Comment mettre en place une tarification progressive de l’eau ?

Constat: La sécheresse frappant de nombreux départements français invite à reposer la question de l’utilisation de l’eau potable, et de sa tarification. A l’occasion d’un déplacement à la fin du mois de mars près du lac de Serre-Ponçon, Emmanuel Macron a appelé à la généralisation de la tarification progressive de l’eau, déjà mise en place dans certaines collectivités. Comment la mettre en place et quels sont les écueils à éviter ?

Réponse : Dans un contexte d’inflation, le gouvernement a appelé tous les français, particuliers comme entreprises, à modérer l’usage de l’électricité, notamment pendant les mois d’hiver. A l’approche de l’été, le même discours résonne en matière de consommation d’eau. Entre autres mesures, les collectivités locales sont appelées à réfléchir à la mise en place d’une « tarification progressive et responsabilisante de l’eau ».

1. Qu’est-ce que la tarification progressive ?

Aujourd’hui, dans plus de neuf communes sur dix, le prix de l’eau payé par les usagers est constitué d’une part fixe correspondant à l’abonnement, et d’une part variable fonction de la consommation.

La tarification progressive consiste à appliquer des tarifs différents à la part variable fonction de la consommation. Dans la plupart des collectivités ayant déjà fait le choix de la tarification progressive, les volumes d’eau consommés sont classés selon trois paliers : tout d’abord une eau « vitale » (boire, faire la vaisselle, se laver, etc.), puis une eau « utile », et enfin une eau de « confort » ou d’ « agrément », dont les deux exemples typiques sont le remplissage des piscines ou le lavage des voitures.

Le tarif ainsi décidé par la collectivité serait symbolique pour l’eau vitale (voire nul à Montpellier jusqu’à 15m3 d’eau consommés), légèrement inférieur au coût du service pour l’eau « utile » et supérieur pour l’eau «de confort ».

Le premier objectif de cette tarification est environnemental, avec pour finalité une baisse de la consommation d’eau par l’application de tarifs dissuasifs au-delà d’un certain seuil. A Muret par exemple, en Haute-Garonne, la consommation d’eau a ainsi diminué de 14 %.

Le second objectif de la tarification progressive est de répondre à un impératif de justice sociale.

A cet égard, la progressivité de la tarification peut être combinée à la fixation de tarifs saisonniers : l’article L.2224-12-4 du code général des collectivités territoriales autorise ainsi les communes où existe un déséquilibre entre la ressource et la consommation de façon saisonnière à définir des tarifs différents selon les périodes de l’année. Tel est notamment le cas dans certaines collectivités locales l’été ou dans les stations de montagne en hiver. Ces collectivités peuvent ainsi décider d’appliquer des prix plus élevés au moment des plus fortes consommations.

 

2. Quels sont les écueils à éviter ?

Si le principe même de la tarification progressive de l’eau apparaît clair, sa mise en œuvre pose un certain nombre de difficultés techniques qu’il conviendra d’anticiper.

La première interrogation concerne la fixation du tarif au regard de la composition du foyer. Généralement, le tarif est fixé à partir de la consommation d’un foyer moyen composé de quatre personnes, et semble ainsi inadapté à la consommation réelle des ménages de plus de quatre personnes. Certaines collectivités qui se sont déjà penchées sur la question proposent ainsi de faire bénéficier les familles nombreuses d’un « chèque eau ».

Par ailleurs, un autre problème apparaît lorsque les immeubles ne sont pas équipés en compteur d’eau individuel. Le fait de devoir raisonner en consommation collective ne permet pas le même degré de précision.

Enfin, une autre question se pose sur la portée du dispositif. Celui-ci ayant vocation à s’appliquer uniquement aux particuliers, ce serait 80 % de la consommation effective de l’eau  qui serait exclus purement et simplement du dispositif de tarification progressive.

Il apparaît donc indispensable que les collectivités anticipent ces différentes questions avant de se lancer dans la démarche. En outre, dans de nombreux territoires, d’autres problématiques liées à la fixation des tarifs doivent être intégrées dans le cadre d’une réflexion globale.

 

3. Quelles obligations en matière de fixation des tarifs ?

La réforme de la carte intercommunale de 2017 s’est traduite par de nombreuses fusions d’EPCI, et parfois par la suppression de syndicats spécialisés.

La tarification progressive se heurte souvent à une autre nécessité : celle de l’harmonisation des tarifs. En effet, dans de nombreux territoires fusionnés s’appliquent encore certains tarifs différenciés. Cela vaut d’ailleurs tout autant pour l’eau que pour d’autres compétences comme l’assainissement.

Même si la loi ne fixe pas de date butoir précise pour harmoniser les tarifs, cet objectif doit être néanmoins recherché par les collectivités. Ces dernières devront donc mener de front ces deux réflexions, en respectant le principe d’égalité des usagers devant la charge publique.

Enfin, rappelons que le transfert aux intercommunalités des compétences eau et assainissement sera obligatoire pour toutes les collectivités d’ici à 2026. Dans les territoires qui n’ont pas encore opéré ce transfert, la loi 3DS prévoit l’organisation, dans l’année qui précède ledit transfert obligatoire, d’un débat préparatoire entre l’EPCI et les communes. Ce débat devra, notamment, porter sur la tarification des services publics de l’eau et de l’assainissement. L’occasion rêvée pour que les collectivités se saisissent du sujet de la progressivité ?

Références :

Article 30 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

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