De la coopération agricole à la "fabrique" de territoire, 30 ans pour ancrer la création de valeur et ouvrir le champ des coopérations locales (12) (46)

Fruit de la coopération agricole, les Fermes de Figeac rassemblent un collectif de 200 agriculteurs à l’échelle de la communauté de communes du Pays de Figeac. Avec ses 160 salariés et un chiffre d’affaire de 26 M€, elle a construit un modèle de développement unique en misant sur l’ancrage territorial et la mutualisation, le raccourcissement et la maîtrise des maillons de la chaîne de valeur à l’échelle locale, du producteur au consommateur. Avant de tirer parti de la force du collectif pour mutualiser et piloter la production d’énergie renouvelable au bénéfice de ses membres et, enfin, se redéfinir en tant que "Fabrique de Territoire". Un slogan révélateur d’un projet d’entrepreneuriat collectif qui s’ouvre désormais aux coopérations de proximité avec d’autres acteurs de l’économie locale pour mieux répondre aux besoins locaux, participer à l’ancrage de la valeur et à la transformation des modèles de production et de consommation.

En 1985, 350 agriculteurs autour de Figeac se regroupent pour créer une coopérative agricole (la SICASELI) qui aura pour fonction de mutualiser les problématiques qui ne peuvent pas être prises en charge à l’échelle de chaque exploitation, en particulier ce qui relève de l’approvisionnement agricole : les engrais, et les semences. En 1994, la question territoriale s’invite pour la première fois dans les réflexions menées par la coopérative à l’occasion d’un audit stratégique. Il pointe l’absence de véritable identité territoriale comme facteur de fragilité à la définition et la mise en œuvre d’un projet d’activité pour cette coopérative assise sur un territoire situé aux confins du massif central, aux franges du département du Lot et du Cantal, entre Brives, Cahors et Figeac. Or, la conviction s’affirme avec le temps aux yeux des coopérateurs, « il faut être de quelque part pour révéler des enjeux partagés et gérer les « biens communs », comme l’affirme Dominique Olivier son directeur. Aujourd’hui, cette identité n’est plus questionnée. Elle s’est construite et s’est affirmée par l’action collective.

Le territoire, nouvel allié stratégique de la coopérative

En 2002, la coopérative est confrontée à la baisse continue du nombre d’agriculteurs. Mais l’analyse qui en ressort postule qu’il s’agit moins d’un problème agricole que d’un problème de territoire, puisque les commerçants et les activités artisanales sont également confrontés à une baisse importante d’activités et d’emplois. Dans ces conditions, le territoire ne sera plus le seul support de l’activité, il doit aussi devenir un allié stratégique. Cinq magasins sous enseigne Gamm Vert sont créés. Ils doivent permettent d’assurer les débouchés en circuits courts des productions locales par l’ouverture progressive des rayonnages de l’enseigne aux produits locaux. De 150 k€ la première année, le chiffre d’affaires s’établit aujourd’hui à plus de 5 millions d’euros pour la partie distribuée en circuits courts, sur les 8,5 millions de chiffre d’ affaire générés par les cinq magasins. Ces développements en circuits-courts ont par ailleurs permis de créer une trentaine d’emplois et trois boucheries qui ont nécessité de former également à ce métier.

Prospective territoriale et diversification des sources locales de création de valeur

