Bilan environnemental de la France : des dépenses toujours à la hausse mais des résultats contrastés

Comme chaque année, le Service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique diffuse le recueil des chiffres clés par thématiques permettant de mesurer les efforts financiers affectés pour prévenir, réduire ou compenser les dommages causés à l’environnement (traitement des déchets et des eaux usées, pollution de l’air, biodiversité, risques naturels etc.). Ce panorama, qui donne un aperçu de l’état des écosystèmes, montre cependant des résultats contrastés. 

Le Bilan environnemental de la France, publié ce 1er mars, par le service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique - à partir des chiffres de 2021 - permet de mettre en regard les évolutions de l’état de l’environnement et les moyens financiers déployés pour le protéger face aux enjeux de dégradation des milieux naturels. L’analyse des indicateurs montre des "progrès notables" dans certains domaines - l’amélioration de la qualité de l’eau et de l’air en sont un exemple. Pour d’autres, "la situation demeure préoccupante" : "les émissions de gaz à effet de serre (GES) restent élevées même si des améliorations sont constatées, l’artificialisation progresse et la biodiversité continue de disparaître malgré des financements dédiés à ce domaine", pointe-t-il. 

60 milliards de dépenses en 2021

Les principaux domaines couvrent la gestion des déchets (19,6 milliards d’euros) et des eaux usées (14,1 milliards d’euros), qui représentent à eux deux 56% du total des dépenses. Les autres postes de dépenses varient de 2 à 8 milliards d’euros (protection de l’air, de la biodiversité, dépollution des sols, lutte contre le bruit, recherche et développement pour l’environnement, etc.).

Le niveau des dépenses augmente régulièrement, année après année : +3,6% par an en moyenne entre 2000 et 2021 (avec un pic de +11,2% en 2021), alors que le PIB évoluait dans le même temps de +2,5% par an en moyenne. Ce montant de dépenses place la France dans la moyenne des pays européens en part de PIB (2%). Les investissements ont connu une croissance significative en 2021 (+20,6% par rapport à 2020), "avec la reprise de projets retardés en 2020, et les effets positifs du Plan de relance".

Etat et collectivités financent pour un tiers

Ce sont les administrations publiques (État, collectivités locales) qui arrivent en tête des sources de financement, à hauteur de 36% (soit 21,6 milliards d’euros en 2021), suivies des entreprises (34%), puis des ménages (29%) et à la marge l’Europe (pour moins de 1%).

Pour 66%, il s’agit de dépenses courantes, les investissements atteignant 34%. Dans le détail, les administrations publiques et les entreprises sont les principaux investisseurs - avec une contribution respective de 9,4 milliards d’euros (46%) et 9 milliards d’euros (soit 44% du total) -, tandis que les ménages sont les principaux contributeurs aux dépenses courantes (39%), via les taxes et les factures (déchets et assainissement). La gestion des déchets est d’ailleurs le secteur qui contribue le plus à la hausse des dépenses de protection de l’environnement du fait de la poursuite des efforts consacrés à l’amélioration de la collecte sélective et de la valorisation des déchets, notamment dans le cadre du service public de gestion des déchets ménagers et assimilés. La taxe, ou redevance, d’enlèvement des ordures ménagères a augmenté de près de 5% en moyenne par an entre 2000 et 2021.  

Bond des investissements pour la protection de l’air

La protection de l’air - soutenue par des incitations à l’achat de véhicules propres tels que le bonus écologique ou la prime à la conversion - affiche la plus forte croissance des investissements réalisés "avec une augmentation de 3,5 milliards d’euros entre 2000 et 2021". Et les résultats sont au rendez-vous… Pour la majorité des polluants, les émissions ont globalement baissé sur la période 1990-2022, avec notamment -74% pour les rejets d’oxydes d’azote (NOx) dus aux transports malgré l’augmentation du trafic routier et l’accroissement du parc. Les transports demeurent toutefois la plus importante source de GES (32% des émissions totales). En 2022, les émissions totales françaises de GES (hors secteur des terres et de forêts) sont estimées à 404 millions de tonnes équivalentes CO2 (Mt CO2 éq), en baisse de 2,7% par rapport à 2021. Pour atteindre l'objectif en 2030 de baisse de 50% des émissions brutes par rapport à 1990 (soit 270 MtCO2e), il conviendrait donc de doubler le rythme de réduction annuelle (4,1%).

La part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en France s’élève à 20,3% en 2022. Elle augmente régulièrement depuis 10 ans et a progressé de 1,1 point par rapport à 2021. La hausse s’explique par l’accroissement des capacités de production dans plusieurs filières renouvelables (éolien, photovoltaïque, et pompes à chaleur) alors même que la consommation finale brute d’énergie diminue tendanciellement (à un rythme d’environ -0,7% par an), encouragée par les mesures de sobriété. Cette part devra atteindre 33% en 2030 pour respecter les objectifs de la loi Energie-Climat. 

L’assainissement des eaux usées tient le haut du pavé

Même si la situation s’améliore, la pollution des eaux de surface et souterraine induit des "coûts importants" pour assurer la pérennité des usages et, en premier lieu, la production d’eau potable. Entre 2000 et 2020, la pollution des eaux de surface a été divisée par deux pour ce qui est des phosphates, notamment grâce à la mise aux normes des stations d’épuration urbaines et le retrait de ces substances dans les lessives. Le bilan est nettement plus mitigé pour les mesures prises pour lutter contre la pollution par les nitrates. La première cause d’abandon de captages incombe à la dégradation de la qualité de la ressource principalement du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides.

