Bruxelles veut améliorer l'accès de tous les Européens à l'eau potable
La Commission européenne a proposé le 1er février une révision de sa directive sur l’eau potable de 1998 à la fois pour améliorer la qualité de l’eau potable et l’accès à celle-ci et pour fournir des informations plus complètes aux citoyens. Bruxelles entend ainsi répondre à une exigeance populaire puisque le sujet avait fait l'objet de la première "initiative citoyenne européenne" réussie : en 2013, plus de 1,6 million de citoyens avaient ainsi signé une pétition réclamant à la Commission de faire du droit à l'eau et à l'assainissement un "droit humain".
Environ 23 millions d'habitants ne sont pas connectés à un réseau public de distribution d'eau dans l'UE, a rappelé le vice-président de l'exécutif européen Frans Timmermans en préambule à la proposition de révision de la directive. En matière de salubrité, la Commission propose de mettre à jour ou d'ajouter 18 paramètres afin de mieux protéger la population contre les bactéries (Legionella, en particulier), les contaminants, ou les sous-produits de désinfection comme le chlorate ou le bisphénol A.
Les nouvelles règles imposeraient par ailleurs aux Etats d' "améliorer l'accès à l'eau potable pour tous les citoyens, notamment pour les groupes vulnérables et marginalisés". "En pratique, cela signifie qu’il faut mettre en place des équipements permettant d’accéder à l’eau potable dans les lieux publics, lancer des campagnes d’information auprès des citoyens concernant la qualité de l’eau qu’ils boivent et encourager la mise à disposition d’un accès à l’eau potable dans les administrations et les bâtiments publics", a détaillé la Commission.
Encourager la consommation d'eau du robinet
L’évolution de la législation vise aussi à offrir au public "un accès facile et convivial, notamment en ligne, à des informations relatives à la qualité et à la fourniture d’eau potable dans leur lieu de résidence et d’améliorer leur confiance dans l’eau du robinet", explique-t-elle. Ces nouvelles mesures devraient permettre de réduire les risques potentiels pour la santé liés à l’eau potable et de les faire passer de 4% à moins de 1%.
L'objectif final pour la Commission est d'augmenter la consommation d'eau potable "peu coûteuse, sûre et respectueuse de l'environnement". "Les consommateurs doivent avoir confiance pour se tourner vers l'eau du robinet", a souligné le commissaire à l'Environnement Karmenu Vella. A 0,02 centime le litre, son coût est imbattable selon lui. Et cela permet dans le même temps de lutter contre un autre fléau identifié par la Commission : les bouteilles en plastique à usage unique. Les différences de consommation sont énormes dans l'UE : un Suédois consomme en moyenne 24 litres d'eau en bouteille par an et 148 litres d'eau potable par jour, contre 180 litres d'eau en bouteille par an et 243 litres par jour pour un Italien, selon des chiffres de 2015 de la Commission. Pour Bruxelles, une diminution de la consommation d’eau en bouteille pourrait permettre aux ménages européens d’économiser plus de 600 millions d’euros par an.
L'Assemblée refuse de réviser la Constitution pour y inscrire le droit d'accès à l'eau
Hasard du calendrier, le jour même où la Commission européenne annonçait une révision de sa directive sur l’eau potable, l’Assemblée nationale a rejeté par 57 voix contre 25 une
proposition de loi constitutionnelle de la France insoumise visant à consacrer "un droit inaliénable d'accès à l'eau potable", la majorité et la droite estimant que ce droit était déjà garanti par la loi. "Diverses dispositions permettent un accès à l'eau y compris pour les personnes en situation de précarité, mais le droit à l'eau n'est pas proclamé par la Constitution", a argumenté le rapporteur Bastien Lachaud (LFI) qui voulait garantir par cette proposition "la gratuité d'accès à la quantité d'eau potable indispensable à la vie et à la dignité". Il faut que l'eau dépende de la République pour qu'elle soit accessible à chacun", a renchéri la communiste Marie-George Buffet.
Si tous les orateurs ont rejoint Bastien Lachaud pour dire que "l'eau est un bien commun de l'humanité", la majorité, tout comme la droite, a répondu que cette modification de la Constitution était "inutile", ce droit d'accès étant déjà garanti "dans le droit international, comme dans le droit interne".
"Inutile, inutile... la loi Brottes de 2013, qui interdit les coupures d'eau, n'est pas respectée", a répondu Bastien Lachaud. Autre argument mis en avant par la majorité et la droite, "l'atteinte à la libre administration des collectivités locales" car Bastien Lachaud propose de "confier à l'État et aux collectivités territoriales le monopole de la distribution d'eau et de l'assainissement". "Vous supprimez la possibilité d'une délégation de service public. Vous imposez aux collectivités à la fois une obligation de moyens et de résultats. Pourquoi exclure a priori les opérateurs privés et leur expertise acquise ?", s'est interrogé Raphaël Schellenberger (LR).
"Les réseaux les moins bien entretenus sont ceux en délégation de service public", a répondu Bastien Lachaud, dénonçant des députés "porte-parole de Suez et Veolia".
AFP