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Dématérialisation des documents d'identité : une avancée et des questionnements

Dans le cadre de son plan "Préfectures nouvelle génération", le ministère de l'Intérieur a fermé ses guichets de demande de documents d'immatriculation et de permis de conduire lundi 6 novembre. Or depuis plusieurs années, des collectivités s'inquiètent de la marche soutenue vers la dématérialisation quand celle-ci n'est pas accompagnée de dispositifs de médiation adéquate. Place Beauvau, on rappelle que des "points numériques" se mettent en place en préfecture et en sous-préfecture. Mais la réduction de la fracture numérique nécessite du temps, des moyens et la transformation numérique ne se fait pas sans risques.

La fonction des préfectures mute peu à peu. C'est aujourd'hui le guichet de demande des permis de conduire et des cartes grises qui est passée au continent numérique. Le dispositif était en test dans la région Grand Est depuis le 2 octobre. Depuis le lundi 6 novembre, c'est dans l'ensemble de la France qu'on utilise les plateformes numériques de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) pour les demandes de documents d'immatriculation et de permis de conduire - soit via des téléprocédures, soit via la saisine par voie électronique (SVE).
Pour parer aux critiques sur l'élargissement de la fracture numérique et le retrait de la présence de l'Etat sur le territoire, le ministère de l'Intérieur rappelle avoir mis en place 286 "points numériques" sur l'ensemble du territoire : des préfectures (99), des sous-préfectures et maisons de l'Etat (187). Le point, à l'identité visuelle unifiée, dispose d'un accès internet et est censé être animé par un médiateur numérique, une personne en service civique par exemple.
Pour autant, il est probable que les publics en difficulté face aux nouvelles téléprocédures s'orientent aussi vers des espaces gérés ou financés par les collectivités, notamment quand les points d'accueil de l'Etat sont éloignés du lieu de résidence des demandeurs. "Les dates couperet de la dématérialisation ressemblent parfois à des dénis de réalité", déclarait cet été à Localtis Jean-Michel Morer, maire de Trilport. "Il y a une réflexion à mener sur la formation des agents, l'ergonomie et l'apparence des points d'accueil ; ce n'est pas un gadget mais vraiment une nécessité absolue." Pour ce membre du conseil d'administration de l'Association des petites villes de France (APVF), l'Etat fait certes déjà beaucoup pour la médiation via la mission Société numérique de l'Agence du numérique. Mais c'est le manque de moyens qui, souvent, se fait sentir et rejaillit sur les collectivités.

Mounir Mahjoubi salue les efforts locaux de mutualisation

La médiation et l'acculturation, ce sont aussi les messages que les acteurs numériques de la région Bourgogne-Franche-Comté ont voulu faire passer auprès du secrétaire d'Etat Mounir Mahjoubi, en visite à Dijon le 3 novembre. Ce dernier a évoqué les enjeux de la dématérialisation avec les équipes du conseil régional, du GIP Territoires numériques et de petites communes adhérentes au GIP, telles que Vitry-en-Charollais et Argilly. Pour le secrétaire d'Etat, les moyens accordés actuellement à la transformation numérique de l'administration ne sont pas optimisés. Lui qui réfléchit à la mise en place d'une identité numérique unique a salué les efforts régionaux pour assurer plus de mutualisation et de fluidité entre les initiatives de dématérialisation de l'ensemble des acteurs locaux.

L'identité numérique, un chemin semé d'embûches

Du côté de l'Etat, les grands projets lourds et coûteux cèdent peu à peu la place à des initiatives plus agiles et transversales. Dans le cas des nouvelles procédures de permis de conduire et documents d'immatriculation, on peut par exemple utiliser le service d'authentification unique FranceConnect, qui se développe de plus en plus. Mais l'étape supplémentaire est autrement plus ambitieuse : mettre en place une carte d'identité numérique, sur le modèle de l'Estonie. Or, outre les risques de la fracture numérique, les enjeux de sécurité interrogent. Dans le cas de la dématérialisation des demandes de carte grise, le ministère de l'Intérieur insiste sur la baisse des risques de demande abusive et de falsification que cela engendre. Quand il s'agit de documents proprement numériques, la dématérialisation ouvre pourtant d'autres failles. En Estonie, l'usage de plusieurs milliers de cartes d'identité numériques vient d'être suspendu suite à une faiblesse détectée dans leur encryptage.