Aménagement numérique - Déploiement du très haut débit dans l'Oise : un retour du terrain plutôt rassurant
L'Oise est en avance en matière d'aménagement numérique puisque la fibre optique reliant les 14.000 premiers foyers au réseau très haut débit sera "allumée" le 19 février prochain. En prévision de ce lancement officiel, la secrétaire d'Etat Axelle Lemaire s'est rendue à Beauvais le 9 février à l'invitation du président du conseil général Yves Rome, pour une visite de quelques heures, afin de "prendre le pouls du terrain" et notamment de la réalité du déploiement et de son impact sur la vie locale.
La fabrication numérique est ouverte à l'Atelier
Le premier point de rendez-vous, fixé à l'Atelier de fabrication numérique, en plein centre-ville de Beauvais, a d'emblée donné le ton de la visite. Cet espace départemental d'innovation numérique créé de toutes pièces par le conseil général, qui a ouvert ses portes en décembre 2014, est l'un des équipements clé du dispositif de déploiement des usages puisqu'il accueille en son sein un fablab, un espace de coworking, des salles de travail et d'exposition. Le tout est installé dans une ancienne maison du département et bénéficie d'un financement assuré directement par le conseil général.
La ministre a parcouru les salles d'exposition en commençant par celle qui est consacrée à "Ordi 60", le plan départemental d'équipement numérique des collèges et des collégiens. Elle a pu balayer d'un simple coup d'œil les sept générations d'ordinateurs et tablettes distribués aux élèves, soit près de 100.000 machines au total. Et aussi prendre connaissance des dernières avancées du programme : des collèges entièrement fibrés et dotés de connexions à 20 Mbps, un programme de formation pour les enseignants, la présence d'un portail éducatif et d'un magasin de 150 applications et d'un service d'aide aux devoirs.
La ministre a plaidé la cause des startup qui déménagent à Londres pour accéder à un marché de l'éducation plus ouvert. "Trouvons la formule pour que nos règles ouvrent aussi plus largement la porte aux jeunes pousses", a-t-elle souhaité et suggéré.
Après un passage rapide dans une salle dédiée à l'internet des objets et à la domotique présentant des produits réalisés par les startup isariennes, les visiteurs se rendront à l'open lab dédié au travail collaboratif et à l'innovation ouverte qui doit servir aussi de lieu d'initiation à l'économie de partage, aux techniques de développement agile et aux pratiques de dématérialisation. La visite du lieu s'achèvera sur la présentation du "fab lab". La salle accueille une série de machines capables de fabriquer n'importe quel objet : gravure et découpe laser, imprimantes 3D, machines à coudre professionnelles et scanner. Dans un coin, l'une des deux imprimantes achève la fabrication du guerrier de Saint-Maur, une statuette en bronze du 1er siècle retrouvée dans les environs de Beauvais et que la machine reproduit très fidèlement, couche après couche en posant un mince filament de plastique. La figurine qui sera offerte à Axelle Lemaire donne déjà un aperçu du potentiel de fabrication de cet atelier. Son directeur, Benoit Roekens, en précise les finalités. "Cet atelier est en premier lieu dédié à l'initiation. En cela il est ouvert à tous les isariens, mais il doit permettre aussi aux entreprises d'y effectuer certains travaux utiles comme le prototypage de pièces ou d'objets plus complexes. La seule condition étant la transmission, le partage et la mise en commun des idées, des projets et des réalisations". A côté de cette base fixe, le conseil général va essaimer avec la mise en circulation dans les collèges et dans les campagnes de deux "fab lab" mobiles installés dans des camionnettes. "Ces équipements mobiles iront au devant des habitants et des élèves sur tout le territoire, car notre ambition est aussi de susciter des vocations", a complété Yves Rome, le président du conseil général de l'Oise.
