Comment l’éducation accélère sa mue numérique

En 2021, les EdTech françaises ont levé près de 438 millions d’euros1. Une année record, qui témoigne de l’attractivité du secteur depuis le début de la pandémie. Mais si l’éducation numérique présente des bénéfices certains pour lutter contre la fracture numérique et favoriser l’accès à l’éducation de toutes et tous, elle n’en demeure pas moins complexe à mettre en œuvre. Rose Lemardeley, responsable du pôle Éducation de la Banque des Territoires, nous explique comment des innovations EdTech soutenues par le Groupe accompagnent cette mutation de fond.

La crise de la Covid-19 a accentué la nécessité de vivre dans un monde de plus en plus numérique afin de garantir la continuité pédagogique. Mais la crise a également révélé des fractures numériques et sociales accrues au sein des territoires. « Par endroit, 40 % des élèves ont complètement disparu des radars des enseignants2, rappelle Rose Lemardeley. Le digital native n’existe pas à l’école ! ». La faute aux problèmes d’équipement informatique et de connectivité qui perdurent dans certains territoires ? En partie, mais ce n’est pas tout : « Il faut également former les élèves, les enseignants et aussi les parents aux bons usages numériques. L’enjeu, désormais, n’est plus de maintenir le lien entre l’école et la maison comme en période de confinement, mais d’accompagner la réussite scolaire à travers des apprentissages hybrides ». En d’autres termes, des apprentissages qui combinent la pédagogie en classe avec l’apport d’outils numériques.

« L’enjeu, désormais, n’est plus de maintenir le lien entre l’école et la maison comme en période de confinement, mais d’accompagner la réussite scolaire à travers des apprentissages hybrides. »

Rose Lemardeley, responsable du pôle Éducation de la Banque des Territoires

Des investissements publics accrus pour soutenir le numérique éducatif

Afin de tester ces modes d’apprentissage hybrides, le ministère de l’Éducation nationale a lancé les Territoires Numériques Éducatifs (TNE), d’abord dans l’Aisne et le Val d’Oise à l’été 2020, puis dans 10 autres départements à la rentrée 2021 grâce au 4e Programme d’investissements d’avenir (PIA4) sous l’égide de France 2030, porté par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI).

Le dispositif, mis en œuvre par la Banque des Territoires, vise à financer à hauteur de 200 millions d’euros le déploiement d’équipements, de formations et de ressources numériques dans des écoles et établissements scolaires. « La grande nouveauté est la prise en compte de la parentalité numérique, explique Rose Lemardeley. L’inclusion numérique des familles est devenue une des priorités de l’État pour répondre aux fractures éducatives et construire l’école du futur ».

« Il y a un vrai besoin d’accompagnement pour faire le lien entre les acteurs privés et publics, nationaux et territoriaux. C’est la clé pour faire du numérique éducatif un des piliers de l’école de demain. »

Rose Lemardeley

Cette impulsion donnée par l’État a contribué à un foisonnement d’innovations EdTech. Rien qu’en 2021, la filière compte 500 start-ups et 10 000 salariés, pour un chiffre d’affaires d’1,3 milliard d’euros1. Néanmoins, malgré cette forte croissance, la majorité des entreprises restent de petites structures (60 % d’entre elles déclarent 10 salariés ou moins et un chiffre d’affaires inférieur à 500 K€1) et peinent à se développer. En cause, les circuits d’achat complexes, l’absence d’autonomie financière des enseignants et des établissements pour choisir les solutions adaptées à leurs problématiques ou encore les délais de commande publique. « Il y a un vrai besoin d’accompagnement pour faire le lien entre les acteurs privés et publics, nationaux et territoriaux. C’est la clé pour faire du numérique éducatif un des piliers de l’école de demain », explique Rose Lemardeley.

Créer des ponts entre public et privé, national et territorial

En tant que partenaire du ministère de l’Éducation nationale et interlocuteur historique des collectivités, la Banque des Territoires tisse le lien entre l’État, ses services déconcentrés et les acteurs locaux (établissements scolaires, enseignants, entreprises de la EdTech, associations…). Elle accompagne le développement de projets éducatifs inclusifs et innovants, notamment à destination des élèves les plus en difficulté. 

Depuis 2020, elle a investi plus de 10 millions d’euros dans la filière EdTech française à impact. Une offre dédiée, EdTech for Good, propose notamment des tickets de 200 k€ à 2 M€ et plus, en fonds propres et quasi-fonds propres, aux structures privées ou associatives intervenant sur l'éducation avec un fort impact social et territorial, ainsi qu’aux collectivités intéressées par les enjeux de numérique éducatif. 

Au-delà de l’offre de financement, EdTech for Good est une véritable dynamique. Des événements réguliers sont organisés avec les différents acteurs publics et privés du marché pour partager les expériences, mettre en commun les bonnes pratiques et échanger sur des opportunités d’investissement. 

Par ailleurs, dans le cadre de ses engagements France Relance en soutien au secteur de l’éducation, la Banque des Territoires a lancé passerelles, le premier accélérateur EdTech à impact. Son objectif : déployer à grande échelle une dizaine de solutions EdTech en faveur de l’inclusion des publics fragiles, l’égalité des chances et l’attractivité des territoires. Ces solutions seront accompagnées pendant un an. « Passerelles répond aux problématiques rencontrées sur le marché encore jeune et fragmenté de la EdTech, précise Rose Lemardeley. Le but est d’aider des projets matures d’éducation numérique à prendre leur envol au sein d’un écosystème complexe, qui rassemble des acteurs aux réalités très diverses. Si nous avons choisi le nom « passerelles », c’est bien parce qu’il y a cette volonté de créer un lien, d’instaurer le dialogue entre les élèves, les enseignants, les collectivités, l’académie, le ministère… pour faire émerger des projets innovants venant du terrain et répondant aux besoins locaux ». 
 

