Création d'un délégué interministériel pour relancer l'éducation artistique et culturelle
Le gouvernement vient d'instituer un délégué interministériel à l'éducation artistique et culturelle. Cette création vient en réponse à un récent rapport de la Cour des comptes qui pointait les carences de l'éducation artistique et culturelle à l'école et appelait le gouvernement à garantir un cadre cohérent à cette politique.

© @reseau_canope/ Emmanuel Ethis
Un décret du 10 mars 2025 institue un délégué interministériel à l'éducation artistique et culturelle (EAC) auprès de la ministre de l'Éducation nationale et de la ministre de la Culture. Sa mission consistera à assurer la coordination et le suivi des actions tendant à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle à l'école. Pour la conduite de ses travaux, précise le décret, le délégué pourra faire appel aux administrations centrales des ministères de l'Éducation nationale et de la Culture, aux corps d'inspection ainsi qu'aux services déconcentrés des deux départements ministériels. Ses moyens de fonctionnement sont inscrits sur le budget du ministre de l'Éducation nationale.
Un second décret, du 12 mars, précise qu'Emmanuel Ethis est nommé délégué interministériel à l'éducation artistique et culturelle à compter du 26 mars prochain. Recteur de la région académique de Bretagne et de l'académie de Rennes depuis 2019, ce docteur en sociologie des arts et de la culture de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) va se trouver en terrain connu. Il exerçait en effet depuis 2013 la fonction de vice-président du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC), une instance de consultation dont le rôle est d'assurer la promotion des arts à l'école et plus particulièrement d'accompagner le développement de la politique de généralisation du 100% EAC, notamment à travers le label 100% EAC, qui a vocation à distinguer les collectivités portant un projet ayant pour objectif une éducation artistique et culturelle pour 100% des jeunes de leur territoire, de la petite enfance à l'université (lire notre article du 26 janvier 2022).
Une gouvernance interministérielle insuffisante
L'institution d'un délégué interministériel à l'éducation artistique et culturelle intervient un mois à peine après la publication d'un rapport de la Cour des comptes faisant état des carences de l'EAC, pourtant prescrite par le code de l'éducation, dans le système scolaire (lire notre article du 14 février). Une carence symbolisée par deux chiffres :
- seuls 57% des élèves ont bénéficié d'une action d'EAC lors de l'année scolaire 2023-2024 ;
- cette proportion tombe à 39% pour les écoliers.
La Cour des comptes relevait même que l'offre culturelle est "nettement plus limitée en milieu rural voire périurbain" et qu'elle dépend "du volontarisme et des moyens des collectivités territoriales", particulièrement dans des "zones blanches" où les élèves n'ont guère accès à l'éducation artistique et culturelle.
La Cour des comptes notait encore que l'EAC était une "politique interministérielle au plan national [qui] se déploie de manière opérationnelle dans les territoires où elle associe de nombreux partenaires", dont les services déconcentrés de l'État et les collectivités territoriales. Toutefois, elle ajoutait que "la gouvernance interministérielle est insuffisante au plan national pour garantir un cadre cohérent à cette politique" tandis que "le dialogue entre l'État et les collectivités se construit sur le terrain dans une comitologie nombreuse et complexe".
Selon elle, si le HCEAC "a un rôle reconnu de consultation, d'analyse et d'observation de l'éducation artistique et culturelle", il ne constitue pas pour autant "une instance de décision et d'arbitrage". Elle en voulait pour preuve le fait que ce haut conseil n'ait plus été réuni en plénière depuis décembre 2021 et que les propositions du groupe de travail constitué en son sein en juillet 2022 étaient restées à l'état de pistes de réflexion, sans reprise officielle par les deux ministères.
Renforcer les échanges entre l'État et les collectivités
En conclusion de son rapport, la Cour des comptes émettait, parmi d'autres, la recommandation suivante : "Réunir au moins une fois par an un comité interministériel associant tous les ministères engagés dans l'éducation artistique et culturelle."
En réponse au rapport de la Cour des comptes, le secrétariat général du gouvernement s'est dit "favorable à l'étude de cette recommandation" et a souligné qu'il faudrait aussi "veiller à ce que cette instance interministérielle fonctionne en lien étroit avec les instances de concertation avec les collectivités territoriales [qui] sont des interlocuteurs incontournables pour que les dynamiques impulsées se déploient effectivement au plus proche des bénéficiaires de cette politique".
De son côté, le ministère de l'Éducation nationale a reconnu qu'"un renforcement des échanges entre les représentants de l'État et des collectivités territoriales semble indispensable". Avant de conclure : "La nomination d'un délégué interministériel à l'éducation artistique et culturelle au conseil des ministres du 12 mars traduit la volonté du gouvernement de saisir pleinement ce secteur dans sa dimension interministérielle."