Dématérialisation des demandes d'autorisation d'urbanisme : des difficultés persistantes, surtout pour les petites communes

L'Association des maires de France (AMF) et Intercommunalités de France viennent de publier les résultats d'une enquête nationale sur la mise en œuvre de la dématérialisation des demandes d'autorisation d'urbanisme depuis le 1er janvier 2022. Disparités en termes de préparation des services de l'Etat, problèmes liés à certains logiciels de traitement des demandes et aux dysfonctionnements de la plateforme nationale PLAT'AU, difficultés liées à l'accès à Internet, manque de formation des agents... les freins à lever sont encore nombreux, surtout dans les petites communes.

L'obligation de réception et d'instruction dématérialisées des demandes d'autorisation d'urbanisme mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2022 est encore loin d'être un long fleuve tranquille au vu des résultats d'une double enquête nationale menée à l'automne dernier par l'Association des maires de France (AMF) et Intercommunalités de France, l'une auprès des communes (4.774 répondantes), l'autre auprès des intercommunalités (210).

Téléprocédures obligatoires pour les communes de plus de 3.500 habitants

Publié ce 20 février, cet état des lieux montre d'abord que des freins techniques, matériels et humains restent à lever pour les communes. Concernant l’obligation, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, pour les communes de plus de 3.500 habitants, de disposer d’une téléprocédure spécifique permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme, 40% des communes ayant répondu au questionnaire ont mis en place un tel dispositif. 43% ne se sentent pas concernées, la grande majorité des communes ayant répondu au questionnaire étant plutôt rurales et comportant moins de 3.500 habitants. Mais alors même qu’elles ne relevaient pas de l’obligation légale, un certain nombre de communes de moins de 3.500 habitants ont quand même pu mettre en place une téléprocédure, notamment lorsque celle-ci a été instaurée par un service mutualisé au niveau intercommunal pour d’autres communes plus grandes. En matière de téléprocédure, 17,5% des communes déclarent faire face à des problèmes qui persistent et 9% ont rencontré des problèmes désormais résolus.

Problèmes techniques et difficultés pour les agents et les usagers

Au-delà des difficultés concernant les plateformes mises en place par l’État, notamment PLAT’AU et des problèmes de mise à jour concernant les logiciels des éditeurs tiers ou des refus par certains services déconcentrés (Unités départementales de l'architecture et du patrimoine-UDAP, Architectes des bâtiments de France-ABF, directions départementales des territoires-DDT) de recevoir le dossier de demande sous forme dématérialisée, les communes font état de difficultés liées aux délais d’instruction en cas de congés d’agents difficilement remplaçables, d'un effet de "doublon papier/dématérialisation", de difficultés techniques liées au manque de formation et d’information concernant l’utilisation des logiciels et des outils informatiques mis en place, que ce soit pour les agents et les usagers ou encore de problèmes d'accès au réseau internet liés à une mauvaise couverture.

Saisine par voie électronique : 30% des communes en butte à des obstacles

Quelle que soit leur taille, toutes les communes ont aussi, depuis le 1er janvier 2022, l'obligation de mettre en place un dispositif de saisine par voie électronique (SVE). L'enquête montre que 66% ayant répondu au questionnaire l'ont mis en place, tandis que 9% ne l'ont pas instauré et que 14% "ne savent pas". Plus de 40% des communes ayant mis en œuvre une SVE, n'ont pas rencontré de difficultés mais 30% se sont heurtées à différents obstacles (difficultés liées au réseau Internet, notamment en zone blanche, manque de temps, d'informations, de moyens et de ressources humaines).

