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Défense extérieure contre l'incendie : des sénateurs appellent à une nouvelle réforme urgente

Constatant l'échec de la réforme de la défense extérieure contre l'incendie (Deci) – alors que 10% des Français seraient mal protégés contre ce risque –, les sénateurs Hervé Maurey et Franck Montaugé exhortent le gouvernement à une modernisation de cette politique. "Si celle-ci n’est pas engagée dans les meilleurs délais, une initiative parlementaire, sous la forme d’une proposition de loi, sera prise", avertissent-ils dans un rapport publié ce 8 juillet.

A en croire le récent rapport des sénateurs Hervé Maurey et Franck Montaugé, la réforme de la défense extérieure contre l'incendie – la politique publique visant à "garantir l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin", qui relève des communes –, opérée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration du droit, souffre à bien des égards de "malfaçon législative" :
- lenteur de la mise en œuvre : "le processus de maturation de ce texte et sa concrétisation sur le terrain ont été émaillés de retards", à tel point que "la mise en œuvre de la réforme aura […] pris une décennie, ce qui est long dans un domaine où sont censées prévaloir la réactivité et la gestion de l'urgence", piquent les rapporteurs ;
- concertation "souvent sommaire, et en tout cas très inégale des élus dans la phase de rédaction des RDDeci (les règlements départementaux)", générant une "forte insatisfaction des maires ruraux" ;
- absence d'évaluation préalable et d'études d'impact a priori et a posteriori ;
- complexité des règles, qui se traduit par l'"extrême difficulté des élus à s'approprier la matière", suscitant un sentiment de "malaise" pour ceux conscients de leur déficit d'expertise, ou au contraire l'absence de prise "de la mesure du champ à investiguer" pour d'autres ;
- rigidité des normes, qui "pénalise lourdement certaines communes en termes de capacité d'accueil des habitants", le RDDeci constituant parfois "un facteur de blocage pour le développement et l'attractivité des petites communes rurales" ;
- des règles par ailleurs "insuffisamment adaptées aux territoires" : "comment comprendre qu'une distance unique [entre une "zone à défendre" et un point d'eau incendie] s'applique sur un même département ?", s'interrogent les rapporteurs ;
- une charge financière insoutenable pour les communes, "au détriment d'autres investissements attendus de la population et qui auraient bénéficié à l'économie locale", "hypothéquant l'avenir de ces territoires" ;
- mais que personne ne peut pour autant estimer précisément ;
- le tout pour un résultat final peu enviable : d'abord, une grande majorité des communes ne sont pas encore dotées d'un schéma communal (ou intercommunal) de la Deci, les sénateurs s'étonnant en outre "du manque de suivi" de ces derniers par l'État. Ensuite, et surtout, "près d'une habitation sur trois serait […] hors champ de la couverture jugée réglementairement nécessaire selon les Sdis", soit "un nombre d'habitants de l'ordre de 6 à 7 millions" – deux chiffres vraisemblablement sous-évalués.
"Animée de bonnes intentions [visant "approche territorialisée et adaptée aux enjeux réels, assouplissement des règles, renforcement de la concertation des élus, ainsi qu’une couverture adéquate des risques"], la réforme de 2011 n'a […] pas tenu ses promesses. Elle a bien au contraire provoqué un très large mécontentement des élus. Au terme de dix ans d'application, il faut désormais les entendre", concluent les rapporteurs. Pour y répondre, ils dressent plusieurs pistes d'amélioration.

