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Déchets des navires : l’ordonnance et le décret de transposition de la directive sont parus

Lutter contre le rejet illégal des déchets en mer en incitant les navires de commerce, de pêche et bateaux de plaisance à déposer leurs déchets pendant leur escale portuaire, tel est l’objectif de cette nouvelle transposition réalisée par une ordonnance et un décret en application de la loi Agec publiés ce 9 septembre. Un dispositif qui laisse toutefois dubitatifs les élus locaux quant à la mise en œuvre effective d’une collecte séparée pour réemploi ou recyclage des déchets de navires.

L’ordonnance et le décret de transposition de la directive 2019/883/UE relative aux installations de réception de déchets des navires dans les ports - pris en application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) du 10 février 2020 - ont été publiés ce 9 septembre. L'objectif de cet arsenal est de lutter contre le rejet illégal des déchets en mer en incitant les navires à les déposer lors de leurs escales portuaires. Et ce faisant de satisfaire aux exigences de la convention "Marpol", principale convention traitant de la prévention de la pollution du milieu marin. La directive de 2019 modifie le cadre juridique existant, et en particulier la directive 2010/65/UE concernant les formalités déclaratives applicables aux navires à l’entrée et/ou à la sortie des ports des États membres, et abroge au passage celle (2000/59/CE) sur les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison. Le calendrier de transposition est d’ores et déjà dépassé, la date butoir étant fixée au 28 juin 2021.
L’obligation de dépôt des déchets s'impose en principe à tous les navires faisant escale dans un port français, y compris de pêche ou de plaisance. Les quelques exceptions prévues englobent notamment les navires de guerre, ceux affectés à des services portuaires ou utilisés à des fins non commerciales par la puissance publique. Des aménagements peuvent également être envisagés pour les navires effectuant des escales fréquentes et régulières, les mouillages d’une durée de moins de 24 h, ou en cas de mauvaises conditions météorologiques. Les navires disposant d'une capacité de stockage de leurs déchets suffisante jusqu'au port d'escale suivant peuvent eux aussi être autorisés à appareiller. 

Des catégories de déchets élargies

Les ports doivent de leur côté garantir la disponibilité d’installations de réception portuaires de déchets "adéquates". Le champ de la réglementation est étendu à de nouvelles catégories de déchets. Outre les déchets générés pendant l’exploitation des navires, sont dorénavant inclus les résidus de cargaison, les déchets collectés accidentellement dans les filets des navires de pêche et les résidus des systèmes d’épuration des gaz d’échappement "scrubbers".
Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) - consulté in extremis courant juillet - s’est toutefois montré perplexe sur la référence au caractère "adéquat" des installations portuaires recevant les déchets des navires dans le cadre d’une gestion respectueuse de l’environnement conformément à la réglementation relative aux déchets en vigueur. Et pour cause, le texte "ne paraît pas prévoir d’obligation de tri préalable des déchets", s’inquiètent les élus, faisant valoir des risques de complexification accrue de leur stockage, puis de leur traitement, en particulier pour les déchets dangereux (solvants, huiles de vidange etc.) et les emballages. Une critique que l’éco-organisme Citeo a également fait remonter lors de la mise en consultation du texte.
Le ministère de la Transition écologique table toutefois sur le dispositif de traçabilité des déchets prévu par les textes de transposition. Les navires sont ainsi tenus de notifier préalablement à leur accostage leurs besoins en dépôt de déchets (type, volume en mètres cubes). "La directive invite en conséquence les ports à mettre en place des bacs de tri sélectif afin de permettre une gestion plus respectueuse des déchets", en déduit-il. 

Actualisation du plan de réception et de traitement des déchets 

Les plans de réception et de traitement des déchets des navires, d'ores et déjà obligatoires dans le code des transports (articles R.5312-90 et R.5314-7), doivent par ailleurs mentionner l'emplacement des installations de réception portuaires ainsi que la liste des déchets habituellement gérés par le port, la description des procédures de dépôt des déchets ainsi qu'une évaluation des besoins en termes d'installation de réception portuaires, compte tenu des besoins des navires qui font habituellement escale dans le port, souligne le ministère.
Le décret (R. 5334-6-3) actualise la procédure d’adoption et le contenu de ces plans. Un arrêté ultérieur devrait entre autres rentrer davantage dans les détails sur ce point. Principale nouveauté : leur durée de validité passe de trois à cinq ans dans un objectif de simplification. En contrepartie, la consultation préalable qui devra être menée par l’autorité portuaire avant leur adoption est étendue, notamment aux utilisateurs du port, aux autorités locales compétentes, aux exploitants de l’installation de réception portuaire, aux organisations mettant en œuvre les obligations découlant de la responsabilité élargie du producteur (REP) et aux représentants de la société civile. Les petits ports non commerciaux à faible trafic pourront toutefois être exemptés de l’établissement d’un tel plan dans l’hypothèse où leurs installations sont intégrées dans un système de traitement des déchets géré par la municipalité. 
Mais pour les régions c’est une autre problématique qui fait surface : celle de l’articulation du dispositif avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets. Compte tenu de l’extension de l’obligation de dépôt à de nouvelles catégories de déchets, le CNEN fait part des interrogations des élus "sur les moyens permettant d’anticiper la volumétrie supplémentaire par type de déchets, et donc quant aux impacts sur les objectifs régionaux de réduction des déchets qui pourraient ne pas être pleinement respectés". 

Nouvelle redevance déchets

Pour financer ces opérations et garantir que les coûts soient neutres dans la durée pour les ports, un nouveau système de redevance est fixé. Ainsi, les navires devront s’en acquitter et ce "indépendamment du dépôt ou non de déchets dans une installation de réception portuaire", indique le texte. Elle couvrira les coûts administratifs indirects et une partie significative à hauteur d’au moins 30% du total des coûts d’exploitation directs correspondant au dépôt effectif des déchets au cours de l'année précédente, avec la possibilité de prendre également en compte les coûts liés au volume de trafic prévu pour l'année à venir. La part des coûts d’exploitation directs qui ne sera pas couverte pourra l’être sur la base des types et des quantités de déchets effectivement déposés par les navires. Une dispense est prévue pour les navires de plaisance ou de sport lorsque les coûts de réception et de traitement des déchets sont déjà couverts par d’autres taxes pour éviter les doublons. À noter que les "tarifs" seront arrêtés par l’autorité portuaire et pourront être différenciés en fonction de la catégorie, du type et de la taille du navire ou du caractère dangereux des déchets, afin de tenir compte des surcoûts de traitement. La facture pour la mise à jour des systèmes d’information portuaires pourrait elle aussi s’avérer salée : 50.000 euros par port concerné, soit 750.000 euros au total, d'après la fiche d'impact. 

Contrôle et majoration

L’ordonnance instaure enfin une procédure de contrôle opérée par les agents de l’État, par l’intermédiaire des capitaineries et des centres de sécurité des navires, ainsi qu’une sanction administrative qui viendra s’ajouter aux sanctions pénales en cas de manquement. Ce nouveau dispositif (article 12 de l’ordonnance complété par l’article 13 du décret) vient sanctionner la méconnaissance des règles relatives au dépôt des déchets par les navires par une majoration de 10% du montant de la redevance sur les déchets.

 
Références : rapport au Président de la République et ordonnance n° 2021-1165 du 8 septembre 2021 portant transposition de la directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE ; décret n° 2021-1166 du 8 septembre 2021 portant transposition de la directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE, JO du 9 septembre 2021, textes n° 24, 25 et 26.

 

 

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