Comment les recommandations européennes en matière de formation des moins qualifiés transparaissent-telles dans les stratégies régionales ?

Le Céreq a passé au crible les politiques menées dans trois régions françaises en matière d’accompagnement vers l'emploi des adultes les moins formés, afin de confronter les recommandations défendues par le Conseil européen en la matière aux réalités de terrain.

En 2016, le Conseil européen publiait une recommandation intitulée : "Upskilling pathways : new opportunities for adults". Le Céreq s’est penché sur la période 2021-2023 afin d’évaluer dans trois régions françaises - Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté et Paca - de quelle manière ces orientations européennes avaient irrigué, ou non, les politiques régionales en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi les moins qualifiés. La vision européenne inscrite dans la recommandation du Conseil européen s’articule, rappelle l’étude, "autour des principes de formation tout au long de la vie et des parcours d’apprentissage inclusifs et adaptés aux besoins des apprenants". Dans les grandes lignes, l’instance européenne plaide ainsi pour "des approches coordonnées, rassemblant tous les acteurs impliqués au niveau national et régional dans une seule stratégie cohérente".

Dès lors, comment ces recommandations sont-elles transcrites au plan national ? La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) ainsi que ses déclinaisons régionales (Pric) répondent-ils à ces objectifs ? Si le Céreq souligne "une certaine cohérence d’objectifs" (remise en confiance des personnes éloignées de la formation et de l’emploi, accompagnements renforcés, etc.), elle relève cependant "une évolution dans les orientations nationales" avec un mantra : la recherche du plein emploi qui s’est imposée comme une priorité absolue, à travers notamment la réforme du RSA puis la création de France Travail. Une évolution "qui a contribué à redéfinir la formation et l’accompagnement comme des moyens d’accroître le nombre de personnes en emploi, plutôt que des outils de développement de compétences ou de réduction des barrières sociales des moins qualifiés". L’étude constate en parallèle que "l’objectif de forte coordination des acteurs" s’est vite heurté à des problématiques de financement, comme de superposition des dispositifs sans gouvernance réelle. Dans le cas des régions, si le cofinancement de l’État à travers les Pric "avait pour but de favoriser le développement des compétences des demandeurs d’emploi les moins qualifiés", le Céreq relève des différences dans la mise en œuvre selon les territoires.

Trois stratégies régionales distinctes

La Nouvelle-Aquitaine, née de la fusion de trois régions, a adopté dès 2018 de nouvelles démarches en mettant notamment l’accent sur la transformation des modalités d’achat public de formations professionnelles à destination des publics non qualifiés, "celles-ci étant désormais considérées comme un service d’intérêt économique régional (SIEG) non soumis aux règles de la concurrence". L’étude rappelle également la création d’un contrat de filière "métiers de la formation" ou encore un soutien spécifique à l’expérimentation par le biais d’appels à projets ("Mobilisation vers la formation"). À travers ces politiques, la collectivité a donc choisi "de lutter contre les effets de segmentation entre les différentes formes d’accompagnement dont les personnes les plus vulnérables ont besoin" en allant chercher "ceux qui ne franchissent plus la porte des institutions publiques" et en incitant les acteurs de l’intervention sociale et de la formation à créer des projets communs. Au bout du compte, souligne le Céreq, "l’initiative régionale en matière de coordination semblait plutôt méconnue des acteurs départementaux" interrogés dans le cadre de cette étude. Un constat qui illustre, poursuit le Céreq, "la difficulté à décliner le plan dans sa double orientation" : augmenter le niveau de l’emploi et celui des compétences des personnes les plus en difficulté.

En région Paca, la situation se caractérise par une forte délégation des compétences régionales au service public de l’emploi : la formation des demandeurs d’emploi de longue durée et celle des moins qualifiés sont ainsi confiées à France Travail à travers un partenariat renforcé qui décharge la région de l’achat de ces formations. Ce qui constitue une forme de régulation "unique en France". La région laisse ainsi France Travail déployer sa stratégie en la matière, avec des moyens "sans précédent" pour accomplir ses missions. En parallèle, la coordination entre la région et les départements est qualifiée de "plus hétérogène" avec des conseils départementaux en quête d’une nouvelle "légitimité" pour coordonner et piloter les interventions des acteurs locaux et, au final, un risque "de brouiller la cohérence générale de l’action territoriale".

En Bourgogne-Franche-Comté, le Pric "a constitué une manne financière inédite" avec un quasi-doublement du budget, relève le Céreq. L’effort a porté sur "la sécurisation financière de certains publics afin de pallier l’exclusion de la formation professionnelle", souligne l’étude. Une démarche qui a permis de faire évoluer les dispositifs existants qui ciblaient jusque-là "des personnes ayant déjà consolidé un projet professionnel". Une logique d’action s’appuyant sur de nouveaux acteurs (associations, services sociaux du département, chantiers d’insertion...) avec une coordination régionale forte sur un territoire comptant 8 départements. Notamment à travers la mise en place de chargés d’animation territoriaux qui relèvent d’une "spécificité régionale" revendiquée. Des protocoles d’accords avec les départements ont été signés en ce sens, souligne le Céreq.

Au final, à travers ces trois exemples, "la vision large plébiscitée par l’Union européenne ne se retranscrit que partiellement", conclu l’étude qui fait le constat que "les objectifs d’employabilité et de réduction des pénuries de main-d’œuvre par une mobilisation soutenue de ces publics, tendent à prendre le dessus sur la logique des parcours individualisés préconisés au niveau européen".

 

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