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Communication : un communiqué peut-il faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ?

Dans une décision récente, le Conseil d'État établit qu'"un simple communiqué de presse n'est pas en lui-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir"... sauf s'il vise nommément des personnes qui pourraient en subir des conséquences.

Comme tous les domaines de l'action publique, la communication n'échappe pas aux interventions des juridictions administratives (voir nos articles ci-dessous). Les exemples sont nombreux, par exemple sur la presse des collectivités territoriales avec des questions sur la place donnée à l'opposition ou sur la responsabilité du directeur de la publication. La justice administrative est plus présente encore en matière de communication en période électorale, le Conseil d'État étant notamment juge de l'élection pour les scrutins locaux. En revanche, jusqu'à présent, les communiqués de presse semblaient rester largement à l'écart de la jurisprudence administrative. Les choses viennent pourtant de changer avec une décision du Conseil d'État en date du 15 décembre dernier.

Une suite de "l'affaire des fadettes"

L'affaire, largement médiatisée sous le nom d'"affaire des fadettes" mais qui n'est pas directement en cause dans la décision du Conseil d'État, concerne un contentieux entre Éric Dupont-Moretti, le garde des sceaux, et des représentants des magistrats, à propos d'écoutes téléphoniques ordonnées par le parquet financier sur des avocats (dont à l'époque l'actuel garde des sceaux). En l'espèce, l'Association de défense des libertés constitutionnelles et le syndicat Unité magistrats SNM-FO demandaient au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le communiqué de presse du 18 septembre 2020 par lequel le ministre de la Justice révélait avoir demandé au chef de l'Inspection générale de la justice de mener une enquête administrative sur le comportement  professionnel de trois magistrats. Dans sa décision, le Conseil d'État considère que les deux organisations requérantes demandent "l'annulation de l'acte de saisine de l'inspection générale de la justice révélé par ce communiqué de presse mais également de ce communiqué".

La décision du 15 décembre 2021 comporte donc deux parties distinctes. Sur la licéité de la saisine de l'Inspection générale de la justice par le ministre, la réponse du Conseil est sans aucune ambiguïté : l'ensemble des actes par lesquels un ministre saisit l'un des services de son ministère pour l'exercice de missions relevant de sa compétence qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Un communiqué n'est pas susceptible d'un recours, sauf si...

Mais qu'en est-il du communiqué de presse annonçant la saisine ? Sur ce point, la réponse du Conseil d'État est ambivalente, avec un principe et une exception. La décision juge ainsi qu'"en principe, un simple communiqué de presse n'est pas en lui-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir".  En revanche, "le communiqué litigieux, en ce qu'il rend publique l'appréciation selon laquelle trois magistrats nommément désignés sont (...) visés par une enquête administrative, est de nature à produire des effets notables, notamment sur les conditions d'exercice de leurs fonctions par les intéressés qui seraient, à ce titre, recevables à en demander l'annulation".

On pourrait donc attendre que le Conseil d'État statue sur le communiqué litigieux. En réalité, il déboute les deux organisations requérantes en jugeant que leur demande n'est pas recevable faute d'intérêt à agir.

Références : Conseil d'État, 5e et 6e chambres réunies, décision n°444759 du 15 décembre 2021, Association de défense des libertés constitutionnelles et syndicat unité magistrats SNM FO (mentionné aux tables du recueil Lebon).
 

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