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Finances locales - De nombreuses villes éligibles à la DSU ne le seront pas au fonds de péréquation intercommunal

Sur les 250 villes les plus défavorisées éligibles à la dotation de solidarité urbaine, 131 pourraient ne pas bénéficier des attributions du futur fonds de péréquation intercommunal. Pire, une centaine pourrait contribuer à ce fonds. Les maires de grandes villes et de communes de banlieue montent au créneau.

Grigny, Les Mureaux, Val-de-Reuil, Vaulx-en-Velin, Mantes-la-Jolie, Bobigny, Trappes, Grande-Synthe... Ces villes, souvent citées dès que l'on évoque la politique de la ville et qui figurent parmi les premières bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU), ne seront pas éligibles au futur fonds national de péréquation organisant à partir de l'année prochaine la solidarité entre les communes et les intercommunalités. Elles ne sont pas les seules dans ce cas. Au total, 131 communes sur les 250 villes les plus en difficulté bénéficiant d'une aide spécifique de l'Etat au titre de la DSU (ce que l'on appelle la "DSU-cible") seront exclues du bénéfice du fonds. C'est en tout cas ce qu'a calculé l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) à partir des simulations individuelles que la direction générale des collectivités locales (DGCL) vient de remettre aux parlementaires. Des simulations qui ont été réalisées à partir des ressources de 2011 et sur le fondement du projet de loi de finances adopté en Conseil des ministres (donc avant l'examen par l'Assemblée nationale, examen qui a notamment ajouté l'effort fiscal parmi les critères de calcul des reversements).
Sur les 131 communes, 88 "seraient exclues" des attributions du fonds "parce qu'elles appartiennent à une intercommunalité qui va être prélevée" au titre de ce fonds. Ces villes membres d'un groupement pourraient subir un prélèvement proportionnel à leurs ressources, constituant leur apport à la contribution de leur intercommunalité. 15 autres communes auraient à faire face à un "prélèvement direct" sur leurs ressources. Enfin, 28 autres communes "ne bénéficieraient pas" du fonds.
"Il est anormal que [le fonds de péréquation] vienne contrarier les effets de la solidarité nationale au titre de la DSU", dénonce l'AMGVF. Jean-Claude Boulard, président de la commission des finances de l'association, se demande par conséquent si le fonds de péréquation "peut légitimement être qualifié de péréquateur". Dans ces conditions, l'AMGVF demande "une remise à plat du nouveau dispositif".

Le "contre-exemple" de la réforme de la DSU

Du côté de l'Association des maires Ville et Banlieue de France, le son de cloche est le même. Claude Dilain, son président, regrette que "ce que la DSU donne d'une main, le fonds national le reprenne de l'autre".
Le débat consacré aux finances lors de la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui s'est tenu à Rennes le 13 octobre, avait déjà mis en lumière ce type d'incohérences : des communes pauvres prélevées au titre du futur fonds de péréquation, parce qu'elles appartiennent à une intercommunalité riche et, a contrario, des communes riches dont la richesse est diluée au sein d'un groupement défavorisé. Tout en reconnaissant ces difficultés, le directeur général des collectivités locales, Eric Jalon avait esquissé ce jour-là des réponses. "Dans ces communautés, [les élus] peuvent se donner l'occasion de remettre à plat les mécanismes de péréquation, tels que la DSC [dotation de solidarité communautaire, NDLR]", avait-il dit. De plus, il avait fait remarquer que la solidarité joue entre une communauté et ses communes, notamment les plus pauvres, lorsque la première apporte des services qui contribuent à l'amélioration de la qualité de vie.
Le président du Comité des finances locales (CFL), Gilles Carrez, souhaitait que les simulations sur les conséquences pour chaque communauté de la mise en œuvre du fonds de péréquation soient connues tardivement pour éviter que chaque élu ne prenne position en fonction des intérêts propres de sa collectivité. Il voulait, avouait-il fin septembre, éviter de revivre l'échec de la réforme de la DSU tentée à l'automne 2008 (notre article du 7 octobre 2008, "Réforme de la DSU : la colère est unanime !") mais contrecarrée par les vives réactions provoquées par les simulations individuelles.
S'exprimant ce 8 novembre à l'issue d'une réunion du CFL, Gilles Carrez a reconnu qu'une fois encore, des "résistances" s'expriment. "Les communes qui payent veulent payer moins, celles qui perçoivent veulent percevoir plus", a-t-il toutefois relativisé. Il a en tout cas pu constater que certains maires – entre autres dans son département du Val-de-Marne – se sont tournés vers leur préfet pour se plaindre du nouveau dispositif de péréquation et obtenir des simulations. Mais visiblement, ces mêmes préfets n'ont pour le moment pas eu grand-chose à leur communiquer. Et Gilles Carrez d'ajouter que le Sénat, dans le cadre de son examen du PLF 2012, pourra travailler sur ces simulations en vue d'éventuels ajustements.