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Environnement - Biodiversité : le projet de loi adopté en commission à l'Assemblée en seconde lecture

Le 9 mars, les députés ont adopté en commission en deuxième lecture le projet de loi sur la biodiversité. Plus de 300 amendements ont été votés dont un grand nombre intéressent les collectivités.

La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a adopté, ce 9 mars, en seconde lecture, le projet de loi sur la biodiversité. Cet examen, débuté le 1er mars, a été marqué par le retrait par le gouvernement d'un amendement très controversé sur le préjudice écologique mettant à mal le principe pollueur-payeur. Finalement, aucun amendement n'a été adopté à ce sujet. Devant les nombreuses divergences exprimées, la rapporteure Geneviève Gaillard a également renoncé à défendre son amendement, tout en proposant la constitution d'un groupe de travail d'ici l'examen en séance publique à partir du 15 mars prochain.
En revanche, une dizaine d'amendements ont été adoptés à l'article 2, rétablissant pour certains les rédactions adoptées en première lecture à l'Assemblée : triptyque "éviter, réduire, compenser" ; rapport sur l'opportunité d'inscrire le principe de non-régression dans le code de l'environnement. De même est rétablie la mention des territoires dont l'environnement subit les conséquences d'une décision publique qui ne les concerne qu'"indirectement", et qui doivent à ce titre être pris en compte au titre du principe de solidarité écologique. A l'initiative de la rapporteure, l'article 2 bis A, qui proposait de mettre en valeur l'intérêt des "usages" (dont la chasse) pour la biodiversité est supprimé. L'article 3 ter est quant à lui complété de façon à maintenir la référence au conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN). Sur proposition de la rapporteure, une série d'amendements a restitué les rédactions entérinées à l'Assemblée aux articles 4 (définition et élaboration des stratégies nationale et régionales de la biodiversité) et 5 (principe de parité aux Comité national de la biodiversité et Conseil national de protection de la nature). L'article 4 quinquies sur les groupements d'intérêt économique et environnemental est supprimé. La rapporteure a également souhaité que le schéma régional des carrières prenne en compte le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (art. 7).

Agence française pour la biodiversité

Au titre III, la future Agence française pour la biodiversité (AFB) a au passage perdu quelques plumes. Certaines de ses misions ont en effet été supprimées : rôle d'information et de conseil sur l'utilisation des produits phytosanitaires ; évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées. Il reviendra en outre à l'Etat, et non à l'AFB, d'assurer la mission de concevoir, d'animer et d'évaluer l'inventaire national du patrimoine naturel. En revanche, sur proposition de Geneviève Gaillard, l'AFB apportera son soutien à l'Etat pour l'élaboration et le suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité. Par ailleurs, à la demande de députés ultramarins, l'AFB devra mettre en place, "en tant que de besoin, des délégations territoriales". La nouvelle rédaction de l'article 9 fait en outre mieux apparaître qu'il appartient aux régions et à l'Agence de se coordonner. Enfin l'article 11 bis est rétabli, laissant la porte ouverte sur l'opportunité d'une fusion avec d'autres établissements publics nationaux.
Concernant le titre III bis sur la gouvernance de l'eau, un amendement du président du Comité national de l'eau, Jean Launay (SRC-Lot), précise la représentation des usagers non économiques dans les conseils d'administration des agences de l'eau (art. 17 quater). A l'article 17 quinquies, le dispositif de prévention des conflits d'intérêt dans la gouvernance des agences de l'eau (système de commission des aides et régime d'incompatibilités) est rétabli. S'agissant de l'accès et du partage des ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées (titre IV), les députés écologistes ont souhaité rendre au dispositif toute sa portée. A la demande de députés ultramarins, l'article 18 fait désormais référence de façon explicite aux "communautés autochtones et locales". Une obligation d'information de toutes les communautés d'habitants concernées est également introduite. Dans le même sens, le texte instaure une obligation de restitution sur les informations produites à partir des ressources génétiques prélevées sur le territoire d'une collectivité où une ou plusieurs communautés d'habitants sont présentes. La commission a par ailleurs supprimé l'institution obligatoire, dans les collectivités d'outre-mer, d'un comité territorial d'accès et de partage des avantages.

Espaces naturels sensibles

La commission n'est pas revenue sur le principe de la taxation de l'huile de palme (art. 27 A), mais le montant en est limité (90 euros la tonne). A la demande de députés LR et écologistes, l'article 7 ter A relatif au rapport d'opportunité d'un transfert de la compétence espaces naturels sensibles aux régions est rétabli. Au titre V, l'article 28 est lui aussi restitué dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée, afin de permettre aux syndicats d'aménagement et de gestion des parcs naturels régionaux de proposer des harmonisations des différents schémas de cohérence territoriale (SCoT) coexistants. L'article 32 bis AA est lui supprimé, car il pose, estime Geneviève Gaillard, un principe du libre exercice de toutes les activités humaines dans les réserves naturelles, les éventuelles restrictions n'étant possibles que comme des exceptions à ce principe. La rapporteure modifie également l'article 32 bis BA afin de "clarifier les modalités de classement dans le domaine public des terrains acquis au titre de la politique des espaces naturels sensibles et qui sont conservés par la personne publique via une décision de l'organe délibérant". L'article 32 quater, supprimé par le Sénat, est rétabli, permettant à l'Agence des espaces verts de la région d'Ile-de-France, d'exercer un droit de préemption dans les espaces naturels sensibles. Les missions d'expertises en matière de patrimoine naturel des conservatoires régionaux d'espaces naturels ne peuvent être que "locales" (36 quater C).

