Des animateurs de lien social au coeur des collèges pour prévenir les dérives d'enfants en difficulté

Pour prévenir le décrochage scolaire des élèves, le conseil général des Hautes-Alpes a créé deux postes d'animateur de lien social en milieu scolaire. Ceux-ci sont chargés de repérer les élèves en difficulté et de faire la médiation avec les parents, enseignants et autres intervenants sociaux ou médicaux pour résoudre les difficultés rencontrées. Un dispositif innovant pour un département rural, qui s'inspire et fait écho au dispositif de réussite éducative développé par des villes.

Depuis maintenant deux ans, dans le département rural des Hautes-Alpes, deux animateurs de lien social dépendant du conseil général sont chargés d'intervenir auprès de jeunes collégiens ou des élèves de primaire qui posent des problèmes de comportement, d'attention ou d'assiduité. L'objectif touche à la fois à la prévention et à la réussite éducative comme l'explique Louis Massot, premier vice-président du conseil général, en charge de l'éducation, de la jeunesse et de la communication : "Il s'agit de repérer les jeunes en situation d'échec potentiel et de définir avec tous les partenaires institutionnels ou non, écoles, collèges, familles, le tissu associatif, les conseils de sécurité et de prévention de la délinquance..., un plan de réussite et de le mettre en oeuvre pour éviter à ces jeunes des dérives vers des problèmes sociaux plus lourds."
Ce dispositif a été défini en lien étroit avec les services de l'Education nationale. Il repose sur François Charpiot et Samir Abdelli, anciens éducateurs de rue qui avaient proposé ce projet au département. "Nous faisons partie des cellules de veille créées dans chaque collège, composées du principal, du CPE, de l'infirmière et de l'assistante sociale. Ces cellules se réunissent une fois par semaine ou tous les quinze jours pour étudier les cas d'élèves en difficulté et proposer des solutions", explique Samir Abdelli. Ces solutions peuvent aller d'une aide à la scolarité si un élève a des difficultés scolaires dans une matière, l'orientation vers un centre social, vers un club de sport pour resocialiser un jeune renfermé ou encore la préconisation de soins...

 

Renforcer les outils de l'école

L'action envisagée est toujours discutée avec les familles avec lesquelles le chef d'établissement prend contact. "J'interviens en lien avec la famille selon les situations. Par exemple, on a un élève qui a développé une phobie scolaire. J'assure le lien entre l'établissement et l'élève en allant chez lui, et le collège dans le même temps a mis en place avec la famille une aide pour que les enseignants puissent intervenir chez lui", détaille Samir Abdelli.
"Notre but est de renforcer les outils de l'école et non de nous substituer à quiconque, insiste-t-il. Nous nous étions rendu compte dans nos fonctions antérieurs que nombre d'enfants en difficulté sociale et leurs familles mobilisaient beaucoup d'intervenants sociaux mais qu'il n'y avait pas forcément de lien entre eux. A côté de cela, il y avait des enfants en difficulté mais qui, à défaut d'information ou parce que les parents n'osaient pas, n'étaient pas suivis ou aidés. Notre idée était donc de réussir à faire ce lien et de mieux repérer ces enfants. Pour cela, l'endroit idéal était bien l'école."
Séduit par le projet, le conseil général a décidé de l'expérimenter en janvier 2005 par la création d'un premier poste d'animateur sur la ZEP de L'Argentière la Bessée, au nord du département. Le bilan effectué six mois plus tard l'a conduit à le prolonger de six mois. "Nous avons en effet constaté qu'un pourcentage important d'élèves en difficultés n'avaient jamais été repérés par les différentes structures et que le poste d'animateur donnait satisfaction à tous les partenaires", relève Louis Massot.

 

Des actions individuelles ou collectives

Autre indicateur de réussite du projet : la forte réduction des conseils de discipline. "Nous avons amélioré les contacts avec les parents ce qui a facilité la compréhension des sanctions prises contre un élève, mais aussi permis de trouver des réponses alternatives à un renvoi. On a ainsi proposé à des jeunes de sortir du collège pour faire un stage dans une entreprise et ainsi tester un projet professionnel", développe Samir Abdelli. Succès aidant, l'expérience a été étendue début 2006 sur la ZEP de Veynes, au sud du département, avec le recrutement d'un second animateur.
Samir Abdelli, affecté sur trois collèges de la ZEP sud, a suivi jusqu'à aujourd'hui une quarantaine d'élèves, ponctuellement ou sur l'année scolaire. Si la plupart des actions sont individuelles, il prend part également à des actions collectives, comme les sorties des collèges. "Cela permet de voir certains jeunes dans un autre cadre. Cela m'a beaucoup aidé au départ pour me faire connaître et faire en sorte qu'ils aient confiance en moi", souligne Samir Abdelli.
Les animateurs interviennent également dans des écoles, sur demande des directeurs. "Une classe mixte CMI/CM2 posait de gros problèmes de comportements. Nous avons donc travaillé sur le respect. Cela a débouché sur la rédaction d'une charte, validée par le conseil d'école, où enfants, familles, enseignants étaient parties prenantes. Grâce à la discussion qu'il a ouverte, ce travail a permis de dédramatiser la situation et de voir que ce n'était pas seulement quelques éléments qui pourrissaient l'ambiance de la classe, mais que chacun et notamment les meilleurs élèves concouraient à cette mauvaise ambiance", cite Samir Abdelli.

 

Le chaînon manquant

La force du dispositif repose sur sa souplesse et sa réactivité. Louis Massot acquiesce : "Les animateurs sont disponibles pour aller au-devant des familles, des élèves, des enseignants, c'est bien ce chaînon qui manquait pour tirer l'élève vers le haut."
Les deux animateurs sont rattachés au service Education du conseil général plutôt qu'au service social. "Cela évite toute confusion sur notre fonction, car il y a eu au départ des réticences de la part des assistantes sociales de l'Education nationale et de celles du conseil général. Or nous sommes là pour renforcer les outils de l'Education nationale et non pour faire le travail de l'un ou de l'autre", précise Samir Abdelli.
Une convention a été signée pour une durée de trois ans entre le conseil général et l'inspection académique, soit jusqu'en 2007. "Elle sera sans doute reconduite", glisse Louis Massot. Le budget affecté par le conseil général est de 80.000 euros par an, couvrant les salaires et les frais de fonctionnement. "Malgré les demandes de financement auprès du ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, cette initiative, qui s'inscrit clairement dans les démarches encouragées par l'Etat, n'a jamais reçu d'aide du gouvernement", précise Louis Massot.

 

Emmanuelle Stroesser, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Conseil général des Hautes-Alpes

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Louis Massot

Vice-président conseil général

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