Contrats d'emprunt : Montmagny (95) a lancé un marché à procédure adaptée

La ville de Montmagny met en concurrence les banques pour les contrats d'emprunt. Cette année, avec un marché à procédure adaptée, elle se plie aux règles de publicité. L'arrêt du Conseil d'Etat de février dernier semble avoir jeté un certain trouble du côté des... candidats.

"La décision du Conseil d'Etat annulant l'article 3-5° n'a changé que peu de choses pour nous", explique d'emblée Jeanine Croix, directrice des finances de Montmagny. Cette ville du Val-d'Oise de 13.000 habitants avait déjà mis en concurrence les banques l'an passé, sur la base d'un cahier des charges précis, pour un emprunt de 1,5 million d'euros pour le financement des opérations d'investissement de 2004. Cette année, elle vient de lancer un marché à procédure adaptée (Mapa) pour un nouvel emprunt bancaire de 1 million d'euros en reprenant à peu près le même cahier des charges. Sauf que cette fois-ci, la commune s'est pliée en plus aux règles de publicité préalable conformément aux prescriptions du Code des marchés. L'an passé, le cahier des charges avait été envoyé à cinq établissements bancaires sans autre publicité. Cette année, Montmagny s'est fendue d'un avis de publicité envoyé au Boamp, la date limite de réception des offres ayant été fixée au 25 mars dernier.
Paradoxalement, un seul candidat a finalement présenté une offre. "On avait pourtant été contacté par trois ou quatre banques qui avaient demandé le cahier des charges, c'est vraiment étrange", relève la directrice des finances. Il semblerait que les aléas juridiques autour des contrats d'emprunt aient fait craindre aux candidats potentiels le risque d'une annulation du marché. La ville compte bien pour sa part notifier ce marché d'ici la fin avril, après avoir négocié avec l'unique candidat.

S'assurer de la souplesse de gestion des prêts

"Pour autant, cela vaut la peine de se pencher sur l'élaboration d'un cahier des charges, souligne Jeanine Croix. Les offres des banques sont ainsi davantage détaillées et calquées sur nos exigences que lorsqu'on se contentait de passer un coup de fil pour connaître leurs conditions sur un montant d'emprunt." Selon elle, les différences de taux d'emprunt entre banques étant assez minces, l'élément déterminant se joue surtout au niveau de la souplesse des contrats d'emprunt. Le cahier des charges spécifiait ainsi comme critère premier de sélection, la valeur technique de l'offre, "appréciée en fonction de la souplesse de gestion des prêts proposés : conditions de mise à disposition des fonds, des changements de taux, des arbitrages, des conditions de remboursements anticipés, des conditions pour les consolidations partielles, des durées de modules, etc.". Le deuxième critère de sélection des offres se basait sur les "taux d'intérêt proposés et/ou marges, commissions et frais divers, clause de détermination des taux fixes après la période de garantie".
Il était également précisé aux candidats qu'ils devaient indiquer la date de validité des propositions à taux fixe ainsi que les bases de calcul et dates de références des taux variables en s'appuyant sur les index TAG, TAM, T4M, Eonia, Euribor. "Nous choisirons l'offre qui présentera les marges les plus intéressantes sur les taux variables et qui sera sans frais de commission", avait confié la directrice des finances.

"La chance d'être en dessous des seuils"

La ville de Montmagny n'a pas établi plusieurs lots pour ce marché. "Cela ne présente pas d'intérêt dans la mesure où on prévoit dans notre contrat une phase de mobilisation et une phase de consolidation qui permettent de moduler les taux selon nos besoins", explique Jeanine Croix.
La durée d'amortissement de l'emprunt a été fixée à 18 ans, la ville pouvant choisir par la suite de réduire cette durée. Pour la détermination du seuil du marché, la direction des finances a calculé la somme des intérêts pour un montant maximum d'un million d'euros, à partir d'une estimation par simulation sur un emprunt indexé sur un Euribor 3 mois avec une marge, sans prendre en compte les éventuels frais divers et les commissions. Résultat : un montant en dessous du seuil des 230.000 euros. "C'est vrai qu'on a de la chance d'être une commune de petite taille [pour 2005: budget d'investissement de 6,7 millions d'euros et budget de fonctionnement de 14,9 millions d'euros], ce qui nous permet d'être en dessous du seuil de l'appel d'offres. Avec des délais de procédure plus longs, ce ne serait pas du tout pratique", reconnaît Jeanine Croix.

