Communauté urbaine de Lille : l'apprentissage comme mode alternatif de recrutement

Le conseil de communauté de Lille Métropole a doublé la capacité maximum d'apprentis qu'il souhaite accueillir dans ses services, en passant de 45 à 90 postes. Car, manifestement, le bilan est positif. Zoom sur un mode de recrutement qui s'inscrit dans une gestion prévisionnelle des emplois.

Mécanicien automobile, secrétaire, jardinier, comptable, cuisinier... la palette des métiers auxquels se destinent les apprentis accueillis à la communauté urbaine de Lille Métropole (CUL) est large. Le niveau des diplômes préparés aussi, allant du CAP au diplôme d'ingénieur, en passant par le bac pro ou le DUT. La CUL a signé onze premiers contrats d'apprentissage en 1998. Elle en accueille aujourd'hui cinquante-deux. "Nous ne nous inscrivons pas dans une démarche de formation mais bien de prérecrutement", souligne Valérie Chatel, directrice des ressources humaines. Car, si l'apprentissage permet à un jeune d'acquérir une première expérience professionnelle en même temps qu'il prépare un diplôme, il permet également à la collectivité de repérer les bons éléments en vue de les recruter, avec l'assurance de les avoir formés à "l'esprit maison".
Cette politique d'apprentissage, comme plus généralement l'accueil des jeunes en formation (stagiaires du DESS management des collectivités locales, par exemple), s'inscrit parmi les méthodes alternatives au recrutement sur liste d'aptitude que la CUL met en oeuvre. On pourra relever que le concours devient alors une formalité, certes indispensable, mais qui n'est pas la condition préalable pour être sélectionné. "Une fois son diplôme obtenu, si le jeune apprenti a donné satisfaction, nous le recrutons comme agent non titulaire en attendant qu'il obtienne le concours de la fonction publique", confie la DRH.

Transfert de compétences et de savoir-faire

Autre intérêt mis en avant : l'apprentissage favorise un recrutement adapté aux postes proposés grâce au "tuilage", autrement dit le transfert de compétences et de savoir-faire entre ceux qui vont partir en retraite et les jeunes futurs embauchés. Une démarche qui s'inscrit parfaitement dans le cadre d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. "Si nous ne rencontrons pas actuellement de difficultés de recrutement, nous anticipons le renouvellement démographique des prochaines années", explique Valérie Chatel. 600 des 2.200 agents de la CUL sont susceptibles de partir à la retraite entre 2003 et 2010. Avant même de recruter des apprentis, la direction des ressources humaines recense donc les capacités d'accueil, service par service, et identifie les besoins à pourvoir dans les trois prochaines années, terme à partir duquel les apprentis actuels seront "intégrables".
Pour ces postes proposés à l'apprentissage, la CUL n'a pas eu grand mal à trouver des candidats. Elle a quand même diffusé largement des annonces dans les collèges, lycées, centres de formation des apprentis (CFA) et chambres des métiers ainsi qu'à l'ANPE et à la mission locale de Lille, et même dans le quotidien régional La Voix du Nord.
De plus, le service de la communication interne vient de réaliser un livret d'accueil de l'apprenti, pour répondre de façon concrète à toutes les questions juridiques et pratiques sur l'apprentissage (conditions de travail, statut, rémunération...).

Un suivi de la scolarité indispensable

"A partir du moment où on commence à accueillir un nombre d'apprentis important, il faut absolument préparer leur accueil et organiser leur suivi ", souligne Valérie Chatel. Entre le recensement et la définition des postes ouverts à l'apprentissage, les partenariats avec le conseil régional, le rectorat, la vingtaine de CFA, le suivi sur le terrain avec le jeune et le tuteur, sans oublier la gestion administrative, le travail effectué par la direction de la gestion des ressources humaines est important. Il mobilise à la CUL trois agents, représentant un équivalent temps plein. L'engagement du tuteur, à la fois référent et conseil du jeune, est également indispensable. C'est en général le responsable "n+1" de l'apprenti ou le chef de service. Il bénéficie d'une NBI de maître d'apprentissage.
"Nous organisons des réunions avec les apprentis et les tuteurs pour bien faire passer les mêmes messages et rappeler les objectifs de formation. Notamment l'obligation de suivre assidûment les cours au CFA, avec le diplôme en ligne de mire", explique la DRH. "Dès que l'on constate un absentéisme scolaire, on convoque l'apprenti. Il nous est arrivé de mettre fin à un contrat d'un jeune qui venait bien travailler dans nos services mais n'allait plus en formation."
Au final, l'engagement de la collectivité auprès de ses apprentis paye : sur les 45 premiers apprentis de la CUL, 96% ont décroché leur diplôme et 21 ont été recrutés au sein des services communautaires depuis 1997.

