Communauté d'agglomération d'Orléans : un contrat et une "police des usages" pour les transports

Avec d'autres partenaires locaux, la communauté d'agglomération d'Orléans vient de signer un "contrat local de sécurité-transports" qui prévoit notamment la création d'une police spécifique, une des premières en France dans un cadre intercommunal.

Déjà pilote en matière de sécurité (la ville a été la première à prendre des arrêtés anti-prostitution, anti-mendicité et couvre-feux pour les mineurs), la communauté d'agglomération d'Orléans veut désormais imposer "la sécurité dans les transports". Elle vient pour cela de signer avec l'Etat, le conseil général du Loiret, le procureur de la République et la SNCF un "contrat local de sécurité-transports" (CLSCT) dont l'une des mesures phares est la création d'une "police des usages". "Les transports favorisent la mobilité de la délinquance, explique Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération, il faut donc trouver des réponses adaptées." Cette action touchera les véhicules de la Semtao (Sem des transports de l'agglomération d'Orléans) qui gère un réseau connu pour ses faiblesses : territoire de vingt-deux communes plus vaste que celui de Paris, un des plus faibles nombre de voyages par an et par habitant de France (71 voyages) et coût de fonctionnement par voyage élevé. A cela s'ajoute une fraude importante, supérieure à 20% dans le tramway et 10% dans les bus. "Il y avait un véritable sentiment d'impunité, poursuit Florent Montillot, vice-président de l'agglomération en charge de ces questions, avec peu de contrôles, peu de procès-verbaux et de plus en plus de zones de non-droit sur certaines lignes et certains quartiers."

Police intercommunale : un montage difficile

Entre 2002 et 2004, l'agglomération et ses partenaires ont donc travaillé à la mise en place de ce contrat, signé le 3 mai dernier, et qui commence seulement à entrer en application. La création de la police intercommunale résulte d'un montage juridique compliqué. La communauté d'agglomération ne dispose en effet pas de la compétence "police", ce qui conduit à un partage de l'autorité. Fonctionnaires territoriaux de l'agglomération, les nouveaux policiers sont placés sous l'autorité fonctionnelle du directeur de la Semtao et du président de la communauté d'agglomération. D'un point de vue judiciaire, ils sont placés sous l'autorité du procureur de la République et, en fonction de leurs déplacements dans l'agglomération, des vingt-deux maires de l'agglomération qui sont également officiers de police judiciaire (OPJ). Une convention a donc dû être signée avec tous les maires de la communauté afin d'organiser ce nouveau pouvoir de police. "C'est vrai, reconnaît Charles-Eric Lemaignen, que c'est une source de difficultés, mais, dans la pratique quotidienne des policiers, cela ne devrait pas poser de problèmes."

Une police des usages

L'élément phare du contrat est la constitution d'une "police des transports" aussi appelée "police des usages" et qui sera uniquement affectée à la sécurité dans les transports et espaces qui y sont liés (gare routière, arrêts...). Cette police sera constituée de sept policiers intercommunaux, de huit agents de sécurité et de huit agents de médiation et commencera ses patrouilles début 2005, après quelques mois de formation. Cette équipe sera un des premiers exemples français de police intercommunale autorisée par la loi Démocratie de proximité de 2002.
En investissant 450.000 euros par an pour cette police, l'agglomération attend une baisse significative de la délinquance et des incivilités. Répressive, cette police sera aussi préventive puisque les patrouilles intégreront huit agents de médiation recrutés dans les quartiers pour leur autorité auprès des jeunes. Mais la présence de cette police ne veut pas signifier l'abandon d'un territoire particulier par les forces de police traditionnelle. "Au contraire, insiste Charles-Eric Lemaignen, cela va aider l'Etat, qui ne peut pas tout faire, à mettre en oeuvre de nouveaux moyens, à intervenir différemment." Une convention de coordination et de coopération avec la police nationale et la gendarmerie sera ainsi signée, afin qu'il y ait entente parfaite. Sur ce point, un objectif de résultat a été défini : quatre minutes après une alerte dans un bus ou un tramway, une équipe de police ou de gendarmerie doit intervenir.


