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Déconfinement : les associations d'élus continuent de s'exprimer, le Sénat en porte-voix

La délégation aux collectivités du Sénat a établi avec l'AMF, l'ADF et Régions de France une liste de "12 mesures prioritaires pour un déconfinement réussi". L'AMF a par ailleurs réuni son bureau ce 30 avril suite à la visioconférence avec le Premier ministre. François Baroin, son président, s'est exprimé devant la commission des lois de l'Assemblée.

Alors que c'était au tour des sénateurs de voter ce jeudi 30 avril après-midi la "Stratégie nationale de déconfinement" du gouvernement présentée et votée deux jours plus tôt à l'Assemblée, la délégation aux collectivités du Sénat entend jouer le rôle de courroie de transmission pour relayer les "points de vigilance" des élus locaux.

Le président de la délégation, Jean-Marie Bockel, a ainsi établi avec l'Association des maires de France (AMF), de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de Régions de France – en somme du trio de l'association Territoires unis – une liste de "12 mesures prioritaires pour un déconfinement réussi et permettre aux collectivités territoriales de jouer leur rôle au service des Français". Cette liste a été officiellement adressée ce 30 avril au gouvernement avec le cachet de Gérard Larcher, le président du Sénat. "Plusieurs annonces gouvernementales engagent les collectivités territoriales dans des mesures d’accompagnement qui comporteront des coûts dont il conviendra de définir et chiffrer la compensation par l’État", souligne entre autres Jean-Marie Bockel.

Les mesures proposées ont nécessairement un air de déjà vu. Elles correspondent bien globalement à ce que les associations d'élus avaient pu exprimer mercredi lors de leur visioconférence avec Edouard Philippe (voir notre article) et à tout ce qu'elles ont eu l'occasion de dire ces derniers jours voire semaines. Certaines d'ailleurs semblent déjà au moins en partie faire partie de la stratégie du gouvernement.

  • "Créer un pôle de décision autour du préfet de département" et "définir des méthodologies locales de déconfinement sous tous les aspects" ;
  • "Renforcer le rôle des élus locaux dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) mais également dans celle des hôpitaux" ;
  • "Évaluer la stratégie de réouverture des écoles, collèges et lycées avec les communes, départements et régions" ;
  • "Clarifier la doctrine de l’État en matière de distribution et d’usage des masques" ;
  • "Préparer l’élargissement de la politique de réalisation de tests de dépistage" : "il serait souhaitable d’étendre la réalisation de tests aux personnes asymptomatiques (…) afin d’identifier ces porteurs du virus et de les isoler".
  • "Ouvrir des hébergements supplémentaires : les collectivités disposent de capacités d’hébergement provisoire qui pourraient permettre de confiner les personnes infectées, mais aussi d’assurer un logement d’urgence aux victimes de violences conjugales et aux personnes sans-abri."
  • "Contrôler l’impact de la reprise des transports publics sur la diffusion de l’épidémie"
  • "Assouplir les compétences réciproques entre les différents niveaux de collectivités"
  • Mieux associer le Sénat et les associations d'élus "à la définition des mesures de déconfinement"
  • Élaborer un guide pratique à destination des autorités locales
  • "Nationaliser la dette Covid-19 des collectivités territoriales par l’État"
  • "Conforter les ressources des collectivités".

 

On notera par ailleurs que l'AMF, qui ne s'était pas officiellement exprimée à l'issue de la visioconférence de mercredi, a diffusé ce jeudi un communiqué à l'issue de la réunion de son bureau. Lequel confirme que "de nombreuses questions restent sans réponses précises concernant les modalités de sortie du confinement, particulièrement dans les écoles et dans les transports".
S'agissant des écoles, une demande précise : "que les services de l’État valident formellement la conformité au protocole prescrit par le ministère de l’Éducation nationale [voir notre article de ce jour], des conditions d’accueil et des mesures sanitaires de chaque école, afin que les maires n’en portent pas seuls la responsabilité."
L'AMF souhaite également des précisions sur le rôle des opérateurs en matière de contrôle du port du masque dans les transports, un prix unique pour les masques grand public, un protocole dans chaque département sur le "qui fait quoi" dans la coopération maire-préfet, des dispositions législatives nouvelles quant à la responsabilité des maires… et une compensation intégrale des dépenses supplémentaires des collectivités liées au Covid19.

François Baroin, le président de l'AMF, a par ailleurs proposé, dans un entretien au Figaro publié mercredi soir, d'organiser une "grande conférence sociale" pour relancer le pays frappé par la crise. "Pour relancer le pays et voter les textes à venir, il faudra trouver un consensus sur le plan social en essayant d'aboutir à une grande conférence sociale sur le modèle de ce que l'on a connu après 1968", à condition que le gouvernement annonce "très vite (...) l'abandon de la réforme des retraites", affirme le maire de Troyes, vu par certains responsables LR comme un possible candidat à la présidentielle de 2022. "Ce qui est devant nous est vertigineux. Le choc psychologique, la peur, l'incertitude du lendemain, le rapport à l'autre vont constituer la toile de fond des répliques de cette crise sur le plan économique, social et peut-être politique", développe François Baroin. Selon lui, la relance devra se faire autant par "la consommation" que par "l'investissement public, donc très largement par les collectivités locales en mettant en avant quatre secteurs" : l'agroalimentaire, la santé, l'environnement et le numérique. Il écarte la possibilité d'une "augmentation d'impôts couplée à une réduction de dépenses globales", qui serait "contreproductives et certainement récessives" et juge "inatteignable" une "mutualisation des dettes" au niveau européen. Il suggère "une troisième voie originale" qui serait "une dette perpétuelle portée par la BCE (banque centrale européenne, ndlr) ou par le mécanisme européen (de stabilité) qui pourrait à cette occasion se transformer en fonds monétaire européen". Il prône enfin "une profonde et puissante décentralisation sur de très nombreux sujets". "C'est le premier enseignement de cette crise : elle a mis en lumière l'impuissance de l'État", estime-t-il.

Le même François Baroin s'est de nouveau exprimé ce jeudi 30 avril, devant la commission des lois de l'Assemblée. "Nous nous vivons comme la garde nationale de la République, et de l'Etat en la matière, mais ce n'est pas à n'importe quel prix et ce n'est pas sous n'importe quelle forme", a-t-il prévenu à cette occasion. Les maires ne veulent "pas être des kamikazes sur une responsabilité qui n'est pas la leur au départ" quand ils "n'auront pas la possibilité, soit technique soit matérielle, de mettre en oeuvre" les mesures de déconfinement, a-t-il expliqué. Selon lui, 40 à 45% des parents disent actuellement envisager de remettre leurs enfants à l'école et que ce chiffre pourra monter à 50-55% autour du 12 mai. Il a par ailleurs fait part d'une volonté "de plus en plus importante de la part des maires de (...) rendre obligatoire le port du masque dans l'espace public", qui peut être "un élément de restauration progressive de la confiance" et "un moyen d'éviter des tensions entre les habitants". Mais il a réclamé "un cadre stable permette de prendre" cette décision.

 

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