Carte scolaire : l'AMF impulse une nouvelle méthode, "entendue" par la ministre de l'Éducation nationale

L'Association des maires de France, qui a rencontré le 2 avril la ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet, lui a proposé une nouvelle méthode de travail. Pour "sortir des séquences de stress" que constituent chaque année les annonces de fermetures de classes, l'AMF souhaite instaurer un "document cadre" pour une gestion à trois ans de la carte scolaire ainsi qu'une "stratégie à plus long terme". Ce document s'appuiera sur les 66 conventions ruralité.

"Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu au cours des dernières semaines des tensions au sein des différents départements à propos de la carte scolaire." Pour "sortir de ces séquences de stress" que constituent chaque année les annonces de fermetures de classes, l'Association des maires de France (AMF) réclame un "protocole national" avec une vision "à trois ans". Frédéric Leturque et Delphine Labails, coprésidents de la commission Éducation de l'AMF, tenaient un point presse mardi 2 avril 2024 à l'issue de leur rencontre avec la ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet.

L'AMF ne dément ni le vieillissement de la population ni la baisse de la natalité mais souhaite mettre en avant "la place centrale" que tient l'école dans la vie des habitants d'une commune et dans ses investissements "qui doivent s'inscrire dans le temps". "Il faut donc forcément un temps d'ajustement qui nécessite un dialogue", revendique Frédéric Leturque (Les Centristes, maire d'Arras). Si jusqu'alors, des conventions ruralités ont pu être signées dans 66 départements (voir notre article du 30 avril 2021), "ce que nous réclamons, c'est un outil cadre qui donne de la visibilité sur trois ans, ainsi qu'une stratégie à plus long terme. Cette méthode a été entendue par la nouvelle ministre. Des rencontres régulières pourront avoir lieu autour de ce document cadre entre le ministère de l'Éducation nationale et l'AMF", se réjouit Delphine Labails (PS). La maire de Périgueux souhaite associer les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (Dasen) et les préfets à ce dialogue afin d'analyser la situation "département par département". Et surtout "apaiser la relation de travail", a répété à plusieurs reprises le maire d'Arras. 

Ce document cadre doit être élaboré d'ici mai 2024, "signé par la ministre et le président de l'AMF en juin 2024" afin de "fixer le cadre de préparation de la rentrée 2025".

S'appuyer sur les prévisions démographiques de l'Insee

Pour la prochaine rentrée scolaire, "de nombreux présidents d'associations départementales des maires m'ont (...) fait part du manque de concertation", a déploré David Lisnard, président de l'AMF, dans un courrier adressé vendredi 29 mars 2024 à la ministre. Il demande par ailleurs que les projets de fermetures soient soumis à l'avis consultatif de l'ensemble des maires, et pas seulement des maires de communes de moins de 5.000 habitants comme c'est le cas aujourd'hui.

L'AMF souhaite notamment s'appuyer sur les prévisions démographiques de l'Insee pour élaborer un "protocole national" qui permettra de "poser les conditions du dialogue entre élus et représentants de l'Éducation nationale". L'objectif est également d'anticiper l'évolution démographique à échéance de "dix ans" pour prévoir les travaux de rénovation à réaliser sur le bâti scolaire.

L'AMF se dit par ailleurs "très prudente sur le changement de statut de l'école" car elle craint d'être renvoyée à un "simple rôle de gestionnaire ou de bâtiments scolaires". "Nous revendiquons notre fonction d'acteurs éducatifs sur le territoire", a souligné Delphine Labails. En cela, elle fait référence à la proposition de loi visant à "donner un statut juridique aux écoles" par la création du statut "d’établissement public local d’enseignement primaire" (Eplep), déposée par la députée Cécile Rilhac. 

D'autres points ont rapidement été abordés avec la ministre, ont fait savoir les élus lors du point presse. 

Inclusion. Concernant l'école inclusive, Frédéric Leturque a rappelé la satisfaction de l'AMF à l'annonce du gouvernement d'une prise en charge par l'État des AESH sur le temps de la pause de midi (voir notre article du 24 janvier 2024). Elle estime que des formations communes aux personnels communaux, intercommunaux, périscolaires et de l'Éducation nationale sont nécessaires. Concernant le financement, Delphine Labails rappelle que le Sénat a adopté le 23 janvier 2024 un projet de loi qui "doit être examiné cette semaine". La compétence départementale est aujourd'hui portée au sein des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) mais l'AMF insiste pour que les communes puissent être associées aux décisions d'orientation et de choix d'école pour les enfants en situation de handicap.

Uniforme. Sur le projet de généralisation de l'uniforme à l'école en 2026, Frédéric Leturque rappelle que "l'objectif ministériel est d'arriver à une centaine d'expérimentations". Delphine Labails a rappelé que l'AMF était plutôt "réservée". "Il y a une faible mobilisation des collectivités en faveur de ce dispositif" et "ce n'est clairement pas la priorité pour les communes", a-t-elle lâché. "Dans un contexte budgétaire contraint, nous préférons mettre des moyens financiers sur des personnels, les former sur les questions de laïcité et d'égalité filles-garçons", a-t-elle ajouté.

Bâti scolaire. Les élus plaident pour "une enveloppe dédiée au financement de la rénovation du bâti scolaire" car le "patrimoine scolaire est vieillissant et pèse lourd sur le budget des communes". Ils saluent la mise en place du "comité d'animation de la rénovation des écoles" en septembre 2023 et l'instauration d’un "guichet unique" pour les maires mais pointent "des difficultés dans sa mise en œuvre" et demandent "une sanctuarisation du montant du fonds vert". L' AMF a par ailleurs rappelé qu'il était hors de question que le binôme "préfet – Dasen" choisisse les écoles à rénover, tout en ajoutant qu'elle savait que cette protestation avait déjà été entendue.