« Le but [de passerelles] est d’aider des projets matures d’éducation numérique à prendre leur envol au sein d’un écosystème complexe, qui rassemble des acteurs aux réalités très diverses. »

Rose Lemardeley

Développer des outils numériques à l’école…

Parmi les besoins du terrain justement, figure l’urgence d’outiller les enseignants et les personnels éducatifs. En ce sens, la Banque des Territoires a pris des participations dans la société Index Éducation, éditrice du désormais célèbre logiciel de vie scolaire PRONOTE. Utilisée par 10 millions d’élèves en France, avec 3,41 milliards de connexions à son actif en 2020-2021, cette application qui permet de faire le lien entre les parents et les professeurs joue d’ores et déjà dans la cour des grands.

Du côté des ressources au service des enseignants, la plateforme de digital learning Maskott, dans laquelle la Banque des Territoires a récemment investi, propose des contenus pédagogiques pour faciliter la préparation des cours. « Depuis son lancement en 2004, Maskott a réussi à accroître sa légitimité auprès des enseignants et à saisir les opportunités de développement mises en place par l’État, souligne Rose Lemardeley. La plateforme fait d’ailleurs partie des lauréats du marché de ressources numériques dans le cadre des TNE. À travers notre investissement, nous espérons les aider à se déployer encore plus sur l’ensemble des territoires ».
 

« Les inégalités scolaires commencent dès le plus jeune âge […]. Il faut agir le plus tôt possible aux côtés des collectivités en charge du périscolaire pour offrir des ateliers de qualité aux familles qui ont moins facilement accès à ce type d’activités. »

Rose Lemardeley

… et autour de l’école, dès le plus jeune âge

Si la digitalisation de l’éducation va galopant au sein de l’école, il y a aussi une carte à jouer dès le plus jeune âge, en milieux périscolaire et préscolaire. Mais en la matière, se pose la question de l’exposition aux écrans. C’est précisément là qu’innove COLORI. Cette EdTech, dans laquelle ont investi la Banque des Territoires et la MAIF, propose une initiation au numérique aux enfants de 3 à 6 ans… le tout sans écran ! « Les inégalités scolaires commencent dès le plus jeune âge, en particulier chez les petites filles, rappelle Rose Lemardeley. Cet investissement reflète notre conviction : il faut agir le plus tôt possible aux côtés des collectivités en charge du périscolaire pour offrir des ateliers de qualité aux familles qui ont moins facilement accès à ce type d’activités ». 

Et au niveau de la petite enfance ? D’après l’étude sur les 1 000 premiers jours de l’enfant menée à l’initiative du gouvernement par une commission d’experts présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le début de vie des tous petits est une période clé pour leur développement. D’où l’importance de l’accompagnement des parents et la formation des assistantes maternelles ! 

C’est notamment le credo de la « baby EdTech » Gazouyi, qui fait partie des sociétés accélérées par passerelles. Elle propose une application mobile dédiée aux parents et aux professionnels de la petite enfance avec des activités et des formations pour stimuler le développement des enfants, de la naissance à 5 ans. Dans le même esprit que Colori, Gazouyi tente de lutter contre les inégalités à travers un outil numérique dès le plus jeune âge. « Elle contribue, en prime, à faciliter l’activité des assistantes maternelles, à valoriser leur métier et à créer des communautés ». 

Sans oublier la lecture 

Autre enjeu clé de l’éducation numérique : la lecture. La Banque des Territoires est entrée en 2021 au capital de Mobidys, une bibliothèque numérique à destination des écoles et des centres médico-sociaux pour rendre la lecture accessible, en particulier aux élèves dyslexiques

Récemment, elle a également intégré la société Bookinou à son accélérateur passerelles. « Bookinou est une conteuse qui permet d’enregistrer des histoires que les enfants peuvent ensuite écouter, en gardant le livre dans les mains, explique Rose Lemardeley. Elle est déjà bien implantée auprès du grand public. Nous accompagnons à présent son déploiement en milieu scolaire. C’est un outil utile pour les enseignants dès la maternelle, voire même pour les professionnels de la petite enfance en crèche ». 

À travers l’ensemble de ces investissements, la Banque des Territoires accompagne la mue numérique de l’éducation afin que chaque enfant, en tout point du territoire, puisse apprendre dans les meilleures conditions possibles. « Nous apportons notre pierre à l’édifice pour réduire les fractures sociales et territoriales. L’enjeu, à présent, va être d’évaluer l’impact de notre accompagnement, ainsi que la viabilité et réplicabilité des projets soutenus », conclut Rose Lemardeley. 


1 Étude filière EdTech 2021, conduite par la Banque des Territoires, EY-Parthenon et EdTech France.
2 Enquête Continuité pédagogique, association SynLab, août 2021.

Rose Lemardeley

Responsable du pôle Éducation de la Banque des Territoires

Rose Lemardeley est responsable du pôle Éducation du département Cohésion sociale et territoriale au sein de la direction de l’investissement de la Banque des Territoires. Elle pilote les actions déployées pour accélérer l’innovation, l’attractivité des territoires et le numérique au service de l’éducation portées par la Banque des Territoires via ses fonds propres par des investissements ou des partenariats et via des mandats pour le compte de l’État. Elle est diplômée de la London School of Economics and Political Science (LSE) et de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3.

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