Jean-Jacques Talpin / Innovapresse Orléans pour Localtis

 

"Nous sommes un laboratoire"


 

Florent Montillot, le vice-président de la communauté d'agglomération, en charge de la prévention et de la sécurité, estime qu'une telle police intercommunale n'est envisageable que dans les grandes agglomérations.

Quelles difficultés concrètes avez-vous rencontrées pour créer cette police ?

Il s'agit de la création d'une structure complète et nouvelle avec ce que cela suppose de difficultés matérielles pour recruter des hommes, les former et les équiper. Les communes possèdent depuis longtemps une compétence "sécuritaire", pas l'agglomération. Nous n'avons ni cette culture ni ce passé. Il faut donc tout construire. Le montage juridique, qui n'a été expérimenté nulle part ailleurs, représente également une difficulté importante. Nous sommes un peu un laboratoire surveillé par de nombreuses autres agglomérations.

Y avait-il un autre montage juridique possible ?

Il aurait fallu que la communauté d'agglomération se dote d'une compétence "police", ce que refusaient absolument les vingt-deux communes. Le pouvoir de police est un pouvoir régalien des maires qui ne souhaitent évidemment pas s'en faire déposséder par une structure intercommunale. Complémentaire des polices municipales, cette police des usages est placée sous plusieurs tutelles hiérarchiques et fonctionnelles. Mais je suis certain qu'une fois sur le terrain, elle fera rapidement ses preuves.

Quand sera-t-elle sur le terrain ?

Nous achevons en ce moment même le recrutement des policiers intercommunaux, alors que les huit agents de sécurité et les huit agents de médiation sont déjà en place. Les premières patrouilles devraient apparaître dans les transports début 2005. Il faut d'ici là bien former les hommes, créer un esprit d'équipe et définir des missions précises. Une police municipale est plus simple à manager car elle intervient sur un seul territoire alors que notre police ne sera présente que dans les transports urbains, ce qui impose des relations et un rapport particuliers avec les usagers. Il faudra également apprendre à travailler en partenariat avec les vingt-deux polices municipales de l'agglomération, avec la police nationale, la gendarmerie, la SNCF. Cela peut paraître lourd, comme pour toute expérience novatrice. C'est pourquoi je crois qu'une telle police intercommunale n'est envisageable que dans une grande agglomération. Mais nous avons le volontarisme nécessaire pour essuyer les plâtres.


 

Une panoplie de mesures


 

La police intercommunale n'est qu'un élément du Contrat local de sécurité-transports. En effet, la police des transports ne vient que parachever un dispositif sécuritaire plus global pour lequel Orléans veut jouer un rôle de "laboratoire national". Après 42% de hausse entre 1996 et 2001, la délinquance globale aurait chuté de 25% en 2002 et 2003 alors que, dans le même temps, la fréquentation des bus et tramway progressait de 18%.

Un volet "matériels technologiques" a été intégré au CLSCT : les 205 bus seront équipés de vidéo embarquée, avec un système de stockage des images sur quatre jours et non plus quatre heures. Des portillons anti-agressions et des balises GPS - GPRS équiperont également tous les bus afin d'accélérer les interventions en cas d'alerte. Parallèlement à ces moyens humains et matériels, agglomération et Semtao ont engagé une véritable guerre à la fraude, en recrutant notamment dix vérificateurs supplémentaires l'an passé. Désormais, une équipe de 30 agents effectue chaque jour plus de 3.800 contrôles, avec un taux de fraude qui a été divisée par deux depuis 2001, pour être ramené à 11,8% dans le tramway et 8% dans les bus, chiffres jugés encore trop importants. Le nombre de procès verbaux dressés est également en constante augmentation : 5.229 en 2001, 12.000 en 2002 et 15.576 en 2003, avec désormais des dépôts de plaintes systématiques, notamment pour les fraudeurs récidivistes. Le procureur de la République a notamment décidé de réactiver le délit de "fraude d'habitude", tombé un peu en désuétude, tandis que le Trésor public s'engage à accélérer le recouvrement des amendes. Enfin, la SNCF a décidé de renforcer son système de surveillance.

Communauté d'agglomération d'Orléans

Nombre d'habitants :

275000

Nombre de communes :

22
espace Saint Marc - place du 6 juin 1944 - BP 95801
45058 Orléans Cedex 1

Florent Montillot

Vice-président

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