Dans les Deux-Sèvres, les poubelles sont au régime

Comme partout en France, le département des Deux-Sèvres doit gérer des quantités de déchets toujours plus importantes. Un programme départemental de prévention de leur production teste actuellement une vingtaine d'actions avec la ferme intention de réussir à faire maigrir les poubelles.

"On observe depuis 10 à 15 ans une augmentation constante des quantités de déchets ménagers produites. Le tonnage croît d'environ 15% par an." Ce phénomène inquiétant, que constate Florence Butel, chargée de la prévention au Syndicat mixte de traitement et d'élimination des déchets des Deux-Sèvres (Smited), est loin d'être local. Le problème concerne l'ensemble de la population française dont le mode de vie implique de nouvelles habitudes de consommation, qui ne vont pas dans le sens d'une réduction des emballages. Bien au contraire, ces derniers progressent constamment en quantité et utilisent toujours plus de nouveaux matériaux souvent difficiles à recycler. Décidé à inverser la tendance et désigné par le ministère de l'Ecologie et du Développement durable comme site pilote pour expérimenter des actions en faveur de la prévention et de la réduction des déchets, le département teste, depuis juin 2002, différentes mesures destinées à infléchir la production de déchets sur son territoire. Partant du principe que "le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas", il se fixe pour objectif "de faire au moins stagner le tonnage à son niveau actuel en 2005", précise Florence Butel. Le défi est déjà de taille, car si rien n'est entrepris, les quelque 120.000 tonnes de déchets ménagers non-recyclables à traiter chaque année auront augmenté de 45% d'ici 2020.

Vingt stratégies d'attaque

Dirigé par la préfecture et composé de communes et structures intercommunales à compétence "collecte", d'associations de consommateurs et de représentants des acteurs économiques, un groupe de travail créé pour ce programme départemental de prévention a conçu un plan de lutte en vingt actions. Outre la poursuite des politiques de tri sélectif et d'incitation au recyclage, elles concernent notamment la promotion du compostage individuel via des opérations de communication et la distribution de composteurs. Le conseil général a reçu plus de 3.200 demandes de subventions pour ces appareils et en a déjà distribué près de 1.600. De quoi réduire significativement le volume des poubelles dans ce département rural. Financées à 50% par l'Ademe, les autres opérations font la part belle à la sensibilisation du public. Ainsi, une quinzaine d'ambassadeurs du tri devenus "ambassadeurs prévention-déchets" assurent l'information sur le terrain, notamment en sortie de caisse des commerces. Une charte départementale visant à limiter la distribution de publicités non-sollicitées a par ailleurs été signée. Fédérant enseignes de la grande distribution, commerçants et associations, elle se concrétise par la mise à disposition d'autocollants "Stop pub" à apposer sur les boîtes aux lettres. Un vrai levier d'action : "La même pub est parfois déposée trois fois dans le même rayon de distribution, regrette Florence Butel. Résultat, on peut comptabiliser jusqu'à 8 kg de papier par boîte chaque semaine!"

Vers une carte d'achat novatrice

L'une des initiatives les plus ambitieuses et novatrices est la prochaine mise en place d'une carte visant à promouvoir l'achat d'écoproduits et à encourager les modes de consommation responsables. L'achat d'un écoproduit, signalé comme tel dans un magasin partenaire, ferait gagner des points au possesseur de la carte. Ces points permettraient ensuite d'acquérir à moindre coût des biens ou des services labellisés développement durable, comme des titres de transport en commun par exemple. Un outil qui valoriserait les efforts du citoyen pour diminuer sa production de déchets tout en répondant à ses besoins d'identification des "bons" produits. Il fournirait en outre une opportunité de modifier les comportements d'achats. Directement inspiré d'un système fonctionnant depuis deux ans à Rotterdam, le projet est actuellement en phase d'identification des partenaires et d'étude de faisabilité. Une association sera créée prochainement dans ce but et un plan de travail doit être défini en juin. En attendant, toutes nouvelles propositions de projets sont les bienvenues. La création d'une bourse départementale vient d'ailleurs d'être décidée afin de susciter et soutenir de nouvelles initiatives en matière de réduction des déchets. Chaque année, les futurs lauréats se verront attribuer par le conseil général un prix qui pourra notamment prendre la forme d'une aide au suivi de dossier ou d'un soutien financier. Rendez-vous en 2007 pour un premier bilan des efforts entrepris.