Emmanuelle Yohana / EVS Conseil pour Localtis

"Avec cette politique d'apprentissage, nous anticipons la pénurie de recrutement"

Jean-Louis Frémaux, vice-président de la communauté urbaine de Lille Métropole (CUL) et adjoint délégué aux ressources humaines.

La CUL a récemment porté la capacité d'accueil des apprentis des services communautaires de 45 à 90 postes. Est-ce le signe apparent d'un soutien politique important à cette politique d'apprentissage ?

J'ai particulièrement soutenu le doublement de la capacité d'accueil des apprentis à la communauté urbaine car c'est une politique qui marche bien. Pour le jeune, l'apprentissage est une solution d'intégration professionnelle de tout premier plan, grâce à cette double formation, à la fois scolaire au CFA et sur le terrain au sein de l'entreprise. Pour l'employeur, l'apprentissage permet de former un salarié dans la perspective que celui-ci intègre ses services. C'est une bonne garantie d'adéquation aux besoins d'une entreprise ou d'une collectivité. J'encourage d'ailleurs tous les élus de la communauté [la CUL compte 170 élus représentant 87 communes] à démultiplier cette politique en la mettant en oeuvre dans leurs communes.

La communauté urbaine de Lille estime le coût des rémunérations nettes hors charges et hors frais de formation des 45 premiers apprentis à 380.000 euros. Est-elle assurée d'un retour sur investissement ?

Certes, l'apprentissage est une politique plus coûteuse que de recruter des candidats déjà diplômés, car on va les former sur une, deux ou même trois années. Mais il peut être tout aussi coûteux d'être confronté à de grosses difficultés pour certains recrutements. En accueillant et accompagnant ces jeunes apprentis au sein des services de la communauté urbaine de Lille, nous les rendons intégrables et employables et nous anticipons ainsi la pénurie de recrutement. D'autant plus que nous allons enregistrer de nombreux départs à la retraite parmi les agents entre 2006 et 2012 et que, durant ces mêmes années, le marché de l'emploi risque d'être particulièrement tendu.

Quelles sont les précautions à prendre pour réussir cette politique d'apprentissage ?

Il faut être clair dès le départ avec le jeune avec qui nous passons le contrat : dans les entretiens de sélection et lors des premières réunions de cadrage, nous lui faisons bien comprendre qu'il s'inscrit dans un rapport salarié/employeur, avec des horaires de travail et des règles à respecter. En même temps, nous insistons sur le fait que l'apprentissage ne peut être une alternative au recrutement par le bas, qu'il est indispensable que le jeune s'engage à aller jusqu'au terme de son cursus scolaire. Notre objectif est qu'il obtienne son diplôme avant tout.

L'apprentissage : mode d'emploi

L'apprentissage est une voie de formation par alternance qui permet à un jeune de 16 à 25 ans de préparer un diplôme allant du niveau V au niveau I. La formation théorique en centre de formation des apprentis (CFA) est obligatoire et doit représenter au minimum 400 heures par an (et jusqu'à 1.500 heures pour certains niveaux).
A noter : si les administrations publiques peuvent conclure des contrats d'apprentissage, elles n'ont pas, en revanche, la possibilité de signer des contrats de qualification.

