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Congrès USH : Jean Castex annonce la compensation intégrale de la taxe foncière

C'est devant le congrès de l'Union sociale pour l'habitat, ce 28 septembre à Bordeaux, que le Premier ministre a annoncé les suites qu'il entend donner au rapport Rebsamen sur la relance de la construction de logements. A savoir notamment la compensation intégrale par l'État, au profit des collectivités, des exonérations de TFPB applicables au logement social. Un mécanisme est aussi prévu pour le logement intermédiaire. Egalement en vue : des "contrats de relance du logement" préfets-collectivités, un meilleur ciblage des aides à la pierre, une réforme du dispositif "Louer abordable", un plan spécifique pour l'Ile-de-France...

Moins d'une semaine après la remise des propositions de la commission présidée par François Rebasmen sur "la relance durable de la construction" (voir notre article du 23 septembre 2021), l'intervention du Premier ministre était particulièrement attendue. Jean Castex a choisi de s'exprimer en ouverture du 81e congrès de l'USH (Union sociale pour l'habitat), qui se tient à Bordeaux du 28 au 30 septembre, dans un climat beaucoup plus apaisé qu'au début du quinquennat. Il y a lancé, tout spécialement à destination des maires, un appel insistant à une relance de la construction de logements et a annoncé plusieurs mesures à caractère immédiat, directement issues des "travaux remarquables" de la commission Rebsamen.

Jean Castex "inquiet" de la situation en matière de construction

En accueillant le Premier ministre à l'ouverture du congrès, Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH (et ancienne ministre du Logement), a rappelé que "le mouvement HLM [...] a besoin de votre confiance pour réaliser sa mission première, sa raison d'être, celle de loger la France telle qu'elle est, dans sa diversité" et insisté sur le fait que "le logement est un droit qui a besoin de l'intervention publique pour être effectif".

Dans son intervention d'une quarantaine de minutes, Jean Castex s'est dit "inquiet" d'une situation en matière de construction de logements qui risque de "condamner une partie de la population active à devoir habiter toujours plus loin de son lieu de travail" – soulignant au passage qu'il s'agit d'une évolution peu écologique – et qui pourrait même provoquer un effet d'éviction au détriment des ménages les plus modestes, au risque de "nourrir parfois un sentiment de relégation". Il a également rappelé que "nous devons aussi impérativement lutter contre l'artificialisation exagérée des terres agricoles et naturelles, comme vient de le décider la récente loi Climat et résilience".

Lors des prises de parole préalables des collectivités accueillantes – région Aquitaine, département de la Gironde et Bordeaux Métropole – Pierre Hurmic, le nouveau maire de Bordeaux, sentant venir la critique qui vise principalement les nouveaux maires écologistes, avait d'ailleurs pris soin de faire savoir qu'il souhaite "la construction de 1.500 logements par an à Bordeaux même" et qu'il compte "développer les constructions de baux réels solidaires très prochainement".

Revenant sur le protocole signé en mars dernier en vue de l'autorisation de 250.000 logements sociaux en 2021 et 2022, le Premier ministre a indiqué que "nous devrions avoir agréé déjà 100.000 logements à la fin de la présente année", grâce au soutien de la Caisse des Dépôts, via la Banque des Territoires, et à celui d'Action logement. Il a également évoqué le plan logement dédié à l'Outre-mer, avec un investissement de plus de 215 millions d'euros, qui a déjà permis de construire ou de réhabiliter près de 8.100 logements sociaux. En 2021 s'ajouteront 250 millions d'euros.

