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Ressources humaines - Compte épargne-temps : les nouvelles règles font débat

Un décret du 22 mai modifie en profondeur le fonctionnement du compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale. Désormais, sous certaines conditions, les agents peuvent choisir de transformer des jours épargnés en espèces sonnantes et trébuchantes. La mesure devrait séduire. Mais les organisations syndicales pointent des insuffisances et même, pour certaines, des dangers.

Les agents territoriaux pourront, entre autres options, obtenir de l’argent en contrepartie des jours accumulés sur leur compte épargne-temps (CET), à condition que la collectivité qui les emploie prenne une délibération. C’est ce que prévoit le décret paru le 22 mai (pour les aspects techniques lire notre article du 26 mai) qui transpose à la fonction publique territoriale, en les adaptant, des mesures réglementaires du 3 novembre 2008 s’appliquant à la seule fonction publique d’Etat. Comme les autres collectivités et groupements, la communauté urbaine de Nancy va mettre à l’étude les nouvelles dispositions. "Il faut qu’on regarde d’un peu plus près ce que ça va coûter", déclare Jean-Pierre Hurpeau, vice-président en charge des personnels. Si la communauté urbaine adopte la nouvelle réglementation, cela ne sera pas sans incidences. "Il faut envisager le cas où tous les agents optent pour l’indemnisation et le prendre en compte dans le budget." La modification des règles de fonctionnement des CET devra aussi tenir compte des différentes "obligations de services publics", assure l’élu. L’exercice ne sera donc pas aussi aisé qu’il n’y paraît à première vue. Cela n’empêche pas Jean-Pierre Hurpeau d’annoncer déjà que "dans le courant du dernier trimestre 2010", la communauté urbaine prendra la délibération en faveur du CET dans sa nouvelle version. "Cela me semble normal qu’on prenne des mesures qui vont dans le sens d’une utilisation plus souple du CET", souligne-t-il.

125 euros bruts pour un cadre A

Jean-Laurent Nguyen Khac, directeur du centre interdépartemental de gestion (CIG) de la grande couronne – et président de l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de centres de gestion – est du même avis. "Le décret va dans le bon sens en offrant aux agents des options pour gérer leur temps." Le texte fait également sauter plusieurs seuils qui s’avéraient relativement contraignants. Une limite demeure toutefois : l’agent ne peut épargner au total plus de soixante jours de congés. En supprimant aussi cette restriction, le gouvernement aurait pu apporter une plus grande souplesse au dispositif, fait remarquer le directeur du CIG de la grande couronne. Ainsi, des agents se trouvant en fin de carrière auraient pu partir vraiment plus tôt à la retraite ; ils auraient pu aussi, pourquoi pas, avoir le choix entre un départ anticipé et une épargne retraite.
Pas du tout sur la même ligne, la CGT évoque, non pas un assouplissement, mais une "déréglementation", en l’occurrence de la durée légale du temps de travail. Le premier syndicat de la fonction publique territoriale critique sévèrement les options ouvertes par le décret. Avec la "monétisation" du CET, les agents auront, selon lui, une rémunération au rabais. En échange d’un jour de travail, les agents de catégorie A percevront 125 euros, les B 80 euros et les C 65 euros. Ces montants bruts sont inférieurs à ceux qui prévalent d’ordinaire.
L’autre option autorisée par le décret, qui consiste à transformer des jours de congés en points supplémentaires du régime additionnel des retraites, favoriserait un "système anti-solidaire". L’établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) "recueille les cotisations sur les primes des fonctionnaires et leur servira une rente issue des placements financiers faits par cet établissement", qui s’assimile à un "fonds de pension obligatoire", affirme la CGT.

Attention au dérapage financier 

Une telle inquiétude est-elle justifiée ? Jean-Laurent Nguyen Khak estime qu’en fait, les agents ne devraient pas majoritairement faire le choix de l’épargne retraite. Tout simplement parce qu’"il existe, en ce moment, trop d’aléas sur les retraites". Pour le directeur du CIG grande couronne, les modalités du décret donnent pourtant l’impression que le gouvernement a vraiment voulu encourager les agents à privilégier cette option. Selon lui, le risque est grand que l’objectif ne soit, en fin de compte, pas atteint. Restent donc deux options : le maintien des jours de congés et la compensation financière. Compte tenu du contexte économique, une majorité d’agents voudra probablement accroître son pouvoir d’achat et retiendra logiquement la seconde possibilité, bien que les tarifs forfaitaires ne soient pas aussi attractifs que certains agents auraient pu l’espérer. Or, comme le décret ne prévoit pas de limite au nombre de jours qui donneront lieu à monétisation, le risque d’un "dérapage financier" à long terme n’est pas à exclure pour les collectivités. Il est cependant peu probable qu’on parvienne à la situation explosive atteinte fin 2007 par le secteur hospitalier qui utilisait largement le CET pour pallier le manque de personnels. A cette même époque, seul un agent territorial sur vingt avait ouvert un CET et 19% des agents territoriaux de catégorie A en possédaient un.


Thomas Beurey / Projets publics