Emmanuelle Yohana / EVS Conseil pour Localtis

"Il faut des règles plus strictes de mise en concurrence mais le Code des marchés n'est pas adapté"

Sandra de Pinho est responsable du pôle Collectivités locales au sein du cabinet de conseils Finance active, spécialisé dans la gestion des financements bancaires.

Que pensez-vous des conséquences de l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 février dernier qui a annulé l'article 3-5° relatif à l'exemption des emprunts du champ d'application du Code des marchés publics ?

Qu'il y ait des règles plus strictes régissant le marché des contrats d'emprunt, c'est plutôt une bonne chose si cela oblige les collectivités locales à faire davantage de mise en concurrence. La plupart comparaient déjà les offres de plusieurs banques lors des financements nouveaux mais rarement lors des réaménagements. La consultation pourrait être élargie, notamment aux établissements bancaires européens pour ce qui concerne les emprunts des grandes collectivités. Pour autant, le cadre contraignant du Code des marchés ne semble pas adapté à une gestion active de la dette, les contraintes de délais ne permettant pas d'être réactif par rapport aux évolutions du marché financier. Une consultation européenne exige ainsi 3 à 4 mois de procédure entre le moment où la collectivité lance un emprunt et où elle l'obtient. Impossible pour une banque de garantir les conditions financières des produits à taux fixe et des produits structurés durant ce temps sans renchérir le coût de l'emprunt.

Les directeurs financiers s'interrogent souvent sur le calcul des seuils pour ces marchés d'emprunt. Que leur répondez-vous ?

Effectivement cela n'est pas très clair. Le Code des marchés considère qu'il faut faire la somme du montant des intérêts à payer jusqu'à la fin de la durée de l'emprunt, en ajoutant éventuellement les frais de dossier et les commissions. Mais l'estimation est d'autant plus difficile qu'il faudra anticiper le calcul des intérêts notamment pour les taux variables. Il faudrait une circulaire de l'Etat qui précise le calcul des seuils et le rende applicable aux contrats d'emprunt.
Autre incertitude technique : la durée du marché. Normalement, celle-ci correspond à la durée du prêt mais il y a des collectivités locales qui veulent lancer un marché avec une durée d'un an, alignant ainsi la durée du marché sur celle durant laquelle sera réalisé l'investissement financé par cet emprunt.

Que conseillez-vous aux collectivités locales pour néanmoins respecter l'esprit du Code des marchés dont les règles s'imposent à ce jour ?

La procédure d'appel d'offres, qui interdit toute négociation, n'est absolument pas adaptée aux contrats d'emprunt. Pour une consultation européenne, mieux vaut recourir à une procédure de marché négocié. Nous conseillons pour notre part d'appliquer le cadre d'un marché à procédure adaptée, quel que soit le seuil de l'emprunt. A priori, c'est ce que le Minéfi, interrogé sur le sujet par de nombreuses collectivités, a préconisé.
Cela suppose d'apporter plus de formalisme à la rédaction du cahier des charges, en indiquant toutes les pièces à fournir et en apportant plus de précisions sur les clauses types du marché (par exemple, en demandant que les taux soient garantis pendant la durée de la procédure). Nous recommandons par ailleurs de faire plusieurs lots de façon à diversifier le choix entre les produits financiers et entre les banques.

Le Cher lance un Mapa pour une ligne de trésorerie

Le conseil général du Cher vient de publier un avis d'appel public à concurrence pour un crédit de trésorerie (marché à bons de commandes sans mini/maxi pour une durée de 12 mois) dans le cadre d'un marché à procédure adaptée (Mapa).

"Nous avions déjà lancé en février une première consultation pour une ligne de trésorerie mais l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 février nous a obligé à l'annuler et à relancer une nouvelle consultation conforme aux règles du Code des marchés", précise-t-on à la direction des finances du conseil général du Cher. La collectivité avait déjà l'habitude de procéder pour ses besoins de trésorerie à une mise en concurrence d'une quinzaine d'établissements bancaires à qui était envoyé un cahier des charges. Le département a dû cette fois-ci publier un avis de publicité préalable dans les journaux d'annonces légales. Quant à la délicate question du calcul des seuils, la direction des finances a consulté la DGCL qui a indiqué qu'il fallait se fonder, pour une ligne de trésorerie, sur le montant des intérêts annuels. Résultat : un montant inférieur au seuil des 230.000 euros permettant de recourir à une procédure adaptée. Pour autant, une petite subtilité demeure : contrairement aux contrats d'emprunt et aux Mapa, le président d'un conseil général n'a pas délégation pour signer un contrat pour une ligne de trésorerie. Il doit d'abord obtenir l'autorisation de la commission permanente qui a délégation. Ce qui va certainement rallonger le délai pour la notification de ce marché initialement prévue pour fin avril.
Le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse se fera en fonction de la somme d'un ensemble de critères pondérés : index proposés, marges bancaires, base de calcul et prise en charge de la date de virement (comptant pour 80 points) et souplesse de l'utilisation des produits(comptant pour 20 points).

