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Energie - Controverse lors de la signature de la Convention pour le développement d'une hydroélectricité durable

A la suite du Grenelle de l'environnement, le ministère de l'Ecologie a signé ce 23 juin - avec des représentants des élus, producteurs d'hydroélectricité, associations et ONG de protection de l'environnement ainsi que l'Association des pêcheurs professionnels en eau douce - une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité durable en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques.
L'énergie hydraulique constitue la seconde source de production d'électricité en France derrière le nucléaire (soit 12% de la production totale d'électricité, avec une capacité de production de 67 TWh en année moyenne). En juillet 2008, le ministère avait annoncé un plan de relance de l'hydroélectricité avec pour objectif d'atteindre 23% d'électricité renouvelable dans la consommation finale d'électricité en 2020. Parallèlement, en application de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 fixant un cadre pour la politique communautaire de l'eau, dite DCE, des engagements du Grenelle relatifs à la préservation de la biodiversité et de la mise en place de la Trame verte et bleue, le ministère avait annoncé en novembre 2009 le lancement d'un plan d'action de l'Etat pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (66% des masses d'eau de surface en bon état en 2015). Afin de concilier ces deux enjeux, une table ronde sur l'hydroélectricité réunissant des représentants des producteurs d'hydroélectricité, des élus de montagne, des associations environnementales, des représentants des pêcheurs amateurs et professionnels devait aboutir à la signature, par les participants aux côtés du ministre, d'une convention d'engagements pour le développement de l'hydroélectricité dans le respect des milieux aquatiques. A la suite de ces discussions, l'objectif de développement de l'hydroélectricité a été revu à la baisse (+3 TWh d'ici à 2020) par rapport au scénario envisagé par le comité opérationnel (Comop) n°10 du Grenelle de l'environnement (+7 TWh). Par ailleurs, le périmètre et le calendrier du renouvellement par appel d'offres des concessions hydroélectriques a été annoncé le 22 avril dernier.

Des enjeux contradictoires difficiles à concilier

La convention est présentée par le ministère comme un "cadre pour concilier la construction de nouveaux ouvrages, l'équipement ou l'optimisation d'ouvrages existants tout en réduisant globalement l'impact de cette activité sur les milieux aquatiques", dont la vocation est "d'orienter l'action des parties concernées par l'hydroélectricité pour garantir l'atteinte des objectifs du Grenelle de l'environnement ainsi que des engagements communautaires de la France, concomitamment dans les domaines de la restauration des milieux aquatiques et des énergies renouvelables".
Cette convention prévoit notamment :
- un effort sur la recherche relative à la connaissance des espèces, des impacts des ouvrages (avec en particulier un programme de R&D sur l'anguille : 4 millions d'euros pris en charge par l'Onema, l'Ademe et les producteurs) ;
- un renforcement de mise aux normes des ouvrages existants, des suivis et contrôles des impacts des installations hydroélectriques sur la morphologie, l'hydrologie et le fonctionnement des écosystèmes aquatiques ;
- un plan d'effacement des ouvrages hydrauliques en déshérence (plus de 40.000, dont 1.200 effacés d'ici à 2012) et l'effacement de cinq ouvrages hydroélectriques, dont ceux de La Roche-qui-Boit et de Vezins sur la Sélune (Manche) ;
- l'identification du potentiel de développement de l'hydroélectricité dans les secteurs où les enjeux environnementaux sont moindres, en cohérence avec la révision des classements de cours d'eau et le développement de la production hydroélectrique sur des ouvrages existants ;
- l'amélioration de la lisibilité et la rationalisation des procédures administratives.
Un comité de suivi de la convention devra en outre se réunir semestriellement à partir du mois de septembre. Pour Jean-Louis Borloo, la signature de cette convention illustre à nouveau "le triomphe de la méthode Grenelle de concertation". Cette analyse ne fait toutefois pas l'unanimité... l'association France Nature Environnement (FNE) ayant annoncé, le 21 juin, son intention de ne pas signer ce texte qui s'est, selon elle, dès la version initiale, avéré "fortement imprégné par une culture énergétique productiviste".

Pourquoi FNE ne signe pas cette convention

FNE relève tout d'abord que l'état des lieux, réalisé dans les bassins hydrographiques, établi à l'occasion de la révision des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, montre que les impacts de l'hydroélectricité constituent l'un des obstacles majeurs à l'atteinte des objectifs fixés par la directive DCE. Or, pour FNE, signer cette convention, "c'est s'engager pour le développement de l'hydroélectricité dans un pays où pratiquement tous les fleuves et toutes les rivières sont déjà fortement équipés" et ainsi "accepter l'installation de 500 à 1.000 microcentrales qui viendraient s'ajouter aux 1.500 ouvrages qui, déjà, barrent, détournent et modulent le débit des cours d'eau", sans qu'un changement notable du bilan carbone du pays n'en résulte. Au final, FNE considère que "l'efficience environnementale de cette convention n'est pas avérée" et prône la modernisation et l'optimisation énergétique des ouvrages existants par l'intégration de critères environnementaux ainsi que la destruction des ouvrages problématiques comme celui de Poutès Monistrol, inscrit dans la convention puis retiré dans la phase finale des discussions.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions