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Revitalisation - Centres-ville : à diagnostic "inquiétant" remède homéopathique

La vacance commerciale des centres-ville est passée de 6,1% à 10,4% entre 2001 et 2014, d'après un diagnostic implacable de la dévitalisation commerciale rendu public par le gouvernement le 20 octobre. En retour, la secrétaire d'Etat au commerce annonce des mesures sans grandes ambitions : un million d'euros pris sur le Fisac serviront à financer des stratégies locales de revitalisation.

"Avec près d'un rideau sur dix baissé, la vacance commerciale s'aggrave et touche fortement les centres des villes moyennes de France." C'est le constat implacable du volumineux rapport (471 pages) sur "La revitalisation commerciale des centres-ville" rendu public par le gouvernement le 20 octobre. L'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) avaient été chargés en février dernier d'identifier les causes de cette dévitalisation et de faire des propositions. S'appuyant sur les données de l'Institut pour la ville et le commerce à partir de 187 villes, leur rapport montre une accentuation du phénomène : la vacance commerciale des centres-ville est ainsi passée de 6,1% à 10,4% entre 2001 et 2014. Or pour les experts, les 6% de vacances constituent un seuil d'alerte. Mais au-delà des 10%, les problèmes sont structurels et ont des sources profondes. Les villes moyennes sont particulièrmeent vulnérables : 55% d'entre elles ont un taux supérieur à 10% contre seulement 27% dans les grandes villes, avec des records à Béziers (24,4%), Châtellerault (22,5%) ou encore Forbach (21,9%)... 

Un million d'euros

"La désertification que montre ce rapport est inquiétante (…) Il n'était plus possible de continuer", a réagi la secrétaire d'Etat chargée du commerce Martine Pinville, à la présentation du rapport. Selon elle, "la priorité numéro 1" est d'intégrer le commerce de centre-ville au sein de stratégies d'urbanisme globales : un million d'euros pris sur le Fisac (Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce) servira ainsi à financer "dès que possible les stratégies de développement urbain, les nouveaux partenariats entre les acteurs publics et privés, et le développement du management de centre-ville", a-t-elle annoncé, citant en exemple le partenariat passé entre l'Association des maires de France (AMF) et la Caisse des Dépôts, le 30 mars dernier, à travers les conventions "centres-villes de demain" qui associent le foncier, l'amélioration de l'habitat, l'aménagement de l'espace urbain... Elle n'a pas repris en revanche l'idée avancée il y a quelques jours par l'Association des petites villes de France (APVF) de régionaliser les crédits du Fisac.
Listant les causes multiples de ce déclin, Martine Pinville s'est curieusement refusée à condamner l'essor des grandes surfaces. "La LME (la loi de modernisation de l'Economie de 2008 qui a libéralisé les autorisations pour les surfaces de moins de 1.000 m2, ndlr) a permis l'installation massive de grandes surfaces commerciales. En règle générale, je dirais que c'est une bonne chose", a-t-elle-même déclaré. "Mais là, pour un grand nombre de villes moyennes, ces surfaces ont été des offres de substitution", a-t-elle cependant reconnu indiquant vouloir "réétudier le cadre applicable", et s'il le faut en faisant modifier le droit européen "pour adapter notre règlementation de l'urbanisme commercial pour les villes moyennes". Voilà donc revenue l'Arlésienne de la réforme de l'urbanisme commercial qui, depuis la loi Royer de 1973, n'a jamais réussi à endiguer la construction de grandes surfaces… Les lois de 2014 (Alur et Pinel), inspirées par la Commission européenne, n'ont à ce titre été qu'un embryon de changement, tout juste ont-elles créé un attentisme chez les porteurs de projets. 

Intégrer l'aménagement commercial dans les Sraddet

Reprenant quelques-unes des propositions du rapport, le gouvernement souhaite encourager les stratégies d'aménagement commercial à l'échelle intercommunale, dans le prolongement de la loi Notr qui confie aux intercommunalités la compétence en matière de politique locale du commerce. Il entend par ailleurs intégrer l'aménagement commercial dans le schéma de cohérence territoriale (Scot) et le PLUi (ce qui était déjà prévu par la loi Pinel de 2014 !) ainsi que dans les futurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). A noter que le rapport propose également de régionaliser les commissions d'aménagement commercial, idée non reprise dans les annonces du gouvernement.
Au-delà du droit, la secrétaire d'Etat a dit vouloir encourager "les expérimentations de revitalisation", ainsi que la "transition numérique des petits commerçants".
Alors que les rapporteurs préconisent le lancement d'une "agence Commerces cœur de ville", Martine Pinville a déjà fixé quelques rendez-vous : fin novembre, la commission de concertation du commerce se réunira. Une thématique sera consacrée au centre-ville. Des états généraux seront organisés "début 2017"…

Fermeture des équipements de santé, de loisirs...

Il n'est pas sûr que ces quelques mesures parviennent à inverser une tendance de fond, accentuée par l'étalement urbain et le phénomène de métropolisation. A cet égard, le rapport souligne les "signes de fragilité" des villes moyennes (place plus importante des grandes surfaces, prédominance du chiffre d'affaires en périphérie, consommation atone depuis 2011, faible pérennité des auto-entrepreneurs dans le commerce…), et les "déterminants" de la dévitalisation (démographie moins dynamique, vacance des logements, forte hausse du chômage, taux de pauvreté, développement du e-commerce, poids de la fiscalité…). La révision des valeurs locatives va même "désavantager les boutiques dont la superficie est inférieure à 400 m2", souligne le rapport. Et elle sera accompagnée d'une hausse de leur contribution à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Il n'y a pas de commerce en centre-ville sans des "conditions d'exploitation et en environnement favorables", développent les rapporteurs qui pointent la "diminution des équipements de santé, de loisirs, d'enseignement ou liés à la culture". Les seuls équipements qui sont épargnés par ces fermetures sont "les postes de sécurité" ! Tout un symbole.
 

 

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