Compensation intégrale durant dix ans pour le logement social et intermédiaire

Jean Castex a annoncé la compensation intégrale par l'État, au profit des collectivités territoriales, des exonérations de TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) applicables au logement social, pour les logements agréés à partir de 2021 et jusqu'à la mi-2026, soit la fin des actuels mandats municipaux. La durée de cette compensation intégrale sera de dix ans (à compter de la livraison des logements), alors que le rapport Rebsamen évoquait une période de 5 à 10 ans. Bien que le Premier ministre ne l'ait pas explicitement évoqué, cette compensation devrait être réservée aux zones tendues (A bis, A et B1). Une clause de revoyure à mi-parcours permettra de s'assurer que cette mesure réclamée de longue date par les collectivités, et notamment par l'AMF (Association des maires de France), atteint bien son objectif de relance de la construction de logements sociaux.

En matière de logement intermédiaire, très complémentaire du logement social, il est prévu un mécanisme adapté, reposant sur la suppression pure et simple de l'exonération actuelle de TFPB, remplacée par un crédit d'impôt d'un montant équivalent pour les porteurs de projets, afin de ne pas peser sur le coût final de ces logements tout en permettant aux collectivités de récupérer la taxe. Il est également prévu, dans le prolongement de la suppression de l'agrément par la loi de finances pour 2021, d'assouplir les conditions de création de logements intermédiaires pour faciliter la production de ces derniers dans les territoires tendus.

Vis-à-vis du parc privé, le Premier ministre a décidé d'engager une réforme du dispositif "Louer abordable", qui est aujourd'hui mobilisé essentiellement dans les territoires détendus en matière de logement. Dans les "toutes prochaines semaines", Emmanuelle Wargon présentera donc les nouveaux paramètres du dispositif, qui seront mis en œuvre dès 2022 avec un objectif très clair : "lever les freins au développement de ce dispositif dans les territoires tendus, en s'appuyant sur les loyers réellement observés dans le parc privé".

Des "contrats de relance du logement" pour remplacer l'aide aux maires bâtisseurs

Par ailleurs, le Premier ministre va demander aux préfets des territoires tendus de signer avec les collectivités locales des contrats – baptisés "contrats de relance du logement" – sur le développement du logement dans leur périmètre, avec des engagements réciproques. L'État affectera à ces contrats dans les territoires tendus les 175 millions d'euros d'aides que le plan de relance avait prévu de verser aux maires "densificateurs". Jean Castex, suivant en cela le constat de la commission Rebsamen, a reconnu en effet que cette aide n'a pas eu le succès escompté, parce "qu'inaperçue et automatique". Selon son entourage, les premiers contrats pourraient être signé à la fin de cette année ou au tout début de 2022.

Le Premier ministre a rappelé également que les enveloppes affectées à "Action cœur de ville", récemment réévaluées, doivent également servir à favoriser la construction ou la réhabilitation de logements dans les centres des 222 villes désormais éligibles (qui regroupent 1,6 million de logements sociaux).

Il convient également d'assurer un meilleur ciblage des aides à la pierre. Actuellement, seuls trois logements sur cinq sont financés dans les territoires tendus. Le Fnap (Fonds national des aides à la pierre) "doit orienter la construction neuve là où elle est nécessaire". Le gouvernement entend aussi engager une simplification des procédures d'agrément des logements sociaux. Les préfets seront invités à agir dans une logique d'accompagnement des organismes constructeurs, "à l'instar de ce qui se fait en Ile-de-France".

Foncier : oui à une accélération des cessions, non à une révision de la fiscalité

Sur la question du foncier, qui pèse lourdement sur la construction en zones tendues, le Premier ministre a rappelé l'apport du fonds friches, qualifié d'"excellent outil", ce qui a conduit a doubler l'enveloppe initiale, puis à annoncer la pérennisation du fonds. Jean Castex a demandé aux préfets de favoriser, dans le cadre du fonds friches, les projets "ambitieux en matière de logement". Cette ambition devra également s'appliquer à l'État et à ses opérateurs en matière de cession foncière. Ceci se traduira par la mise en place d'un inventaire actualisé en temps réel du foncier cessible de l'État, qui sera rendu public.

