Commande publique - Contrat de partenariat : définir la complexité d'un projet, une tâche ardue ?
Dans les faits, la commune de Biarritz avait autorisé le maire de la ville à signer un contrat de partenariat avec une société pour la réalisation de la "cité du surf et de l'océan" et l'extension de l'aquarium du musée de la mer. Un particulier avait demandé l'annulation de la délibération du conseil municipal de janvier 2007 autorisant le maire à recourir au PPP, au motif que le critère de complexité n'était pas rempli, celui de l'urgence n'ayant toutefois pas été soulevé. Rejetée par le tribunal administratif de Pau, cette demande trouve un écho favorable auprès de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui annule la délibération. La commune saisit alors le Conseil d'Etat.
La question portée devant les juges du Palais Royal était donc celle de savoir si le critère de complexité du projet était bien rempli, et si, par conséquent, le recours au contrat de partenariat était bien légal.
Le PPP, un outil "d'exception" du droit de la commande publique
La Haute Juridiction répond par la négative en confirmant, au fond, l'annulation de la délibération mais casse l'arrêt de la cour administrative d'appel pour un motif de procédure. Aux termes de l'article L. 1414-2 du Code des collectivités territoriales, le recours au contrat de partenariat est un dispositif dérogatoire au droit commun de la commande publique. Il se limite donc aux seuls projets pour lesquels la complexité du projet est telle que "la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins", rappelle tout d'abord le Conseil d'Etat. Ainsi, "la simple invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre" ne peut suffire à justifier légalement le recours au contrat de partenariat, précisent les sages de la rue Cambon.
Un projet compliqué n'est pas toujours un projet complexe…
En l'occurrence, en ce qui concerne l'extension et la rénovation du musée de la Mer, la commune s'était seulement bornée à détailler les caractéristiques techniques, fonctionnelles et économiques de l'ouvrage (aquarium de 1.300 m3 dans un espace souterrain mitoyen d'un tunnel routier et d'un ancien bunker…). Celle-ci n'avait donc pas fait état "de circonstances particulières de nature à établir qu'il [lui] était impossible de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins", confirme le Conseil d'Etat.
… surtout s'il existe au préalable du PPP, un avant-projet détaillé
Quant à la réalisation de la Cité de l'océan et du surf, "la complexité de la scénographie et la nécessité de faire appel à des équipements de haute technologie" ne constituent pas des circonstances particulières au sens de l'article L. 1414-2 du Code des collectivités territoriales. De plus, la commune ayant lancé en 2004 un concours de maîtrise d'œuvre en vue de la conception de la cité, elle bénéficiait à l'issue de ce concours d'un avant-projet détaillé (éléments de la construction, nature des matériaux, coût prévisionnel global…). La Haute Juridiction estime que la commune n'était donc pas dans l'incapacité de "définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins".
Enfin, le simple "regroupement des deux composantes du projet, (…) dans un souci d'optimisation des coûts et de complémentarité dans la gestion de ces équipements", ne permettait pas non plus de justifier la complexité du projet pour recourir au PPP.
Le Conseil d'Etat casse l'arrêt pour procédure mais confirme l'annulation de la délibération par la cour administrative d'appel. Le recours au contrat de partenariat n'est donc pas légal.
Cet arrêt n'est pas sans rappeler le constat dressé par le rapport de la commission des lois du Sénat relatif au recours et à l'encadrement des PPP, publié le 16 juillet dernier. Ce dernier avait en effet mis en avant le manque de précision des critères de complexité et d'urgence et préconisé la suppression du critère d'efficience, jugé subjectif.
L'Apasp
Références : Conseil d'Etat, 30 juillet 2014, n°363007 ; Rapport de la commission des lois du Sénat du 16 juillet 2014.