Des détenus en liberté dans le Cantal

En septembre 2007, trois détenus de la maison d'arrêt d'Aurillac et deux personnes suivies en milieu ouvert ont arpenté les monts du Cantal en toute liberté. Accompagnés d'un photographe, d'un guide et d'un auteur, ils ont pris de nombreuses photographies. A la clé : une exposition - Détenus corrects exigés -, présentée en juin 2008 dans l'atrium du conseil général.

En 2003, Pierre Soissons, photographe, réalise des clichés sur le thème de "La photo qui manque". L'idée : aller chercher à l'extérieur ce qui fait le plus défaut aux détenus de la maison d'arrêt d'Aurillac. Ce travail donne naissance à un ouvrage intitulé "Comme l'air", publié aux éditions Quelque part sur terre... La maison d'arrêt d'Aurillac, le service pénitentiaire d'insertion et de probation du Cantal (Spip) et le chargé de mission du développement culturel en milieu pénitentiaire (1) ont voulu donner une suite à cette première démarche. Mais, cette fois, ils ont souhaité y associer des personnes détenues ou suivies en milieu ouvert. Le conseil général a été immédiatement inclus dans la réflexion. "Le projet s'est nourri des idées et des paroles des uns et des autres", explique Jean-Marc Chassagny, directeur adjoint du Spip du Cantal et du Puy-de-Dôme.

 

Critères déterminants : la motivation et la force physique

Les quatre partenaires ont convié Pierre Soissons à poursuivre son travail afin qu'il apporte son expertise photographique aux détenus : éclairage, angle de vue, règles à respecter... Le photographe a invité Laurence Adnet-Goffinet à se joindre au groupe. Observant les détenus, cet auteur a noté leurs mots et leurs interrogations qui ont servi de légendes aux photos de l'exposition. Le troisième accompagnateur, Jean-François Petiot, est lui aussi une connaissance de Pierre Soissons. Propriétaire d'un gîte, il a hébergé la petite troupe et l'a guidée à travers les monts du Cantal.
Côté participants, la sélection s'est faite, en premier lieu, sur entretien individuel. La motivation et la forme physique des candidats ont été des critères déterminants. "Il s'agissait d'un projet culturel mais aussi sportif, avec entraînement en maison d'arrêt. Nous avons dû nous référer à des avis médicaux", précise le directeur d'insertion et de probation. Le choix final est toutefois revenu aux magistrats, "des partenaires de premier ordre", estime-t-il : "Sans leur bonne volonté, pas de permissions accordées et donc pas de projet."

 

Des citoyens comme les autres

L'intérêt d'une telle opération ? "Placer les détenus dans une situation un peu particulière a provoqué chez eux de nombreuses interrogations", explique Jean-Marc Chassagny. "Ils ont été touchés de la confiance qu'on leur témoignait. Les trois accompagnateurs ont loué leur comportement exemplaire. En totale liberté, sans aucune surveillance policière, ils se sont pliés aux règles, ont pris soin du matériel très onéreux, ont accepté des levers matinaux. Cette démarche nous a permis de leur dire : Vous êtes capables de réussir quelque chose."
L'exposition a également suscité de nombreuses réactions de la part du public. "Les visiteurs se demandaient : qui sont ces détenus ? Pourquoi cette démarche ? En fait, la plupart pensaient que la vie culturelle appartenait à l'après-prison, explique Denis Llavori, directeur de la médiathèque départementale. Ce fut l'occasion de rappeler au public que les détenus sont des citoyens comme les autres, ayant le droit d'accès à la vie culturelle."
Devant cette réussite, les mêmes partenaires réfléchissent à un troisième projet sur le thème des carnets de voyage.
Au final, le projet aura coûté 4.259 euros, tout compris (matériel photo, hébergement et repas, déplacement, équipement de randonnée). Plusieurs financeurs ont participé : la direction interrégionale des services pénitentiaires de Rhône-Alpes/Auvergne, la direction régionale des affaires culturelles (Drac), la préfecture du Cantal, la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac, le Spip et l'association socioculturelle de la maison d'arrêt d'Aurillac. Le conseil général a apporté une aide en nature. "Plus qu'un financeur, il constitue un partenaire", explique Jean-Marc Chassagny. Le directeur de la médiathèque confirme : "Nous travaillons main dans la main avec le Spip." Le conseil général a ainsi prêté ses locaux pour l'exposition et en a assumé les frais techniques. Il prendra également en charge la circulation de la manifestation. La médiathèque l'a d'ores et déjà intégrée à son catalogue et plusieurs villes et bibliothèques l'ont réclamée.

 

Être au coeur de la vie culturelle

L'inauguration de "Détenus corrects exigés" a été l'occasion de signer une nouvelle convention entre le conseil général, le Spip, la maison d'arrêt et le Transfo, association regroupant tous les organismes culturels de la région Auvergne. Une première convention, en 1996, portait sur l'installation et la gestion d'un dépôt de livre. "Mais en dix ans, notre rôle a largement évolué. Aujourd'hui, nous prêtons aussi des expositions, des jeux, des CD, des DVD et assurons des formations de bibliothécaires", explique Denis Llavori. Dans les faits, la bibliothèque de la maison d'arrêt ne se distingue pas des autres bibliothèques du réseau départemental. Toujours dans un souci d'intégration, la convention prévoit également de faire circuler au sein de la maison d'arrêt les manifestations culturelles régionales.

 

Elisa Dupont / PCA, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

(1) Il s'agit d'un poste cofinancé par la direction régionale des affaires culturelles et la pénitentiaire.

Service pénitentiaire d'insertion et de probation du Cantal

4, rue de Versailles
15000 Aurillac

Jean-Marc Chassagny

Directeur d'insertion et de probation, directeur adjoint du Spip Cantal et Puy-de-Dôme

Conseil départemental du Cantal

Nombre d'habitants :

147500

Nombre de communes :

260
Hôtel du département - 28, avenue Gambetta
15015 Aurillac Cedex

Denis Llavori

Directeur de la médiathèque départementale

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