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Communication : non, un journaliste de collectivité n'a pas droit à la carte de presse

Deux décisions récentes de juridictions administratives viennent éclairer la situation des salariés – fonctionnaires territoriaux ou pigistes – travaillant pour les journaux et supports internet de collectivités territoriales. L'une concernant la carte de presse, l'autre concernant le bénéfice de la déduction fiscale réservée aux journalistes.

La carte de presse est le graal de tous les journalistes. C'est bien sûr un signe de reconnaissance et d'appartenance professionnelle. Mais cela constitue aussi une preuve (pas nécessairement la seule) de l'exercice de la profession ouvrant droit à un avantage fiscal sous la forme d'une "allocation pour frais d'emploi forfaitaire" d'un montant de 7.650 euros, autrement dit une somme exonérée d'impôt sur le revenu. Encore cet avantage a-t-il été raboté, puisque l'allocation pour frais d'emploi – qui doit normalement être utilisée conformément à son objet – remplace une déduction de 30% sur le revenu, qui s'ajoutait jusqu'alors à la déduction forfaitaire de 10% commune à tous les salariés.

Porte fermée côté droit du travail...

La question du droit ou non à la carte de presse – délivrée depuis 1935 par la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication – et à l'avantage fiscal se pose de façon récurrente. Deux décisions récentes de juridictions administratives, signalées par le blog du cabinet d'avocats Landot, viennent éclairer la situation des salariés – fonctionnaires territoriaux ou pigistes – travaillant pour les journaux et supports internet de collectivités territoriales.

Le premier jugement a été rendu le 26 novembre 2019 par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. En l'espèce, M. X demandait au tribunal d'annuler une décision de la commission supérieure de la carte d'identité des journalistes professionnels refusant de lui délivrer une carte pour l'année 2018. M.X avait été engagé en 2003 par l'association Levallois communication, en qualité de rédacteur en chef adjoint du mensuel municipal "Infos Levallois".

Dans sa décision, le tribunal administratif, s'appuyant sur les dispositions du code du travail, reconnaît que "la circonstance que l'activité en cause ne soit pas exercée au sein d'une entreprise de presse ne fait pas obstacle à la reconnaissance de son caractère journalistique", et peut donc ouvrir le droit à une carte d'identité professionnelle de journaliste. Mais il y a alors une condition de taille : cette possibilité ne vaut que "dès lors que peut être identifiée une publication de presse autonome à la réalisation de laquelle contribue l'intéressé, au regard notamment de son objet par rapport à la structure employant l'intéressé, de l'existence d'une ligne éditoriale propre et de ses sources de financement. A cet égard, un organe qui a pour objet principal la promotion publicitaire ne peut être regardé comme une publication de presse [...]".

Or, en l'espèce, le tribunal administratif rejoint entièrement la position de la CCIJP sur l'absence d'indépendance éditoriale (malgré l'édition par une association), l'objet principal de promotion des actions de la commune et du territoire de Levallois... Dans ces conditions, "et nonobstant la circonstance que le requérant ait obtenu précédemment la carte d'identité des journalistes professionnels, la rédaction d'articles au sein de ce magazine ne peut être regardée comme se rattachant à l'exercice de la profession de journaliste au sein d'une 'publication' de presse [...]". On ajoutera qu'"Infos Levallois" a constitué, durant des années, le contre-exemple bien connu de ce que doit être un journal moderne de collectivités, avec ses innombrables photos du couple Balkany.

...et porte fermée côté fiscal

La seconde décision, rendue par la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux dans un arrêt du 29 juillet 2020, aboutit à la même position, mais sous l'angle fiscal. En l'occurrence, Mme B, recrutée en 2009 comme rédactrice au sein du journal "Brive Mag" et intervenant également au sein du blog brivemag.fr, faisait l'objet d'un redressement fiscal sur trois ans. L'administration fiscale contestait l'exonération de la fraction des rémunérations perçues au titre de l'exercice effectif d'une activité de journaliste constituant une allocation pour frais d'emploi en application du 1° de l'article 81 du code général des impôts. Cet article prévoit notamment que, pour le bénéfice de la déduction fiscale, "doivent être regardées comme journalistes ou rédacteurs les personnes apportant une collaboration intellectuelle permanente à des publications périodiques en participant directement à l'élaboration du contenu de l'information des lecteurs. Cette collaboration s'entend d'une activité exercée à titre principal et procurant à ces personnes la part majoritaire de leurs rémunérations d'activité".

La CAA de Bordeaux, qui a apparemment lu des articles de l'intéressée, reconnaît à propos de Mme B qu'"il ressort de sa fiche de poste, de la lecture des articles dont elle est l'auteur et de ses conditions d'exercice professionnel qu'elle apporte une collaboration intellectuelle permanente aux publications périodiques précitées". Mais, "si ce journal et ce blog peuvent être regardés comme ayant le caractère de publications périodiques, celles-ci ne possèdent aucune autonomie fonctionnelle vis-à-vis de la commune de Brive-la-Gaillarde et aucune indépendance éditoriale à l'égard de cette collectivité territoriale, de sorte que leur rôle et leur activité se confondent avec ceux de cette dernière. Dans ces conditions, Mme B ne peut être considérée comme exerçant son activité dans la presse écrite au sens de l'article 81 du code général des impôts".

 

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