finances 2026, prioritairement orienté vers les rénovations d’ampleur.
Les signataires estiment aussi que la garantie d’une politique et d’un budget pluriannuel est "indispensable pour sécuriser les parcours d’accompagnement, renforcer la confiance des ménages, et permettre aux acteurs – publics comme privés – de se projeter". Ils ajoutent que "l’État se doit de donner de la visibilité à moyen et long termes sur sa participation budgétaire au dispositif". Le renforcement de l’implantation du service public de la rénovation de l’habitat constitue une autre priorité définie par les signataires de la lettre ouverte, qui rappellent que leurs organisations sont "le fer de lance des politiques publiques liées à l’habitat privé".
"Nous sommes convaincus qu’une politique de rénovation ambitieuse, équitable et rigoureuse peut conjuguer efficacité sociale, environnementale et économique. Elle suppose un cadre stable, clair, construit avec les territoires et les acteurs de confiance, et implique de maintenir des exigences fortes en matière de qualité et de régulation, en poursuivant la lutte contre les pratiques frauduleuses et les démarchages abusifs”, déclarent-ils.
Dans ce contexte, les signataires sollicitent un rendez-vous direct au plus vite avec le ministre, afin de lui partager leur expertise. Des copies de la demande ont également été adressées à la ministre de la Transition écologique, à la ministre chargée des comptes publics et à la ministre chargée du logement.