Compensation écologique

Autre enjeu de taille pour les maîtres d'ouvrage, celui de la compensation écologique. Modifié par les députés écologistes l'article 33 A prévoit une "obligation de résultat" pour éviter toute dérive vers des compensations financières. Aux termes d'un nouvel alinéa le texte pose le principe de la compensation in situ ou à proximité du site endommagé. L'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles devra être consulté avant l'élaboration de l'inventaire national destiné à identifier les espaces à fort potentiel de gain écologique appartenant à des personnes morales de droit public et susceptibles d'être mobilisés pour mettre en oeuvre des mesures de compensation (33 BA). La rédaction des 6 premiers alinéas de l'article 33 relatifs aux obligations réelles environnementales est rétablie, telle qu'adoptée à l'Assemblée. En revanche, la suppression de l'article 34 est maintenue (zones prioritaires pour la biodiversité). Plusieurs amendements identiques ont été adoptés à l'article 35 bis sur la protection des chemins ruraux. Les communes effectueront un inventaire et non un recensement. Des précisions sont en outre apportées à l'article 35 quater sur les échanges de parcelles ayant pour objet la modification du tracé ou de l'emprise des chemins ruraux, en bordure de champs ou de propriétés. La clause de continuité du chemin dans les actes d'échanges est supprimée. Des clauses complémentaires assurent "le maintien de la superficie du chemin initial et sa qualité".

Aménagement foncier et urbanisme

A noter, la suppression de l'article 36 attribuant à l'aménagement foncier agricole et forestier une finalité environnementale. Sur proposition du gouvernement, une nouvelle rédaction de l'article 36 bis A permet "à la fois de conserver la souplesse du dispositif des éléments de paysage identifiés dans les PLU et la dispense de déclaration préalable pour les espaces boisés concernés, dès lors qu'un document de gestion durable s'y applique déjà". Une nouvelle rédaction de l'article 36 quater laisse la possibilité d'identifier des espaces de continuités écologiques dans les PLU. Un amendement de la rapporteure rétablit l'article 36 quinquies qui a pour objet de s'assurer que les centres commerciaux dont les permis de construire seront déposés à compter du 1er janvier 2017 répondront à des critères environnementaux stricts. En revanche, les articles 36 quinquies C et D offrant la possibilité au Scot de délimiter des secteurs pour "promouvoir la permaculture" ont été supprimés.

Lutte contre la pollution

Sur le volet de la lutte contre la pollution, plusieurs suppressions d'articles sont à relever : 51 quater B (droit de recours des associations environnementales sur les manquements administratifs) ; 51 decies A (dispositif de transmission systématique par les agriculteurs de leur registre des produits phytosanitaires). En revanche est rétabli l'article 51 terdecies incitant les communes à la sobriété énergétique en favorisant celles qui limitent l'éclairage public inutile pendant la nuit grâce à une modulation de la dotation de solidarité rurale. La commission introduit par ailleurs la prévention des nuisances lumineuses dans la définition des objectifs de qualité paysagère (art. 72). De même sont rétablis les articles 51 sexdecies (rapport sur les plantes invasives) et 51 quater AA (actions de groupe en environnement). Enfin, la commission a adopté un article 51 quaterdecies interdisant les néonicotinoïdes au 1er janvier 2017.
Plusieurs députés RRDP ont fait adopter un amendement à l'article 59 bis AC visant à l'entretien pertinent des zones agricoles sans enjeu économique (bordures de chemins, jachères, bandes tampons…). L'article 59 bis B est lui réécrit afin de concilier la réforme territoriale et la fusion des communes qu'elle implique avec le maintien des associations communales de chasse agréées. A l'article 62 est créé un "volet littoral" au schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), fixant les grandes orientations en matière de gestion du trait de côte. Un amendement socialiste rétabli la rédaction de l'article 65 afin d'inscrire dans la loi les modalités de création et de gestion des réserves biologiques. L'article 66 inclut dans son dispositif les délits liés aux déchets, dès lors qu'ils sont commis en bande organisée. Plusieurs amendements ont enfin été adoptés à l'article 68 sexies, dont un qui prévoit, en zone Natura 2000, qu'à compter du 1er janvier 2017 l'Etat compense intégralement les pertes de recettes résultant pour les communes et EPCI à fiscalité propre de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties, lorsque le montant de l'exonération est supérieur à 10% du budget annuel de fonctionnement de la collectivité.