En 2008, la coopérative fait appel au think tank Sols et Civilisation pour mettre en place une démarche de prospective territoriale, qui doit lui permettre d’éclairer les choix stratégiques à opérer pour les années à venir. Cette démarche la conduira à opérer un changement de cap. Au-delà des ressources alimentaires, la coopérative doit pouvoir valoriser d’autres ressources territoriales : l’eau, l’air, le vent…
Un voyage d’étude inspirant est programmé à Fribourg, et débouchera dès l’année suivante sur un premier projet de production d’énergie à partir d’énergie solaire. La capitalisation d’expérience acquise sur ce premier prototype, portant sur l’installation de 450 m² de cellules photovoltaïque sera valorisée sur un projet de bien plus grande envergure engagé en 2010.
Le projet repose sur l’installation de panneaux sur des toitures de bâtiments d’élevage. Il réunit 120 éleveurs et un parc global de 60.000 m2 de toiture. Fruit d’un travail de mobilisation engagé dans le cadre d’une association de préfiguration, l’effet d’échelle obtenu permet de faire effet de levier sur les financements, et de recruter une équipe de 12 énergéticiens qui réunit en interne les compétences nécessaires à la conception et au pilotage du projet. Elle assure cette fonction d’ingénierie pour le compte d’une filiale ad hoc - Ségala Agriculture et Energie Solaire - créée pour les besoins du projet.
La mutualisation de l’ingénierie à l’échelle territoriale rendue possible par l’action collective fournit l’assise nécessaire à l’atteinte des seuils de viabilité technico-économique du projet de production énergétique. Il fournit également un modèle de maîtrise et d’ancrage local des retombées économiques en milieu rural et diffus. Elles confortent la viabilité des exploitations agricoles, via les sources de revenus complémentaires captées par ce projet, la location des toits assurant à leur propriétaire l’équivalent d’un SMIC mensuel en moyenne. L’ingénierie technique, financière, ainsi que la maintenance des installations, peuvent être assurées localement, ce qui a pour vertu d’améliorer l’efficience des installations de productions en permettant d’intervenir de manière réactive en cas de panne ou de matériel défectueux.
Fort de ce succès, la coopérative s’est engagée dans le Co investissement d’un parc éolien en s’appuyant sur ces mêmes principes de mutualisation. Cette démarche permet d’explorer de nouveaux champs d’innovation :
- Mobilisation de l’épargne locale via le recours au crowdfinding qui a permis de lever 2,5 millions, au-delà même des besoins du projet ;
- Réflexion sur la possible mobilisation en circuit-court des surplus de trésorerie en générés par le programme de toitures photovoltaïque pour faire effet de levier financier sur ce nouveau projet, …

Ouverture aux partenariats de proximité pour favoriser l’ancrage de la valeur et démultiplier les opportunités de coopération

Si la logique de mutualisation et la valorisation des potentiels de valorisation en circuits-court a permis d’engager des projets économiques structurants, les potentiels apparaissent pour autant loin d’être épuisés. Sur le seul champ alimentaire, et à l’échelle de ce territoire de 30.000 habitants, la coopérative a évalué que les productions générées en circuits courts représentent, sur ce territoire, environ 10% de la consommation de produits alimentaires. Ce constat ouvre de nouvelles pistes de valorisation de ses productions en circuit local, dans le champ de la restauration collective, ou de la restauration à domicile. C’est dans cette perspective, qu’un travail partenarial est notamment engagé avec une association locale du handicap. Elle assure la confection de 700 repas distribués notamment au sein d’une zone d’activité qui accueille les activités de la sous-traitance aéronautique. Elle a les débouchés mais se désole de devoir confectionner des repas à partir de produits dont la provenance et la traçabilité n’est pas garantie. De son côté, la coopérative sait produire. Les coopérations à construire doivent permettre de recréer l’ensemble de la chaîne de valeur et créer des emplois locaux en insertion dans le secteur du maraîchage.

Ouverture aux partenariats et démultiplication des opportunités de projets

Cette nouvelle approche des Fermes de Figeac, qui s’ouvre désormais sur de nouveaux partenariats externes au champ de la coopération agricole, contribue à faire avancer la coopération territoriale comme modalités d’approche porteuse de projets viables, vertueux sur le plan économique et écologiques, et potentiel facteur d’inclusion sociale. Elle fournit le moteur de nouvelles dynamiques de coopération territoriales qu’un collectif d’acteurs locaux souhaitent désormais porter au sein de FigeActeurs, une association crée en 2015 par cinq acteurs du territoire destinée à structurer et développer les processus de mutualisation existants. Cette dynamique collective élargie à l’ensemble des partenaires territoriaux est reconnue Pôle Territorial de Coopération Economique (TPCE). Elle ouvre les voies à de nombreux autres projets : crèches inter-entreprises, solutions de mobilité, gestion territoriale de l’emploi et des compétences, ressourcerie, projets de valorisation des bois dans le champ de l’écoconstruction,… en s’appuyant sur l’expérience acquise aux travers des premières coopérations.
 

Fermes de Figeac

ZA de Ribaudenque
46120 Lacapelle-Marival

Dominique Olivier

Directeur général

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