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Ce que contient le nouveau projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement

Un nouveau projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement va être présenté en conseil des ministres, en deux temps : ce 28 avril d'abord, le 12 mai ensuite. Le texte vise à pérenniser, adapter et/ou compléter certains dispositifs des lois Silt de 2017 et Rance de 2015.

Alors que les larmes provoquées par l'attentat terroriste de Rambouillet sont à peine sèches, un nouveau projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement va être partiellement présenté, ce 28 avril, en conseil des ministres. Le texte ne se veut toutefois pas une réponse à cet abominable forfait. De l'aveu même du ministère de l'Intérieur, il n'aurait malheureusement "rien" changé. Ce projet, sur lequel les ministères de l'Intérieur et de la Justice "travaillent depuis plusieurs mois", est en effet programmé de longue date. Il s'articule principalement autour de deux chapitres.

Le premier vise à graver dans le marbre, en en adaptant ou complétant certaines, les mesures "expérimentales" de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite Silt, du 30 octobre 2017 – après qu'une loi publiée en décembre dernier en a, contre l'avis du Sénat, nouvellement converti, seulement prolongé la durée (jusqu'à la fin juin, juillet ou décembre 2021, selon les dispositions). Le ministre de l'Intérieur jugeait alors leur pérennisation "prématurée".

Le deuxième a trait à loi relative au renseignement du 24 juillet 2015, dite Rance, dont l'article 27 dispose que ses dispositions "font l'objet d'une évaluation de leur application par le Parlement dans un délai maximal de cinq ans après son entrée en vigueur". Il était donc plus que temps de mettre le métier sur l'ouvrage. Le gouvernement profite de cette "clause de revoyure" pour apporter certaines modifications, notamment afin de tenir compte des évolutions technologiques et d'éviter ainsi l'"obsolescence programmée" du texte.

Il est en revanche un autre événement, imprévu, qui a eu un impact immédiat sur le projet de loi : la décision French Data Network rendue par l'assemblée du contentieux – la formation la plus solennelle – du Conseil d'État, le 21 avril dernier. Le juge enjoint au gouvernement de revoir sa copie en matière de conservation généralisée des données de connexion par les services de renseignement. En conséquence, les dispositions du texte relatives à l'extension des données traitées (non plus seulement téléphoniques, mais visant aussi les connexions à Internet) et à l'échange d'informations entre services judiciaire et de renseignement ne seront présentées en conseil des ministres que le 12 mai prochain.

Fermeture (bis) des dépendances des lieux de culte, pérennisation des "micas"

Parmi les dispositions devant être présentées ce 28 avril, figure la possibilité d'étendre la mesure de fermeture d'un lieu de culte aux locaux dépendant de ce dernier, afin d'éviter qu'ils ne soient utilisés pour faire échec à la fermeture du lieu de culte. Une mesure dont on relèvera qu'elle figure déjà à l'article 44 du projet de loi "confortant le respect des principes de la République" en cours de discussion au Parlement.

Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – plus connues sous l'acronyme Micas – qui peuvent être prescrites par le ministre de l'Intérieur "à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics", en lien avec le terrorisme, sont non seulement pérennisées (pour l'heure, elles ne sont applicables que jusqu'au 31 juillet prochain), mais également renforcées. Ainsi, la mesure "d'assignation à résidence" – ou plus exactement d'interdiction de se déplacer en dehors d'un périmètre déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune – pourra être assortie d'une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant au sein de ce périmètre, dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste (le temps de l'événement, et dans la limite de 30 jours). En outre, la durée totale cumulée des obligations pouvant être ordonnées dans ce cadre est portée de 12 à 24 mois.

Sortie de prison sous surveillance pour les détenus jugés "particulièrement dangereux"

Après la censure par le Conseil constitutionnel, le 7 août 2020, des dispositions de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, le gouvernement revoit sa copie (pour être précis, le texte censuré avait pour origine une proposition de loi des députés du groupe LaREM). Le texte introduit une nouvelle "mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste", qui pourra être ordonnée aux détenus condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à 5 ans (ou 3 ans cas de récidive), pour des faits de terrorisme, à leur sortie de prison lorsqu'ils présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme. Cette mesure pourra se traduire par l'obligation d'établir leur résidence dans un lieu déterminé, de répondre à des convocations (JAP, SPIP) ou de communiquer certains renseignements ou documents permettant le contrôle de leurs moyens d'existence et de l'exécution de leurs obligations, d'exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation professionnelle, etc. Cette mesure pourra être prononcée pour une durée maximale d'un an, renouvelable pour la même durée dans la limite de 5 ans. Le texte prévoit que la violation de la mesure est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

Ce dispositif – qui ne sera donc pas applicable aux détenus qui se radicaliseraient en prison – concernerait une centaine de détenus d'ici 2023.

Depuis le 1er novembre 2017, date d'entrée en vigueur de la loi Silt, 610 périmètres de protection ont été décidés (aucun n'est encore en vigueur à ce jour), 8 lieux de culte ont été fermés (dont 3 sont à nouveau ouverts), 430 micas ont été prononcées (dont 67 sont encore en vigueur) et 469 visites domiciliaires ont été effectuées, dont 293 depuis l'assassinat du professeur Samuel Paty le 16 octobre dernier.

 

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