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PLFSS / Petite enfance - Combien le plan d'économies sur les prestations familiales va-t-il coûter aux collectivités ?

Les économies présentées par Marisol Touraine dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (PLFSS) n'ont pas manqué de faire réagir. Il faut dire que le gouvernement n'a pas hésité à multiplier les mesures pour aboutir à un total prévisionnel d'économies d'environ 700 millions d'euro sur la branche Famille. Un chiffre nettement inférieur aux économies envisagées sur la branche maladie (3,2 milliards d'euros - voir ci-contre notre autre article de ce jour), mais qui touche un secteur faisant jusqu'alors - plus ou moins - l'objet d'une sorte d'"union sacrée" en faveur des familles et de la natalité (effectivement exceptionnelle en France au regard des standards des pays développés).

Des économies "forcément douloureuses"

Mais, comme l'a indiqué François Hollande en marge de la remise du prix de l'Audace créatrice, le 30 septembre, "les économies sont forcément douloureuses". De ce point de vue, les mesures annoncées par la ministre des Affaires sociales et de la Santé sont à la hauteur : diminution des allocations liées à la naissance, révision et/ou mise sous conditions renforcées de ressources de plusieurs aides aux modes de garde, réduction du congé parental, diminution de différentes aides en direction des adolescents.
Les réactions n'ont pas manqué dans le monde de la famille, le président de l'Unaf se disant "abasourdi" par des mesures "inacceptables", qui constituent "une remise en cause brutale de vingt ans de politique familiale". Au-delà de ces réactions attendues, on peut aussi s'interroger sur l'impact indirect que pourraient avoir certaines de ces mesures d'économies sur les dépenses des collectivités territoriales.

La réduction du congé parental, bombe à retardement ?

La question la plus emblématique est celle de la division par deux de la durée du congé parental à partir du deuxième enfant concerné. Certes, le gouvernement affirme qu'il ne s'agit pas d'une réduction de la durée du congé, mais de l'obligation de partager désormais les 36 mois (au maximum) de ce dernier entre le père et la mère, alors que, jusqu'à présent, 96% des titulaires d'un congé parental sont des femmes. Toutefois, personne n'est dupe et - tant que les mentalités n'auront pas évolué - la partie du congé revenant au père ne sera pas prise dans l'immense majorité des cas.
Sur un plan matériel, le congé parental se concrétise par le versement, par les CAF, du complément de libre choix d'activité (CLCA) ou du complément optionnel de libre choix d’activité (Colca). Le nombre de bénéficiaires du CLCA et du Colca - qui diminue régulièrement après un pic à 609.000 en 2006 - est aujourd'hui de 511.000. Sur ce total, près de 300.000 bénéficiaires cessent totalement leur activité pendant la durée du congé parental, tandis que le reste conserve une activité à temps partiel plus ou moins importante.
Sachant que le CLCA concerne à 94% des familles avec au moins deux enfants (celles concernées par la réduction de fait du congé parental) et si l'on considère que le taux des pères demandant à prendre la moitié du CLCA ne dépassera pas 10% (au moins dans un premier temps), un rapide calcul (511.000 x 0,94 - 10%) montre qu'environ 432.000 ménages verront leur congé parental diminuer de moitié.
Au bout de ce congé parental réduit, ces familles devront donc trouver une autre solution de garde pour les mois restants (18 mois, si on part sur l'hypothèse de la durée maximale de trois ans). Toujours dans cette hypothèse, et sur la base d'une durée annuelle moyenne de garde de dix mois, il faudra donc dégager - pour répondre à ce besoin - une offre supplémentaire équivalente à 6,48 millions de mois de modes de garde sur 18 mois ((18-3) x 432.000), soit 4,32 millions en annuel. Certes, le calcul mériterait d'être affiné, mais il donne une idée de l'ampleur du choc potentiel,

Pression accrue sur les crèches

Au regard des préférences parentales désormais bien établies en matière de modes de garde, cette demande supplémentaire se portera en premier lieu sur les modes de garde collectifs, puis sur les assistantes maternelles, plus que jamais métier d'avenir. Bien sûr, d'autres solutions pourraient aussi être mobilisées, notamment d'ordre familial. Mais il reste que la pression sur les crèches et sur les structures dédiées aux assistantes maternelles (comme les relais assistantes maternelles) - deux secteurs où les collectivités sont financeurs aux cotés des CAF - pourrait bien s'accroître. Sans oublier bien sûr le retour de la question de la scolarisation à deux ans.
Petit bémol : le mouvement de recul du nombre de naissances engagé en France depuis quatre ans (811.510 naissances en 2013, contre 832.799 en 2010) joue en sens inverse en termes de pression sur les modes de garde, mais dans des proportions nettement inférieures.

 

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