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Bruxelles rappelle les règles de récupération des aides illégales

Dans une communication récente, la Commission rappelle les règles strictes qui entourent la récupération des aides jugées illégales. Début août, l'occasion lui a été donnée de les mettre en oeuvre, avec la demande à la France de récupérer 8,5 millions d'euros indûment versés à la compagnie Ryanair.

Début août 2019, la Commission européenne a exigé que la France récupère quelque 8,5 millions d’euros d’aides indûment versés à la compagnie Ryanair, dans le cadre de sa desserte de l’aéroport de Montpellier. Ces aides étaient payées par une association de promotion touristique (l’APTFE), quasi exclusivement financée par les collectivités, en échange d’une promotion touristique de Montpellier et de sa région sur le site de Ryanair… Voilà une illustration de la manière dont la Commission exerce son contrôle. Or dans une communication datée du 23 juillet, le gendarme de la concurrence rappelle les modalités de récupération des aides illégales, ce qu’elle n’avait pas fait depuis 2007. Cette communication s’inscrit dans un travail plus général de modernisation des aides d’État entamé depuis 2012. La Commission rappelle que "toute aide nouvelle mise à exécution sans être notifiée à la Commission ou avant son autorisation est illégale". "L’État membre concerné doit, en principe, mettre un terme à sa mise en œuvre et, si elle est déjà octroyée, ordonner sa récupération en l’absence de circonstances exceptionnelles."

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne contenant aucune disposition spécifique à la récupération des aides illégales, la Commission s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice.

La récupération ne constitue pas une sanction

L’objectif de la récupération est de "rétablir la situation antérieure" et d’annuler l’avantage dont le bénéficiaire a profité par rapport à ses concurrents, ce qui inclut non seulement le remboursement de l’aide mais aussi des intérêts (au taux correspondant à l’emprunt qui aurait dû être sollicité pour bénéficier du même montant). Cependant, la récupération "ne constitue pas une sanction", souligne la Commission, et elle "ne saurait être considérée comme une mesure disproportionnée" ni comme un "enrichissement sans cause pour l’État concerné". Elle ne peut donc s’accompagner d’amendes ou d’autres sanctions de la part des autorités nationales.

Les aides illégales doivent être recouvrées "de manière immédiate et effective", dans un délai généralement fixé à quatre mois à compter de la décision de récupération de la Commission. L’État doit dans les deux mois suivant cette décision informer la Commission des mesures prises ou envisagées. À noter que dans une affaire récente, la Cour de justice a considéré que l’État constatant l’illégalité d’une aide devait spontanément en demander la restitution, sans attendre la décision de la Commission (CJUE 5 mars. 2019, aff. C-349/17).

La Commission rappelle les principes qui guident cette récupération, comme celui de "coopération loyale" entre la Commission et les États membres, la "confiance légitime", la "sécurité juridique" ou encore "l’autorité de la chose jugée".

Vision très restrictive

La seule possibilité de se soustraire à la récupération est liée à "l’impossibilité absolue", principe quasiment jamais mis en œuvre. La Commission en a en effet une vision très restrictive : "L’État membre concerné ne peut démontrer l’existence d’une impossibilité absolue d’exécuter une décision de récupération en informant simplement la Commission de difficultés juridiques, politiques, pratiques ou internes." "La situation économique du bénéficiaire n’a pas non plus d’incidence sur l’obligation de récupérer une aide", poursuit-elle. L’insolvabilité de l’entreprise ne constitue pas davantage une preuve de l’impossibilité de récupérer l’aide, "sauf si elle a été liquidée et qu’aucun actif n’est récupérable".

Le délai de prescription est de dix ans à compter du jour du versement de l’aide.

Avantage déloyal et sélectif

Les aides perçues dans l’affaire récente de Ryanair concernaient des contrats conclus entre la compagnie et l’APFTE entre 2010 et 2017, avant donc le délai de prescription. Une plainte avait été déposée par Transavia (filiale d’Air France) en juillet 2018. L’enquête de la Commission a révélé que l’APTFE était une association indépendante de l’exploitant de l’aéroport, financée presque intégralement par les collectivités, que ces aides servaient uniquement de mesure incitative pour que Ryanair maintienne ses activités sur place, et que l’association touristique passait des contrats uniquement avec Ryanair, excluant les autres compagnies ou qu’elle favorisait la compagnie irlandaise dans ses appels d’offres. "Il ressort de notre enquête que certains paiements effectués par les autorités locales françaises en faveur de Ryanair pour promouvoir l’aéroport de Montpellier ont donné à Ryanair un avantage déloyal et sélectif sur ses concurrents et porté préjudice à d’autres régions et aéroports régionaux", avait expliqué Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de concurrence, citée dans un communiqué du 2 août.

 

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