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PLF 2012 - Budget Solidarité : le handicap et quoi d'autre ?

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2012 prévoit, pour la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances", une enveloppe de 12,79 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 12,75 milliards en crédits de paiement (CP). Cette mission n'est donc pas particulièrement maltraitée par la rigueur budgétaire, puisque les CP prévus au PLF 2012 progressent de 4,8% par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2011. La hausse n'est toutefois seulement que de 3,5% hors compte d'affectation spéciale (CAS) "Pensions" (instauré par la loi de finances pour 2006 et retraçant les engagements de l'Etat relatifs aux charges de pensions versées aux fonctionnaires de l'Etat).

Une mission "mono-programme"

La principale caractéristique des crédits de la mission "Solidarité" est d'être progressivement devenue un budget quasi "mono-programme". Sur l'enveloppe de CP de 12,75 milliards d'euros, le programme "Handicap et dépendance" représente à lui seul 10,482 milliards, soit 82% de l'ensemble. Les quatre autres programmes sont donc réduits à la portion congrue : 1,484 milliard d'euros pour le programme "Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie" (qui incluent notamment une part des dépenses de fonctionnement des agences régionales de santé), 535 millions d'euros pour le programme "Lutte contre la pauvreté : RSA et expérimentations sociales", 233 millions pour le programme "Actions en faveur des familles vulnérables" et 20 millions pour le programme "Egalité entre les hommes et les femmes", qui ne devraient sans doute pas suffire à ébranler sérieusement quelques millénaires de domination masculine...
Au sein du programme "Handicap et dépendance", l'allocation aux adultes handicapés (AAH) - versée par les CAF, mais financée par l'Etat - représente à elle seule 7,5 milliards d'euros. Cette prégnance du handicap dans le budget Solidarité ne cesse d'ailleurs de se renforcer. Les crédits consacrés à l'AAH progresseront en effet, l'an prochain, de 8,3%, sous le double impact de la revalorisation de l'AAH (25% sur cinq ans, conformément à l'engagement du chef de l'Etat) et de l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Dans une allusion à la démarche expérimentale engagée par l'Etat, la fiche de présentation précise cependant qu'"une attention particulière est toutefois portée à l'harmonisation ainsi qu'à la rationalisation des pratiques d'attribution de l'allocation entre départements, afin de maîtriser l'évolution de la dépense".

La pièce se joue à l'extérieur

La présentation du programme "Solidarité" est très discrète sur le RSA et se contente de quelques généralités sur la différence entre RSA socle et RSA activité. Elle indique toutefois, qu'au total, les ressources du Fonds national des solidarités actives (alimenté essentiellement par la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux de 1,1% sur les revenus du capital) permettront de financer 2 milliards d'euros de dépenses au titre du RSA activité et des différentes prestations qui l'accompagnent. Le montant annoncé pour la contribution au titre du programme "Lutte contre la pauvreté" (535 millions d'euros), laisse, par ailleurs, augurer la mise en veilleuse du petit jeu budgétaire consistant à surdoter les lignes correspondantes pour constituer des réserves utilisées en cours d'année.
Enfin, le dernier enseignement que l'on peut tirer des crédits de la mission Solidarité est qu'elle constitue un cas quasi unique dans le budget de l'Etat. L'essentiel des dépenses - considérables - du secteur est en effet financé hors du budget. Sans même parler des dépenses sociales des départements, que pèsent les 233 millions d'euros pour les familles vulnérables face aux 70 milliards d'euros de prestations de la branche famille ? De son côté, le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est depuis longtemps supérieur (19 milliards d'euros) à celui du ministère et le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pèse beaucoup plus que le PLF (voir notre article ci-contre du 23 septembre 2011). Même sur le handicap, les 7,5 milliards d'euros consacrés à l'AAH - qui représente aujourd'hui l'essentiel du programme - sont à comparer aux 36 milliards d'euros consacrés en 2010 au handicap par l'Etat, la Sécurité sociale et les départements. Signe que le budget Solidarité n'est pas le véritable levier des politiques en la matière, le ministère de la Solidarité et de la Cohésion sociale n'a pas jugé utile de consacrer un dossier, ni même un simple communiqué, au PLF 2012...

Hausse de 27% des crédits pour l'accueil des demandeurs d'asile

Confrontés à la poursuite de la hausse de demandes d'asile, les crédits du programme "Immigration, asile et intégration" prévoient une progression de 27% des moyens affectés à l'accueil des demandeurs. Le ministère de l'Intérieur explique vouloir ainsi "tenir compte du niveau élevé des besoins d'hébergement des demandeurs d'asile" (voir notre article ci-contre du 8 avril 2011). Les crédits afférents passeront donc de 296 millions d'euros en 2011 à 376 millions l'an prochain. Une hausse qui explique, à elle seule, la nette progression des crédits de la mission "Immigration" : +14,2% en 2012, pour atteindre un total de 632 millions d'euros. 

Jean-Noël Escudié / PCA

RSA, insertion : ailleurs, plusieurs dispositions

S'agissant du RSA, les points les plus intéressants pour les collectivités, en tout cas pour les départements, sont à chercher là encore hors du cadre de la mission Solidarité, parmi les "Dispositions relatives aux collectivités territoriales" du projet de loi de finances.
Ainsi, l'article 8 reconduit pour 2012 le fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI) - qui s'élèvera comme pour les années précédentes à 500 millions d'euros – avec deux petites adaptation permettant de prendre en compte la généralisation en janvier 2011 du RSA dans les DOM et de "régulariser les dotations des départements lorsque de nouvelles données, utilisées pour la répartition de chacune des parts du fonds (…) sont portées à la connaissance de l'État, notamment dans le cadre de recours administratifs ou contentieux dirigés contre les montants de dotations notifiés".
L'article 12 vient quant à lui ajuster la compensation aux départements des charges résultant de la mise en oeuvre du RSA et donc de la prise en charge par les départements du montant forfaitaire majoré du RSA (ex-API). L'exposé des motifs explique que cet article entend entre autres tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juin 2011"qui a requalifié en 'transfert de compétence' au sens de l'article 72-2 de la Constitution la généralisation du RSA" en mettant en oeuvre une "clause de garantie" aux termes de laquelle "la compensation allouée à chaque département ne peut être inférieure à la dépense antérieure de l'État constatée en 2008 dans ce même département au titre de l'API".
Parmi les "Autres mesures" contenues dans le PLF, on trouvera par ailleurs un article 61 relatif au financement du RSA jeunes. Il s'agit en fait simplement de reconduire la modalité de financement dérogatoire prévue pour ce dispositif, à savoir un financement intégralement assuré par le fonds national des solidarités actives (FNSA). Ce régime temporaire est maintenu en 2012, explique le gouvernement, parce que la lente montée en charge du RSA jeunes ne permet pas de "déterminer, de manière suffisamment fiable et précise, la part respective que représentera, en régime de croisière, les volets socle et activité".
Enfin, l'article 62 vient modifier le financement du contrat unique d'insertion (CUI) pour les ateliers et chantiers d'insertion, en autorisant les taux de prise en charge majorés qui avaient été temporairement été institués en 2010 et 2011 (aide financière versée à l'employeur pouvant aller jusqu'à 105% du Smic brut, contre 95% pour un CUI de droit commun).

Claire Mallet