Les avis des communes à l'égard de la dématérialisation des autorisations d'urbanisme sont donc "plutôt mitigés", selon l'enquête. "D’une part, [elles] voient à travers cette dématérialisation des possibilités de raccourcir les délais d’instruction, réduire les coûts d’instruction, fluidifier les relations avec les services consultés, améliorer la qualité de l’instruction et le suivi des dossiers. D’autre part, [elles] soulignent les difficultés liées à la gestion du double flux papier/numérique." Un effet de doublon qui entraîne pour les collectivités "une charge de travail conséquente et une perte de temps considérable" à laquelle s'ajoute la consommation de papier, d’encre et l’usure du matériel de reprographie. "Au-delà des coûts et de la mauvaise couverture numérique, certaines communes mettent en exergue le manque de formation des agents", souligne encore l'enquête. "Les communes rurales de petite taille ne comptent souvent qu’un seul agent administratif 'multitâches' (secrétaire de mairie, difficilement remplaçable en cas de congés)", relève-t-elle, poursuivant : "On constate également en milieu rural, une population assez âgée ne maîtrisant pas les outils informatiques. Un certain nombre de pétitionnaires dans ces zones sont attachés au format papier (accompagnement personnel en mairie) et se montrent réticents à l’égard de la dématérialisation". Les communes craignent ainsi "un amoindrissement du lien physique et social avec les pétitionnaires".

Les intercommunalités sur la même longueur d'onde que les communes

Ces difficultés sont partagées par les intercommunalités ayant répondu au questionnaire qui sont aussi, dans leur grande majorité, des communautés de communes à dominante rurale. La majorité des intercommunalités ont mis en place un service d’instruction, soit au bénéfice de toutes les communes membres (37,5%), soit pour une partie seulement des communes membres (49%). "Le fait que la plupart des communes aient mutualisé l’instruction au niveau intercommunal peut expliquer le très faible recours aux prestataires privés", relève l'enquête. 70% des intercommunalités ayant répondu au questionnaire ont mis en place un dispositif de téléprocédure mutualisée de réception et d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme, au travers de leur service en charge de l'instruction des actes d'urbanisme, et 10% sont en train de le finaliser. Mais 63% des intercommunalités ayant mis en place une téléprocédure font face à des problèmes qui persistent. Les difficultés rencontrées sont similaires à celles des communes - dysfonctionnements et autres "bugs" des plateformes mises en place par l’État, notamment PLAT’AU, problèmes concernant les logiciels des éditeurs tiers et refus de la part de certains services déconcentrés (UDAP, ABF, DDT) de recevoir le dossier de demande sous forme dématérialisée.

76% des intercommunalités ayant répondu au questionnaire ont en outre mis en place un dispositif de SVE au bénéfice des communes guichets uniques. 37% déclarent ne pas avoir rencontré de difficulté en la matière tandis que 17% n'ont pas proposé de dispositif de SVE. Parmi les difficultés rencontrées : le coût financier, le manque de temps, de formation et de compétences informatiques, notamment pour les communes. Les intercommunalités soulignent également le problème d’accompagnement des éditeurs de logiciel et des services de l’État auprès des communes, le service commun d’instruction devant pallier ce manque sans moyens supplémentaires.

Comme les communes, les intercommunalités regardent la dématérialisation des autorisations d'urbanisme avec circonspection. Si elles y voient des possibilités de raccourcir les délais d’instruction, de réduire leurs coûts, de fluidifier les relations avec les services consultés et, au sein même de la communauté, les relations entre les différents services (service informatique et urbanisme, par exemple) ou encore d'améliorer la qualité de l’instruction et le suivi des dossiers, elles soulignent aussi les coûts et la complexité liés à la gestion du double flux papier/numérique mais aussi les difficultés rencontrées par les pétitionnaires. "La dématérialisation semble peu connue, voire méconnue, auprès des particuliers, notamment en zone rurale, souligne l'enquête. En effet, ces derniers éprouvent des difficultés à passer au numérique et ne sont pas à l’aise avec l’outil informatique contrairement aux usagers plutôt citadins. Les usagers ruraux expriment le besoin d’un rapport direct et humain avec les différents services." Le manque de formation des secrétaires de mairie et de moyens informatiques des mairies est aussi régulièrement évoqué. Les intercommunalités évoquent également le problème de stabilité et de mise à jour des logiciels des éditeurs tiers, ainsi que le manque de préparation et de capacités techniques des services consultés, notamment les services de l’État, relève encore l'enquête.

 

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