Simon Anheim / Victoires-Editions pour Localtis

"Constituer un réseau de correspondants"


 

Patrick Hervier est chef de projet du programme départemental Prévention déchets à la préfecture des Deux-Sèvres.

Votre département est site pilote national en matière de prévention de la production des déchets. Comment a-t-il été choisi ?

C'est une question de volonté politique. Dès 2001, notre plan départemental Déchets comprenait un aspect prévention. Cela a intéressé le ministère de l'Environnement et l'Ademe. Ils y ont vu l'occasion de conduire une opération pilote de formations et d'actions sur ce thème. Des porteurs de projets se sont ensuite proposés pour mettre en place une dynamique d'actions.

Justement, comment s'organise et s'entretient cette dynamique afin qu'elle soit le plus efficace possible ?

L'idée se rapproche de celle des réunions "Tupperware" : chaque acteur se charge d'une action et crée des partenariats avec de nouvelles personnes, puis ces dernières s'approprient une autre démarche et y associent de nouveaux acteurs, et ainsi de suite. La réussite du programme passe donc par la constitution d'un réseau de correspondants estampillés "prévention-déchets" dans un maximum de structures. Chacun est responsabilisé et motivé par la prise en charge d'un projet dont il devra assurer la réussite.

Aujourd'hui, quel regard portez-vous sur le travail accompli ?

Dix-huit mois après le lancement du programme, un premier bilan des actions a été réalisé en décembre dernier sous la forme d'un colloque qui a réuni l'ensemble des acteurs concernés. Cela fut l'occasion de valoriser et de diffuser les différents retours d'expériences ainsi que d'impliquer de nouveaux porteurs d'actions. Ce premier bilan s'avère positif, car bien que les échanges soient passionnés, ils conduisent à une reconnaissance et à un enrichissement mutuel, promesses d'autres chantiers communs.

 

Rennes Métropole étudie les modes de consommation de ses administrés


La prévention est difficilement évaluable, car elle vise "le déchet qui n'existe pas". Partant de ce constat, comment faire adopter un comportement de prévention à tous les membres d'une famille ? Quelles motivations, quels arguments sont pertinents ? Quels sont les gestes qu'ils adoptent plus facilement, ceux qu'ils rejettent ? Quel en est l'impact en termes de kilos de déchets évités ? Peut-on mesurer un impact sur la gestion du déchet par la collectivité et sur l'environnement ? Peut-on concevoir un programme permettant d'éduquer les ménages à la prévention ? Autant de questions cruciales auxquelles Rennes Métropole va tenter de trouver des réponses en participant au projet européen intitulé "le puzzle de la prévention des déchets". L'idée est de proposer à 30 ménages d'évaluer leur production de déchets et d'adopter des comportements pour la diminuer après des opérations de sensibilisation et de formation. Les familles sélectionnées se sont vu remettre un kit pédagogique contenant conseils et outils afin de mener uniformément leur évaluation. L'étude, qui vient juste de commencer, doit se terminer à la mi-juin. La communauté d'agglomération disposera alors de données précieuses pour adapter au mieux sa politique de prévention des déchets. Cette campagne est menée par le Ciele (Centre d'information sur l'énergie et l'environnement) en partenariat avec Rennes Métropole, la ville de Rennes, et la CLCV (association Consommation Logement et Cadre de vie). Européen, le projet rassemble les villes de Charleroi en Belgique, Varsovie en Pologne, Vienne en Autriche et Brno en Tchéquie.
 

Smited

51 route de Saint-Maixent
79220 Champdeniers

Florence Butel

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