Les collectivités sont sans surprise les principaux investisseurs dans le domaine de la gestion des eaux usées, représentant 4,1 milliards d’euros (soit 79% du total). L’assainissement des eaux usées (14,1 milliards d’euros) est de loin le premier poste de dépenses dans la lutte contre la pollution des eaux superficielles et de surface. La gestion des eaux usées représente également une part importante des dépenses courantes (8,8 milliards d’euros en 2021), avec pour premiers contributeurs les ménages essentiellement par la facture d’assainissement (en progression de 3% par an en moyenne sur la période 2000-2021). Un point de vigilance concerne en outre la tension localement exercée sur la ressource en été : sur la période 2012-2022, les mesures de restriction déclenchées par les préfets "ont été fréquentes sur certaines zones du territoire, notamment de l’Ouest et du Sud-Ouest, ce qui montre la fragilité de ces secteurs par rapport à la disponibilité de l’eau".

Des signes positifs sur la consommation de matière et le recyclage

Parmi les points positifs, la baisse de consommation de matières en France depuis 2007 (792 millions de tonnes, soit 11,7 tonnes par habitant en 2021) et l’évolution de la productivité matières, permettent de mesurer la transition de la société vers une organisation plus économe en ressources naturelles (+10% depuis 2010, et près de 27% par rapport à 2007).

En 2020, la France a produit 309 millions de tonnes (Mt) de déchets, contre 355 Mt en 2010. Le taux de recyclage matière et organique tous déchets confondus progresse (50% en 2020 contre 48% en 2010) favorisé par la structuration des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP).  La nouvelle filière des déchets du bâtiment devra gérer des tonnages très importants (plus de 40 Mt/an) et contribuer à la diminution des dépôts sauvages, grâce à un principe de reprise gratuite des déchets financée par les éco-organismes agréés. Le taux de valorisation des déchets inertes devra progresser pour atteindre 88% en 2027, celui de l’ensemble des déchets (hors métaux) 57%.

Une biodiversité menacée

A l’inverse, de nombreux indicateurs sont en dégradation : la part des habitats d’intérêt communautaire dans un état favorable de conservation est en baisse entre la période 2007-2012 et la période 2013-2018 (de 22% à 20%). Et 41% des sites humides emblématiques étudiés ont vu leur état se dégrader entre 2010 et 2020. Même effondrement pour les populations d’oiseaux communs spécialistes (-36% entre 1989 et 2021) et les populations de chauves-souris (-43% entre 2006 et 2021), qui pâtissent de l’artificialisation et des pesticides.

En moyenne sur la période 2013-2022, 15.000 ha ont en outre été détruits par an par les feux de forêt et de végétation. En 2022, ce sont près de 58.580 ha d’écosystèmes forestiers qui ont ainsi été détruits (pour moitié en Gironde et dans le Var). Sous l’effet du changement climatique, entre 2015 et 2020, les récifs coralliens ont eux aussi connu une dégradation dans 33% des stations des Antilles françaises, de Mayotte et de La Réunion (15% des stations du Pacifique). Pour d’autres espèces (loutre, castor, etc.), la situation s’améliore grâce, entre autres, à la mise en place de plans nationaux d’action. Le loup gris, le lynx boréal et l’ours brun poursuivent également leur reconquête au prix de conflits avec le secteur du pastoralisme.

La protection de la biodiversité a bénéficié de 3,3 milliards d’euros dédiés en 2021 - auxquels l'État et les collectivités ont contribué à près des deux tiers (62%) - marquant une hausse record de 14%. En 2022, 41.192 ha de milieux humides ont été acquis avec la mobilisation de fonds européens et de financements portés par les établissements publics et les collectivités en complément du soutien des agences de l’eau.

Le Régime Cat Nat sous pression

Parmi les 26 états européens, c'est la France qui recense le plus de catastrophes naturelles. Le coût des différents périls couverts par le régime d’indemnisation s’élève à 49,9 milliards d’euros sur la période 1982-2022, soit en moyenne 1,22 milliard d’euros par an. Les inondations (49%) et la sécheresse (42%) en représentent les neuf dixièmes. En 2022, la charge des sinistres couverts par le régime, dit "Cat Nat" a été supérieure à cette moyenne, notamment en raison des épisodes de sécheresse qui représentent 90% de la sinistralité (2,9 milliards d’euros, soit la sinistralité la plus importante jamais connue depuis 1982).

Près de 21.550 communes (soit deux tiers des communes françaises) sont déclarées à risque inondation par débordement de cours d’eau. Dans les zones côtières, un peu plus de 1.400 communes sont déclarées à risque d’inondation par submersion marine. Avec un écart de +2,7°C par rapport à la moyenne 1961-1990, l’année 2022 a par ailleurs été, en France métropolitaine, l’année la plus chaude jamais enregistrée. Plus de 10,4 millions de maisons sont construites dans les zones d’exposition forte ou moyenne au phénomène de retrait-gonflement des argiles (soit 54% de l’habitat individuel). S’y ajoutent les risques de mouvements de terrain qui concernent plus de 14.300 communes (soit 41% des communes françaises). Quant aux tsunamis, 9,5% de la population antillaise y est exposée. 

 

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