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Brexit : la France accélère la cadence pour préparer un retour des frontières au 30 mars

Alors que le parlement britannique vient de rejeter massivement l'accord conclu entre Londres et Bruxelles sur le Brexit, le Premier ministre français a déclenché, jeudi, un plan pour se préparer à une sortie du Royaume-Uni sans accord au 30 mars. Hypothèse de plus en plus probable.

Le scénario d’un "Brexit dur", c’est-à-dire de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord, se confirme. Après le rejet massif du parlement britannique mardi 15 décembre (par 432 voix contre 202) de l’accord conclu entre Londres et Bruxelles, le Premier ministre, Theresa May, a échappé de justesse à une motion de censure déposée par l'opposition travailliste, mercredi. Il lui reste deux jours pour trouver une issue. Le commissaire français Michel Barnier, qui a négocié cet accord pour le compte de l’UE, a jugé ce risque de sortie sans accord ordonné "plus élevé que jamais". "Si le Royaume-Uni fait évoluer ses lignes rouges et va au-delà d’un simple accord de libre-échange, l’UE sera prête immédiatement à accompagner cette évolution et répondre favorablement", a-t-il assuré, mercredi. Du côté du Parlement européen, certains souhaiteraient étendre le délai de négociation ou redonner la parole au peuple britannique.
"Nous avons à présent quatre possibilités de scénarios : une sortie du Royaume-Uni sans accord, une renégociation majeure de l’accord avec une extension de la date du Brexit, un nouveau référendum ou des élections anticipées", a détaillé l’eurodéputé français Alain Cadec (PPE), président de la commission Pêche, dans un communiqué, mercredi. 

50 millions d'euros de travaux

De son côté, Paris se prépare activement à ce Brexit dur, censé intervenir au 30 mars. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a réuni, jeudi 17 janvier, tous les ministres concernés par ce dossier brûlant pour déclencher son plan de préparation.  "La France, même si elle souhaite toujours éviter ce scénario, se prépare à une sortie du Royaume-Uni sans accord de retrait le 30 mars 2019, en concertation avec la Commission européenne et ses partenaires de l’Union européenne", fait savoir Matignon, dans un communiqué du 17 janvier. Le gouvernement travaille à son plan de sortie depuis le mois d’avril 2018 ; il se traduira notamment par 50 millions d'euros de travaux d'aménagement dans les ports et les aéroports et près de 600 embauches (douaniers, vétérinaires...). Le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne devait être adopté définitivement par le Sénat, jeudi après-midi. Cinq ordonnances en découleront. Elles seront adoptées en conseil des ministres le 23 janvier. La première régit les droits des quelque 200.000 citoyens britanniques vivant en France. Matignon se veut rassurant à leur égard, espérant une réciprocité : "Le Brexit sera un changement mais nous sommes déterminés à maintenir l’excellent niveau d’intégration entre nos deux pays." Les Britanniques pourront continuer de résider en France pendant un an sans titre de séjour, le temps de régulariser leur situation.

Concertation permanente avec les élus locaux

La deuxième ordonnance a suscité quelques remous :  elle vise à permettre la réalisation "en urgence" des infrastructures nécessaires au rétablissement des contrôles aux frontières (contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires, des marchandises et des personnes), en allégeant certaines formalités (voir ci-dessous notre article "Brexit : vers un big bang des règles d’urbanisme pour permettre la réalisation des infrastructures de contrôles frontaliers"). Les gestionnaires des ports (en particulier Dunkerque, Le Havre et Calais) et du tunnel sous la Manche "sont invités à lancer sans tarder les travaux nécessaires (constructions provisoires et parking notamment, pour un montant d’environ 50 millions d’euros) pour que les contrôles aux frontières soient opérationnels le 30 mars prochain". 
Les trois autres textes visent à permettre aux entreprises établies aux Royaume-Uni de continuer à réaliser en France des opérations de transport routier, d’assurer la continuité de certaines activités financières, en particulier en matière d’assurances, et de poursuivre les transferts de matériels de défense entre les deux pays. Par ailleurs, des textes sont préparés au niveau européen, notamment pour ce qui concerne les corridors maritimes entre l’Irlande et le continent européen. Sujet qui avait mobilisés les ports français craignant d’être mis sur la touche mais qui devrait trouver une issue favorable. Autre sujet d’inquiétude : la pêche, sachant que les marins-pêcheurs français ne pourront plus accéder aux eaux territoriales britanniques. "Une grande partie de la flotte française pêche dans les eaux britanniques. Si les pêcheurs français ne bénéficient plus d’un accès aux eaux et aux ressources, ils ne pourront plus continuer leur activité", souligne Alain Cadec, par ailleurs président des Côtes-d'Armor.
Alors que les trois régions françaises bordant la Manche et la mer du Nord (Normandie, Bretagne et Hauts-de-France) sont particulièrement inquiètes des conséquences économiques du Brexit, le Premier ministre a demandé à ses ministres "d’assurer une concertation permanente et étroite avec les élus locaux et les acteurs économiques sur le terrain".
"Si le Royaume-Uni fait évoluer ses lignes rouges et va au-delà d’un simple accord de libre-échange, l’UE sera prête immédiatement à accompagner cette évolution et répondre favorablement", a-t-il assuré, mercredi, cité par l’agence Europe.