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Défaillance du candidat et convention de substitution : urgence, publicité et référé

Dans cet arrêt rendu le 14 février, le Conseil d’Etat a dû procéder à la qualification juridique d’un contrat afin de déterminer s’il pouvait faire l’objet d’un référé précontractuel ou contractuel. Ce fut également l’occasion de rappeler qu’en cas d’urgence et pour un motif d’intérêt général, la personne publique peut conclure une concession de services provisoire sans publicité.

En l’espèce, une convention de terminal avait été conclue entre le grand port maritime de Bordeaux (GPMB) et la société Europorte. Cette dernière n’a pas exécuté les prestations prévues et une procédure de médiation a été engagée. Suite à l’échec de la médiation, le GPMB a décidé de conclure une "convention de mise en régie de la convention d’exploitation du terminal de Verdon" avec la société SMPA, sous-traitante de la société défaillante.
La société Sea Invest Bordeaux, intervenant dans le même secteur d’activité, a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en vue de demander l’annulation de cette nouvelle convention, conclue sans mesures de publicité. Ce dernier ayant fait droit à sa demande, le GPBM et la société SMPA ont saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Contrat de la commande publique et référé

Le Conseil d’Etat a tout d’abord annulé cette ordonnance. En effet, le juge avait estimé que le référé précontractuel, transformé en référé contractuel, été recevable au seul motif que l’article L. 5312-84 du code des transports prévoyait que "les conventions de terminal sont conclues à l’issue d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire". Jugé insuffisant par les juges de cassation, ce raisonnement ne permettait pas à lui seul d’admettre la recevabilité du référé contractuel. Au titre de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge du référé précontractuel comme contractuel ne peut connaître que de "contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, [ou] la délégation d'un service public […]". Le Conseil d’Etat a donc dû rechercher la qualification juridique de la convention afin de déterminer si elle rentrait dans le "champ de d’application matériel" des référés dédiés aux contrats de la commande publique.
Les sages du Palais Royal ont tout d’abord rappelé qu’en vertu de l’article L. 5312-84 précité, les conventions de terminal valent autorisation d’occuper le domaine public. Toutefois, en l’espèce, cette convention permettait également de répondre aux besoins du GPMB. La société titulaire était notamment chargée d’assurer l’exploitation technique et commerciale du terminal, "cette exploitation donnant lieu au versement au GPMB d’une redevance composée d’une part fixe et d’une part variable indexée sur le trafic réalisé". Dès lors, le Conseil d’ Etat a estimé que ladite convention avait pour objet principal non pas une occupation domaniale mais une "prestation de services rémunérée par une contrepartie économique constituée d’un droit d’exploitation, et qui transfère au cocontractant le risque d’exploitation". Ce contrat est donc une concession de service (au sens de l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016) et un référé contractuel à son encontre est recevable.

Pas de publicité en cas d’urgence

Sur le fond, le Conseil d’Etat a toutefois rejeté la requête de la société Sea Invest. Cette dernière reprochait au GPBM d’avoir méconnu les obligations de publicité qui s’imposent lors de la passation d’un contrat de concession. Il est vrai que le GPBM n’a pas rendu publique son intention de conclure le contrat de mise en régie avec la société SMPA, ni respecté de délai de "standstill". C’est d’ailleurs à ce titre, puisqu’elle était dans l’ignorance de la signature du contrat, que le référé précontractuel de la société Sea Invest a pu être requalifié de référé contractuel. Toutefois, le Conseil d’Etat a considéré que le GPBM avait été placé, du fait de la défaillance de son cocontractant initial, dans une situation d’urgence. Afin d’assurer la continuité du service, le GPMB pouvait donc conclure avec la SMPA une convention à titre provisoire (dix-huit mois) sans procéder aux mesures de publicité.

 

Référence : Conseil d'Etat, 14 février 2017, n° 405157

 

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