Proposition de révision quinquennale des RDDeci

Particulièrement attachés à la notion d'évaluation, Hervé Maurey et Franck Montaugé préconisent "la réalisation par l'État d'une évaluation exhaustive, département par département, des résultats obtenus depuis la réforme de la Deci en 2011".
Ils proposent également d'instaurer une révision quinquennale des RDDeci, en instaurant cette fois "une méthodologie précise et exigeante de concertation". Les décisions relatives à ces règlements devraient en outre être précédées d'une étude d'impact, couplée à l'intégration des "moyens des Sdis et leur évolution possible dans les arbitrages à rendre avant l'élaboration des règles de Deci dans les départements". Les élus insistent sur la nécessité d'une étude systématique coûts/avantages "mettant en parallèle, à efficacité ou performance équivalente, un investissement permanent de la collectivité et les évolutions éventuelles des moyens déployables par le Sdis" (par exemple, l’acquisition d’un camion-citerne supplémentaire pour remédier aux difficultés posées par une zone d’habitat diffus non couverte, ou partiellement couverte, par un réseau).

Besoin d'inventaire exhaustif des points d'eau incendie dans chaque département

En outre, excluant le principe d'une toise identique pour tous, ces règlements devraient prévoir "des règles distinctes et proportionnées à la réalité du risque et à la nature du projet, sur chaque territoire infra-départemental, à partir d'une caractérisation fine". Devrait ainsi être également dressé "dans chaque département, un inventaire exhaustif des points d'eau incendie de toute nature, selon leur caractère permanent ou saisonnier, pour permettre l'élaboration de règles les moins contraignantes possibles" – cartographie qui pourrait être intégrée aux plans de gestion de la ressource en eau.
Côté budget, afin de "mieux faire ressortir les dépenses de Deci, d’en assurer un suivi effectif et de permettre une consolidation au niveau national", les sénateurs proposent de détailler la nomenclature M14, préférant cette solution à celle d'un budget annexe qui nécessiterait la création d'une régie, "ce qui compliquerait grandement la gestion budgétaire des communes". Sans attendre, ils demandent d'affecter 1,2 milliard d'euros à la Deci dans le cadre du plan "France relance".
Au long cours, ils préconisent de généraliser dans tous les départements le recours à la dotation d’équipement des territoires ruraux. Son montant serait fonction de la situation financière de chaque commune et des coûts de mise aux normes, le taux de soutien pouvant aller jusqu’à 100% du montant du projet. Ils suggèrent par ailleurs d'examiner dans les trois ans le besoin de créer une ressource supplémentaire, qui pourrait être une contribution du secteur de l'assurance ou des usagers des réseaux d'eau potable.

Les Sdis appelés à venir à la rescousse des communes

Ils appellent également les Sdis, "exclusivement financés par les départements et le bloc communal", à venir à la rescousse des communes. D'une part en organisant le contrôle du débit des points d’eau incendie (au moins pour les plus petites communes), d'autre part en systématisant l’offre de formations en Deci auprès des élus municipaux en début de mandat, en nommant dans chaque Sdis un référent Deci et en créant en leur sein une cellule de suivi et de soutien aux élus.
Pour gagner en efficacité et en cohérence, ils préconisent d'autoriser le transfert de la police spéciale de la Deci vers les syndicats des eaux ayant déjà la compétence de la Deci", mais ne se rallient en revanche pas à la position de la DGSCGC qui serait favorable au transfert obligatoire de la compétence Deci vers les EPCI. Ils suggèrent en revanche d'aider les communes à mutualiser leurs achats d'équipements (citernes, bâches à incendie…).
De même les rapporteurs appellent-ils à "veiller à la cohérence entre le schéma communal de Deci et le PLU-I ou la carte communale par une prise en compte de la Deci dans l’élaboration des documents d’urbanisme", d'intégrer la documentation de la Deci dans le processus de dématérialisation du droit des sols, mais aussi à mettre en cohérence le RDDeci avec le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), en commençant par faire coïncider leur révision quinquennale. Ils recommandent encore de sensibiliser les populations au risque incendie et favoriser l'autoprotection.
Faute d'une action du gouvernement "dans les meilleurs délais", Hervé Maurey et Franck Montaugé – qui déplorent l'absence de réponse du ministre de l'Intérieur et de rendez-vous avec ses collaborateurs au cours de leurs travaux – indiquent qu'une proposition de loi sera déposée.