Déploiement du réseau : des risques sur l'approvisionnement
Après cette première immersion dans l'innovation par les usages, la ministre s'est rapprochée du "front" c'est-à-dire des lieux de fabrication du réseau isérien, notamment avec la visite des locaux d'Axione, l'une des entreprises du consortium chargé de déployer le réseau très haut débit (THD), qui comprend également Bouygues Energies et Services et Sobeca. Le bâtiment situé dans l'une des zones d'activité de la périphérie est l'un des principaux centres névralgiques : il accueille en effet les entrepôts où sont stockés les matériaux nécessaires à la construction du réseau, le bureau d'études techniques chargé d'en optimiser le tracé et une partie des équipes d'intervention.
La tension du lieu est perceptible. Mais dans un esprit positif, au service du programme. Les équipes semblent travailler en flux tendu afin de tenir des délais ambitieux. La première phase prévoit en effet la pose de 136.000 prises dans les quatre prochaines années et en priorité dans les zones où l'ADSL ne permet pas de bénéficier du triple play. La bataille est donc largement engagée. "Ce chantier consomme 150 km de câbles mensuellement, et de surcroît avec des règles d'ingénierie entièrement révisées afin d'adapter l'organisation au déploiement en milieu rural", explique Loïc Dupont le directeur du projet Oise THD chez Axione. Le consortium est donc en phase d'accélération, avec les risques liés à ce type de projet.
La secrétaire d'Etat, qui posait la question des approvisionnements notamment en fibre, a pu constater de réelles difficultés et des risques d'embouteillages : "Des négociations avec les producteurs nous permettent de bloquer tous les mois des capacités de production et cela pour les quatre années à venir, mais le seuil de saturation est déjà atteint et il devient de plus en plus difficile d'accélérer". Ce chantier, qui est pourtant l'un des premiers du genre, provoque de réelles perturbations : "Nous avons par exemple asséché le tissu local des professionnels sachant travailler sur la fibre, ce qui nous oblige maintenant à recruter en région parisienne, en Normandie et dans le Nord-Pas-de-Calais. Même phénomène lors de l'achat en nombre du matériel, nous saturons régulièrement certains de nos fournisseurs". Malgré les obstacles, le projet reste sur sa trajectoire, ce qui permet à Yves Rome d'afficher un certain optimisme avec même l'espoir "de pouvoir encore raccourcir le temps de réalisation du programme".
Les habitants ont la fibre
La visite s'achèvera en fin de soirée en réunion publique pour une présentation du réseau en prélude à son ouverture programmée au mois d'avril sur la commune de Laversines (2.000 habitants). Un succès d'affluence puisque plus 200 personnes avaient répondu à l'invitation, soit près de 10% de la population de la commune. "Nous avons décidé que le numérique devait être l'artère principale de la revitalisation économique de nos territoires pour le 21e siècle", a rappelé le président Yves Rome dans son discours d'introduction. Il évoquera ensuite les premiers effets visibles du chantier, notamment, la création de 200 emplois sur l'Oise.
Celui-ci sera rassurant sur la stratégie qu'il estime gagnante : "Dès que la commercialisation sera lancée, vous pourrez appeler votre fournisseur pour qu'il vous bascule sur la fibre. D'autant que cette intervention sera gratuite. En cas de non réponse, vous aurez toujours la possibilité dans l'Oise de vous tourner vers le premier grand opérateur déjà présent sur le réseau". Yves Rome fait même de cette présence l'un des principaux leviers d'incitation des opérateurs concurrents à s'installer également sur le réseau. De son côté, Axelle Lemaire a mis l'accent sur l'égalité des territoires : "Les usagers les plus mal desservis vont bénéficier en priorité de la fibre, il y a donc un véritable objectif social et territorial porté par le département, c'est ce qui fait son originalité".
A l'issue de cette rencontre il ne faisait guère de doutes que les présents attendaient l'arrivée de la fibre avec une certaine impatience. De quoi rassurer sur les perspectives d'un investissement qui atteindra les 300 millions d'euros d'ici 2022.