Contrat de travail: le contrat de travail qui est signé entre l'autorité territoriale et le jeune (ses parents, s'il est mineur) est un contrat de droit privé. L'apprenti a donc un statut salarié, ce qui lui donne les mêmes droits et obligations que les autres agents. La durée du contrat est au moins égale à celle du cycle de formation qui fait l'objet du contrat, pouvant aller de un à trois ans.

Rémunération : l'apprenti est payé sur la base du Smic au 1er janvier de l'année en cours. Le pourcentage est différent selon l'âge du jeune, le niveau du diplôme et l'année d'étude suivie. La communauté urbaine de Lille (CUL) a décidé d'accorder une majoration de 10 points pour la préparation d'un diplôme de niveau 4, de 20 points pour un diplôme de niveau 3, de 30 points pour un diplôme de niveau 1 ou 2 (soit pour ces derniers, une fourchette allant de 55% à 108% du Smic). Ce salaire n'est pas soumis aux cotisations sociales salariales et est exonéré de la CRDS et de la CSG.
A la CUL, l'apprenti bénéficie des prestations du comité d'action sociale au même titre que les emplois-jeunes et CES. Par ailleurs, il reçoit également du conseil régional une aide trimestrielle pour ses trajets et repas.

Durée du travail: comme tout salarié, l'apprenti travaille 35 heures par semaine, incluant les heures de cours en CFA. Les heures supplémentaires et heures de nuit ne sont pas autorisées à la CUL.

Congés : l'apprenti bénéficie de congés légaux, comme les autres salariés, y compris des congés pour événements familiaux et du congé maternité. Il n'a plus de congés scolaires. Un congé supplémentaire de 5 jours est accordé pour les journées de révision organisées par le CFA.

Absentéisme: en cas d'absence, seul un certificat médical est légal. En cas d'arrêt-maladie, le traitement est suspendu et l'apprenti est indemnisé par la Sécurité sociale.

A l'issue du contrat: l'entreprise fournit un certificat de travail à l'apprenti. Le jeune est indemnisé comme demandeur d'emploi (la CUL n'étant pas affiliée, elle l'indemnise elle-même).

Contrat d'apprentissage : la procédure à suivre pour la collectivité employeur

Pour recruter un apprenti, la collectivité doit demander un agrément à la préfecture, puis adresser le contrat d'apprentissage pour enregistrement à la direction départementale du travail. Détail de la procédure à suivre.

Il est nécessaire, avant de conclure un contrat d'apprentissage, de déposer une demande d'agrément auprès de la préfecture. Il s'agit d'un dossier complet mentionnant notamment le nom de l'employeur, le nom du maître d'apprentissage ainsi que sa qualification professionnelle et sa durée d'exercice du métier (il doit avoir le diplôme au minimum équivalent au diplôme qui sera préparé par l'apprenti, et ne peut pas former plus de deux apprentis), et les diplômes susceptibles d'être préparés par l'apprenti. Cette demande doit être accompagnée de l'avis du comité technique paritaire (CTP) et de la délibération.
La décision du préfet parvient dans un délai d'un mois.
C'est au jeune de prendre en charge son inscription auprès d'un centre de formation des apprentis (CFA) et de transmettre à la collectivité son planning de cours.
Le contrat d'apprentissage doit débuter moins de trois mois avant le démarrage de la formation en CFA et pas plus de deux mois après (dans la plupart des cas entre le 1er juillet et le 30 novembre). Une visite médicale est obligatoire avant de préparer le contrat de travail.
Ce contrat est ensuite renvoyé à l'école, qui va l'enregistrer, puis à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) ou à l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole pour le secteur agricole. Il revient en général deux mois plus tard avec un numéro de contrat, ce qui permet alors de procéder au paiement du salaire.
Les deux premiers mois de travail constituent une période d'essai pendant laquelle le contrat peut être rompu librement par l'une ou l'autre des parties. Au-delà de la période d'essai, le contrat peut être rompu sur accord des deux parties. La plupart des ruptures de contrat sont dues à des absences injustifiées sur le lieu de travail ou en cours.

Aller plus loin sur le web :
 
Possibilité d'envoyer sa candidature par mail pour un contrat d'apprentissage à la communauté urbaine de Lille.
http://www.lillemetropole.fr/

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