Ceta : le débat se ravive avant le vote du Sénat

Peu après un salon de l'agriculture houleux, le Sénat doit se prononcer le 21 mars sur la ratification du Ceta, l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada. Un sujet sensible à trois mois des élections européennes.

A quelques jours d'un vote important au Sénat pour l'avenir du Ceta, l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada, la mobilisation est à son comble. La Commission européenne a produit une série de données afin de prouver les bienfaits de cet accord pour la France. "Le Ceta est bénéfique pour l’UE, pour la France et pour les agriculteurs français", a affirmé le vice-président exécutif de la Commission européenne en charge de l’économie, Valdis Dombrovskis.  Pour la France, "les exportations de biens et de services ont augmenté de 55% depuis 2017 pour atteindre 1 milliard d’euros, et même le secteur agroalimentaire français connaît un excédent commercial avec le Canada, y compris la viande bovine", assure-t-il.

Cette intervention vise à apaiser les craintes ravivées ces dernières semaines, dans le contexte de crise agricole où les accords de libre-échange ont été pris pour cible. 

90% de l'accord appliqués de manière provisoire

Le Ceta (acronyme anglais pour "accord économique et commercial global") avait déjà fait couler beaucoup d'encre lors de sa signature en 2016 conduisant le chef de l'Etat à demander l'avis d'une commission d'experts (voir notre article du 12 septembre 2017). Depuis lors, il est déjà entré en vigueur de manière provisoire, alors que 17 pays seulement l'ont ratifié, l'Allemagne étant le dernier en date. En effet, il comporte un volet relatif aux échanges commerciaux qui relève de la compétence exclusive de l'Union européenne. 90% du contenu de l'accord sont ainsi entrés en vigueur, les 10% restants ayant trait aux investissements. Et aussi à la délicate question des arbitrages. Les pays qui n'ont pas encore ratifié l'accord sont la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Grève, la Hongrie, l'Italie, l'Irlande, la Pologne et la Slovénie.

En France, l'Assemblée nationale a déjà voté en faveur du projet de loi de ratification, à une courte tête, en 2019. Alors que le vote au Sénat se faisait attendre, c'est le groupe communiste qui a profité de sa niche parlementaire pour inscrire le texte à l'ordre du jour, le 21 mars. Et là, ce n'est pas tout à fait la même musique. Les communistes devraient avoir le soutien de la droite. Coup sur coup, la commission des affaires économiques et la commission des affaires étrangères ont supprimé l'article 1 du projet de loi qui autorise la ratification, comme le prévoit un amendement du rapporteur Pascal Allizard (Calvados, LR). Car pour le sénateur, l'accord provisoire fait apparaître "un bilan contrasté". 

Absence de clauses miroirs

Il renvoie à une une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) de juin 2019, selon laquelle en 2035, le Ceta se traduirait par une progression plus importante des importations de la France en provenance du Canada (+40,4%) que des exportations françaises vers ce pays (+13,74%). Et avec "des risques importants sur l’agriculture française, en particulier sur la filière bovine", souligne le sénateur, relayant les craintes formulées par les syndicats agricoles. Il relève l'absence de clauses miroirs conditionnant les importations canadiennes aux normes européennes, dans un contexte où les réglementations européennes, elles, "ne cessent de se durcir" pour les producteurs français et européens.

Bien sûr la Commission tient un tout autre discours. Cet accord serait paré de toutes les vertus. Grâce à lui les exportations de biens et services de la France ont augmenté de 55% depuis 2016. 2.000 entreprises tricolores de plus commerceraient avec le Canada, fait-elle valoir. L'aérospatiale et la pharmacie ont ainsi vu leurs exportations augmenter respectivement de 6 et 27% et le secteur agroalimentaire de 50%, avec un excédent commercial de 590 millions d'euros en moyenne, contre 410 dans la période précédent l'accord. "Ceci démontre que nous avons su mettre en place des dispositifs européens efficaces pour protéger nos filières sensibles, que ce soit les quotas, les normes sanitaires de l’UE ou l’inclusion de 143 indications géographiques dans l’accord - dont 30 françaises", se félicite Valdis Dombrovskis. Parmi ces IGP, 22 fromages ont un accès facilité au marché canadien où ils sont protégés.

Un avenir incertain sur les importations de viande bovine

Contre toute attente la France est même devenue un exportateur net de viande bovine vers le pays de l'érable, le Canada n'ayant exporté que 0,304 million d'euros de viande vers la France en 2023 (contre 1,1 million en sens inverse). Seulement la situation n'est "pas figée", estime Pascal Allizard car en cas de tension sur les marchés américains et chinois, l'UE pourrait servir de "marché de repli". De plus, "des demandes régulières sont formulées par le Canada pour autoriser l’utilisation de l’acide peracétique pour le traitement des carcasses". Une méthode qui n'est pas sans rappeler celle du "poulet à la javel" largement commentée lors du projet de traité transatlantique (Tafta) avorté. "Rien ne pourra être fait, une fois l'accord ratifié, pour protéger les éleveurs bovins français le jour où le Canada en décidera autrement", mettent également en garde dans une tribune au Figaro l’agricultrice Anne-Cécile Suzanne et Marine Colli, consultante en politiques publiques agricoles. Ce serait alors un nouveau coup dur pour l'élevage français.

Depuis quelques jours, le ministre délégué chargé du commerce extérieur Franck Riester s'évertue, sur son compte X, à vanter les mérites ce l'accord, infographies à l'appui. Avec notamment une carte des IGP protégées, comme le Camembert, le Maroilles, le Munster...  Pour le gouvernement, cet accord vaut bien un fromage.

 

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