Engagement citoyen - Claude Bartolone et Gérard Larcher : deux rapports remis à François Hollande, deux visions
A la demande de François Hollande, les présidents de l'Assemblée et du Sénat, Claude Bartolone et Gérard Larcher, ont planché sur "l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine"... chacun de son côté.
Après les attentats de janvier, le chef de l'Etat avait confié aux deux hommes une mission de réflexion sur ce thème. Mais leurs divergences institutionnelles sur le rôle du Sénat les ont amenés à travailler séparément et, ce mercredi 15 avril, ce sont deux rapports distincts qu'ils ont remis au président de la République. "Nous avons pris deux portes d'entrée différentes", a constaté avec diplomatie Claude Bartolone devant la presse.
"Je pense l'islam compatible avec la République, mais il faut que la République fasse avec lui ce qu'il a fait il y a 110 ans avec le catholicisme", juge par exemple Gérard Larcher, en soulignant que "la supériorité des lois de la République" ne peut "faire l'objet ni d'accommodement ni de transaction"… Tandis que pour Claude Bartolone, "le sentiment d'appartenance républicaine" n'est lié ni au mode d'acquisition de la nationalité, ni à la religion. Lors des auditions et déplacements qu'il a effectués, relève-t-il, "le sujet des appartenances religieuses, des origines familiales ou de l'actualité de la loi de 1905 n'est jamais apparu spontanément".
Gérard Larcher avance dans son rapport, intitulé "La nation française, un héritage en partage", quatre pistes de réflexion, sur "le rôle de l'école", "le nécessaire contrôle des flux migratoires et l'accès à la nationalité française", "la France d'à côté", correspondant notamment aux zones rurales, et, enfin, "les cultes et l'idéal républicain".
La politique de la ville ne doit plus être menée au détriment des zones rurales, considère le président du Sénat. "Il y a aussi des gens qui ont le sentiment qu'on ne s'intéresse plus à eux, qu'on les oublie. Ils ont le sentiment d'un Etat complexe, lointain, normalisateur", décrit Gérard Larcher, proposant de faire "de la réhabilitation de cette France d'à côté un axe prioritaire d'action de l'État", "en ne faisant plus du financement de la politique de la ville et des quartiers l'exclusive priorité".
Autre champ de réflexion de Gérard Larcher, l'école. "Nous assistons à une école qui vit le repli communautariste. Je ne mets pas celle-ci en cause, mais on ne peut plus y enseigner de manière apaisée l'histoire, les sciences naturelles ou le sport". Dès lors, juge-t-il, "on a besoin que l'autorité se réaffirme".
Le président du Sénat propose le renforcement de "la dimension collective du service civique" qui pourrait être obligatoire pour ceux qui s'apprêtent à devenir fonctionnaire, et pour les candidats à l'acquisition de la nationalité française.
Enfin, il ne manque pas de souligner qu'"il y a 550.000 élus locaux qui sont un atout pour la démocratie, le lien sociétal, et le maintien d'un aménagement concerté du territoire". C'est pourquoi "la République doit reconnaître à leur juste valeur leur contribution et leur mérite. L'onction du suffrage universel et la légitimité de la représentation élective l'emportent sur celle des représentations associatives ou liées à des groupes d'intérêts", écrit Gérard Larcher.
On lit ainsi dans son rapport : "La restauration de ce sentiment d'appartenance nationale passe aussi par la résorption d'une scission territoriale qui s'opère entre une France des métropoles où se concentre les richesses et les savoirs, et une France 'd'à côté' qui se dessinerait en creux. Cette part de la France qui se trouve mise à l'écart des métropoles mondialisées doit retrouver toute sa place au sein de la République française et avoir la conviction qu'elle est l'objet de la même attention des responsables politiques nationaux que les territoires métropolitains".
Le rapport du président de l'Assemblée, pour sa part baptisé "Libérer l'engagement des Français et refonder le lien civique", est principalement consacré à "l'engagement des jeunes", à la vie associative et enfin à "l'exercice de la citoyenneté", avec l'idée d'instaurer le "vote obligatoire pour toutes les élections".
Sans se prononcer sur les modalités précises d'une telle réforme électorale, en particulier les éventuelles sanctions pour les abstentionnistes, Claude Bartolone estime qu'elle constituerait un moyen de "renforcer le lien avec la République", d'autant que "les citoyens pourraient toujours exprimer leur insatisfaction face à l'offre politique par un vote blanc" (depuis l'an dernier, ceux-ci sont décomptés séparément des votes nuls, même s'ils ne sont pas inclus dans les suffrages exprimés).
Le député de Seine-Saint-Denis présente au total 61 propositions, dont l'obligation aux élèves des grandes écoles d'effectuer un stage de trois mois dans les quartiers sensibles ou les zones rurales en difficulté, et la validation de trimestres de retraite supplémentaires pour les bénévoles s'engageant dans des "associations d'utilité civique". Pour élaborer ce rapport, dont il a précisé assumer seul la responsabilité, Claude Bartolone s'est entouré d'une mission de 27 députés de toutes tendances. Le président de l'Assemblée a aussi commandé deux sondages et s'est assuré du concours de la Fondation Jean-Jaurès et de la Fondation pour l'innovation politique.