L'annulation de l'article 3-5° du Code des marchés : une décision bientôt caduque ?

Les contrats d'emprunt seront-ils soumis ou non aux règles du Code des marchés ? Le feuilleton en cours n'en finit pas de rebondir. Rappel des derniers épisodes et des perspectives annoncées.

Le décret du 7 janvier 2004 (article 3 alinéa 5) a exclu du champ d'application du Code des marchés les contrats d'emprunt et engagements financiers, qu'ils soient destinés à la couverture d'un besoin de financement ou de trésorerie.
Bruxelles avait saisi en février 2004 la Cour de Justice européenne pour non-conformité de plusieurs articles du code, dont l'article 3-5°, avec la réglementation européenne de la commande publique. Bercy restait malgré tout serein en expliquant que "la directive ne s'applique pas aux marchés de services concernant les services financiers."
La censure est finalement venue des juges français : le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 23 février 2005, a annulé l'article 3-5° en s'appuyant sur la directive européenne Services 92/50/CEE en vigueur à ce jour. Selon cet arrêt, les contrats d'emprunt ou l'ouverture d'une ligne de trésorerie auprès d'un établissement financier ne sont pas exemptés des règles de mise en concurrence et des modalités de publicité préalable et sont donc soumis aux règles du Code des marchés. Une décision d'application immédiate.

Une mise en concurrence inévitable pour les gros emprunts

Le directeur des affaires juridiques du Minéfi a aussitôt voulu rassurer les acheteurs publics sur la portée de cet arrêt. D'une part, en précisant que les marchés déjà conclus "conservent leur caractère exécutoire". D'autre part, en expliquant que la décision du Conseil d'Etat serait bientôt caduque avec la transposition en droit français de la nouvelle directive du 31 mars 2004, transposition prévue d'ici l'automne. Paris considère en effet que cette nouvelle directive permet de réintégrer les contrats d'emprunt dans le champ des exceptions. "Il aurait suffi aux juges du Palais royal d'attendre quelques mois pour que la situation sur les contrats d'emprunt soit réglée", avait regretté Jérôme Grand d'Esnon lors d'un colloque le 23 mars dernier. "Pour autant, il ne s'agit pas de dire aux acheteurs publics qu'il ne faut pas mettre en concurrence les contrats d'emprunt, avait-il ajouté. La mise en concurrence des établissements bancaires est une évidence pour les gros emprunts finançant les investissements des collectivités. Mais quand il s'agit de renégocier des agios ou une ligne de trésorerie avec sa banque habituelle, la lourdeur d'une procédure n'a aucun sens".

Sortie accélérée d'un décret spécifique aux contrats d'emprunt

Aux dernières nouvelles, le Minéfi semble vouloir mettre un terme au plus vite à cette "période transitoire" en finalisant actuellement un projet de décret visant à transposer "sans tarder" les dispositions de la directive 2004 concernant spécifiquement les contrats d'emprunt. Pas le temps d'attendre finalement la transposition de la directive européenne relative aux marchés de services prévue d'ici deux à six mois. Tant que ce décret n'est pas sorti, le Minéfi invite néanmoins les acheteurs publics "à la plus grande prudence" en prévoyant une mise en concurrence et une publicité préalable, d'autant plus que les opérations d'emprunt portent sur des montants significatifs.
Il n'est pas sûr pour autant que le feuilleton se termine si simplement car Bruxelles pourrait avoir une autre interprétation de la directive 2004, estimant plutôt que les contrats d'emprunt doivent respecter les principes de publicité préalable et de mise en concurrence.
A suivre...

Aller plus loin sur le web :
 
Avis d'appel public à concurrence pour un Mapa concernant un crédit de trésorerie pour le conseil général du Cher, publié le 22 mars 2005 sur le site internet du département.
http://www.cg18.fr/newsxml/viewpost_ao.asp?postid=400
 
Site de l'Afigese : réaction à l'arrêt du 23 février du Conseil d'Etat.
http://www.afigese.asso.fr/tribune.php3

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