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Gestion locale - Depuis six mois, tous les achats de services postaux passent par la case mise concurrence

Depuis le 1er janvier 2011, le secteur postal est totalement ouvert à la concurrence. Autrement dit, La Poste ne détient plus le monopole des envois inférieurs à 50 grammes et les achats de services postaux doivent être attribués après mise en concurrence. Et ce, même si dans les faits, la part des opérateurs alternatifs reste pour le moment minime. Quelles conséquences pour les collectivités ? Retour sur ce changement, son périmètre et ses implications.

Jusqu'à présent, les envois de courriers inférieurs à 50 grammes étaient réservés au prestataire de service postal universel, c'est-à-dire La Poste. Dans un arrêt du 18 décembre 2007, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) précisait que ces prestations pouvaient être attribuées sans mise en concurrence.
En revanche, depuis le 1er janvier 2011, le secteur réservé à La Poste a été supprimé et l'ensemble des services postaux doivent dorénavant être attribués dans le respect des règles de la commande publique. Leur passation est donc soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence.

Quelles procédures peuvent être utilisées ?

Après avoir procédé à une évaluation préalable des besoins, le pouvoir adjudicateur devra estimer le montant du marché conformément aux dispositions de l'article 27 du Code des marchés publics (CMP) pour déterminer la procédure applicable.
Cette disposition prévoit que s'agissant des services, "il est procédé à une estimation de la valeur totale des services qui peuvent être considérés comme homogènes soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu'ils constituent une unité fonctionnelle. Pour les marchés d'une durée inférieure ou égale à un an, conclus pour répondre à un besoin régulier, la valeur totale mentionnée ci-dessus est celle qui correspond aux besoins d'une année".
L'article 10 du CMP prévoit que le pouvoir adjudicateur doit par principe passer les marchés en lots séparés, par exemple un lot pour l'envoi de courriers et un autre pour les colis. Dans cette hypothèse, le pouvoir adjudicateur devra tenir compte de la valeur globale estimée de la totalité de ces lots. Une procédure de publicité et de mise en concurrence commune pour l'ensemble des lots ou une procédure propre à chacun des lots pourra être mise en oeuvre.
Toutefois, un marché global peut être passé lorsque l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes ou "s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination".
Les services de courrier sont listés dans l'annexe II A de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004. Par conséquent, selon l'article 29 du CMP, les services postaux doivent respecter les règles des procédures formalisées, lorsque le montant estimé des besoins des collectivités territoriales est égal ou supérieur au seuil de 193.000 euros HT (article 26 II du CMP).

Les hypothèses de dérogation aux règles de la commande publique

Deux hypothèses permettent de déroger aux règles de la commande publique, notamment lorsque le pouvoir adjudicateur a recours à un acte administratif unilatéral. Il s'agit d'une décision administrative édictant des obligations pour l'opérateur choisi, sans que celui-ci ait la possibilité de les négocier ou de s'en libérer.
Il en est de même, lorsque le pouvoir adjudicateur a recours à un contrat de quasi-régie ou "in house". Un contrat conclu entre un pouvoir adjudicateur et une entité qui, bien que dotée de la personnalité morale, constitue un simple prolongement administratif de celui-ci, n'est pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Dans sa jurisprudence Teckal du 18 novembre 1999, le juge communautaire précise les deux conditions cumulatives auxquelles une relation peut être qualifiée de quasi-régie. Le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur son cocontractant doit être comparable à celui qu'il exerce sur ces propres services et par ailleurs, l'activité du cocontractant doit être principalement consacrée à ce pouvoir adjudicateur.

La procédure négociée de l'article 35 II 8° du CMP ne peut être utilisée

L'article 35 II 8° du CMP prévoit que "les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité" peuvent être passés selon la procédure négociée sans publicité et sans mise en concurrence. Cependant, cet article n'est pas applicable dans cette situation puisque d'autres opérateurs que La Poste peuvent répondre aux consultations. En effet, si selon le rapport d'activité 2009 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), "la part de marché des opérateurs alternatifs sur ce segment reste négligeable", cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de concurrents. D'ailleurs, une vingtaine d'opérateurs sont titulaires de l'autorisation prévue à l'article L.3 du Code des postes et communications électroniques (CPCE). De plus, l'ouverture totale du secteur à la concurrence devrait favoriser l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le segment des envois de moins de 50 grammes.

L'Apasp

Quelques précisions terminologiques

Services postaux : "Les services postaux sont la levée, le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux dans le cadre de tournées régulières" (article L.1 du code des postes et communications électroniques).
Service universel postal : "Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Le service universel postal comprend des offres de services nationaux et transfrontières d'envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2kg, de colis postaux jusqu'à 20 kg, d'envois recommandés et d'envois à valeur déclarée."
Service réservé : "Il s'agit du segment des services postaux qui est réservé aux opérateurs assurant le service universel dans les limites du territoire national." Les lettres et les colis dont le poids et le coût sont inférieurs à certains seuils ne peuvent être traités que par ces opérateurs.
Service non réservé : segment des services postaux qui a été libéralisé et qui peut être exercé par d'autres opérateurs économiques que les opérateurs assurant le service universel postal.


Une ouverture progressive à la concurrence

Depuis le 1er janvier 2011, le secteur postal est ouvert totalement à la concurrence. Cette libéralisation du secteur postal est issue de la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Celle loi transpose en droit français la directive communautaire 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté. L'ouverture initialement prévue au 1er janvier 2009 avait été repoussé au 1er janvier 2011 à la demande de la France.
La taille du secteur réservé a été progressivement réduite jusqu'à sa disparition totale au 1er janvier 2011. La libéralisation intégrale s'est faite par étapes successives prévues par les directives communautaires. En 2003, le secteur réservé ne concernait que les envois inférieurs à 350 grammes ou 5 fois le tarif de base. En 2006, 100 grammes ou 3 fois le tarif de base. En 2009, 50 grammes et 2,5 fois le tarif de base. Enfin, au 1er janvier 2011, il disparaissait.


 

Références : loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales ; directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ; CJCE, 18 novembre 1999, Teckal, affaire C-107/98 ; CJCE, 18 décembre 2007, Asociacion Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia, affaire C-220/06
Pour plus d'information, l'article de Isabelle Bouvier-Vital sur Les conséquences de l'intervention de la loi postale (loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales), paru au Courrier juridique des finances et de l'industrie (CJFI), n°63 
 

 

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