Ce recensement sera prolongé, d'ici à la fin de l'année, par un AMI (appel à manifestation d'intérêt) sur des projets de construction sur ce foncier libéré, ciblés sur le logement social, le logement étudiant et le logement intermédiaire. Selon l'entourage du Premier ministre, ces mesures pourraient permettre de récupérer un quarantaine de terrains dès 2022, permettant de construire environ 5.000 logements. A terme, le gouvernement espère récupérer environ 250 terrains, pour y créer de l'ordre de 50.000 logements. En revanche, Jean Castex n'a repris aucune des propositions très argumentées de la commission Rebsamen sur la fiscalité du foncier et le nécessaire rééquilibrage entre la taxation de la possession du foncier et celle des transactions. Selon son entourage, le fait d'être à quelques mois d'une élection présidentielle "n'est pas la bonne période pour une réforme de la fiscalité du foncier".

Un plan spécifique pour l'Ile-de-France

Le Premier ministre est également revenu sur le cas particulier de l'Ile-de-France. Il a notamment demandé au préfet de région de préparer un plan spécifique pour y relancer la construction. Le schéma régional de l'habitation et de l'hébergement sera donc actualisé, afin d'y intégrer des objectifs de logement propres à la métropole du Grand Paris (MGP) et de "favoriser des PLUi [plan locaux d'urbanisme intercommunaux, ndlr] ambitieux, à la hauteur des besoins pour loger la population".

Toujours en Ile-de-France, un protocole territorial est en préparation avec la SNCF, afin de favoriser la construction de logements sur 24 sites déjà identifiés, sans attendre le recensement national prévu par ailleurs. Il est également prévu de planifier l'offre de logements autour des gares du futur Grand Paris Express, en fixant des objectifs de logements sociaux et intermédiaires.

Un hommage aux gardiens d'immeubles

Dans la suite de son intervention, le Premier ministre est revenu plus spécialement sur le mouvement HLM. Il a réaffirmé que "le gouvernement restera toujours aussi ferme pour faire appliquer la loi SRU", car "l'entre soi ne peut constituer un projet de vie et fonder une société", suscitant de vifs applaudissements de l'assistance.

Il a également rendu hommage aux gardiens d'immeubles, qui ont joué un rôle clé auprès de locataires durant les confinements, et aux équipes de gestion locative, qui ont continué d'assurer les attributions de logements sociaux. Il a également rappelé les mesures prises en faveur des personnes les plus précaires : prolongations répétées de la trêve hivernale, instructions sur le relogement en cas d'expulsion locative, maintien de la capacité exceptionnelle du parc d'hébergement à 200.000 places jusqu'à la fin de l'hiver prochain et renforcement du Logement d'abord, avec déjà 280.000 personnes bénéficiaires depuis 2018.

Emmanuelle Cosse : "un signe de reconnaissance pour le secteur du logement social"

Mais, pour le Premier ministre, cet effort en faveur des plus précaires suppose davantage de fluidité dans les parcours résidentiels. Il demande également de profiter du délai ouvert par le report de la mise en œuvre de la gestion en flux et de la généralisation de la cotation des demandes pour passer d'une logique des droits de réservation à une logique du droit de cotation.

S'il n'est pas coutume de reprendre la parole après une intervention du Premier ministre, l'USH a publié un communiqué après son intervention. Elle y salue la décision de compensation intégrale de la TFPB, qui "constitue une étape importante de la remobilisation des collectivités locales au service du logement pour tous". Pour Emmanuelle Cosse, "la visite du Premier ministre au Congrès HLM est d'abord un signe de reconnaissance pour le secteur du logement social, après plusieurs années de mise en cause" : "Je salue la prise de conscience, au plus haut niveau de l'État, de notre préoccupation face à la crise du logement. [...] Les annonces faites par le Premier ministre dans son discours, partant des constats des travaux de la commission présidée par François Rebsamen et auxquels l'Union sociale pour l'habitat a activement contribué, vont dans le bon sens".

 

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