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Achat public - Contrat de location de photocopieurs : attention aux clauses indemnitaires abusives !

Cet arrêt du Conseil d’Etat permet de revenir sur la question de l’indemnisation des cocontractants en cas de rupture anticipée du contrat par l’Administration. S’ils ont normalement droit à une telle indemnité, celle-ci ne doit pas être disproportionnée, sous peine d’être déclarée illicite par le juge. Dans ce cas, le cocontractant devra motiver sa demande en justifiant de préjudices résultant de la rupture anticipée.

Dans cet arrêt du 3 mars 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la possibilité pour le cocontractant de l’Administration d’obtenir une indemnité suite à la résiliation anticipée d’un contrat, ainsi que sur son montant.

En l’espèce, à la suite de la souscription d’un bon de commande, le tribunal de grande instance (TGI) de Marseille avait conclu un contrat de location de quinze photocopieurs avec la société Leasecom. Un an et demi plus tard, le TGI a décidé de résilier unilatéralement et par anticipation ce contrat. La société cocontractante a alors saisi le tribunal administratif (TA) de Marseille en vue de réclamer l’indemnité prévue par le contrat de location, à hauteur de 40.866,33 euros. Ce dernier ayant fait droit à cette demande, le TGI a demandé l’annulation de ce jugement devant la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille. Les juges d’appel ont infirmé la position des juges du fond et la société Leasecom a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Ce dernier a annulé l’arrêt d’appel et renvoyé l’affaire devant la CAA de Marseille. Les juges d’appel ont de nouveau refusé de faire droit à la demande indemnitaire de la société. Le Conseil d’Etat a de nouveau été saisi par la société de location afin de statuer définitivement sur cette affaire.

L’indemnisation : oui, mais pas à n’importe quel prix

Le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé le régime existant en matière de rupture unilatérale anticipée : "la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un [tel] contrat [administratif], sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant".
En l’espèce, le contrat prévoyait "une indemnité égale à tous les loyers dus et à échoir jusqu’au terme de la durée initiale de la location majorée de 10%". En vertu de cette clause, le TGI devait donc s’acquitter d’une somme supérieure au montant qu’il aurait payé s’il avait continué à bénéficier des services proposés par la société de location.
Le Conseil d’Etat a alors rappelé le principe selon lequel il est interdit aux personnes publiques de consentir des libéralités. Dès lors, l’indemnité prévue par le contrat était manifestement disproportionnée au regard des dépenses exposées par la société et du gain dont elle a été privée. D’ailleurs, le caractère manifestement disproportionné de l’indemnité prévue par cette clause a entrainé son illicéité.

Le réclamant doit être diligent

Statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, la CAA de Marseille avait informé les parties qu’elle était susceptible d'annuler la clause litigieuse, en raison de son illicéité, sur la base d'un moyen relevé d'office. Dans une telle situation, les sages du Palais Royal ont rappelé la marche à suivre : lorsqu’une clause indemnitaire est susceptible d’être annulée, il appartient au cocontractant qui aurait dû en bénéficier "de demander au juge la condamnation de la personne publique à l’indemniser du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat sur le fondement des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d’intérêt général".
Toutefois, pour justifier son droit à percevoir l’indemnité en litige, la société de location se fondait uniquement sur la clause prévue au contrat. Ne motivant pas autrement sa demande d’indemnisation, malgré l’information des juges, elle ne justifiait pas de préjudices permettant une indemnisation.
Confirmant l’arrêt de la CAA, le Conseil d’Etat a rejeté la demande de la société, cette dernière ne pouvant prétendre à aucune indemnisation du fait de la résiliation anticipée du contrat.

Référence : CE, 3 mars 2017, n° 392446
 

 

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