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Economie sociale et solidaire - Des emplois de qualité très variable

Associations, coopératives, mutuelles ou fondations entendent servir les hommes avant les profits. Mais les conditions de travail qu'elles proposent peuvent encore s'améliorer, selon une étude.

"Les entreprises de l’économie sociale proclament que leur finalité est le service de l’homme." La Charte de l’économie sociale énonce ce généreux principe depuis 1980. Pourtant, trente ans après, ces entreprises ne se montrent pas toujours prodigues avec leurs propres salariés. Des chercheurs du Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST) viennent de le montrer au terme d’une étude de deux années, présentée mardi 7 décembre à l’hôtel de région de Provence-Alpes-Côte d‘Azur.
En examinant les entreprises de cette seule région, les chercheurs ont tenté de mesurer la "qualité" de leurs emplois à travers différents indicateurs. Certains d’entre eux, certes, placent les salariés de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans une situation enviable. Ainsi, "les écarts de salaire entre hommes et femmes sont moindres dans l’ESS que dans le secteur privé lucratif et les horaires y sont moins atypiques". Le secteur fournit aussi "des efforts en termes de formation et de développement des compétences", et la satisfaction globale au travail y apparaît plus importante que dans les entreprises classiques.
Néanmoins, "les critères objectifs de qualité de l’emploi au sein de l’ESS sont peu performants", souligne l’étude. "Les salaires sont bas, surtout dans les associations, les CDD sont majoritaires" le plus souvent, et les temps partiels sont nombreux. Le secteur paraît également en retard "dans la mise en œuvre d’action de prévention des risques professionnels", et "le dialogue social organisé ressort comme 'le parent pauvre' de l‘ESS".

Un secteur "fragilisé"

"L’ESS rassemble à 80% des entreprises de moins de dix salariés", rétorque Sébastien Darrigrand, le délégué général de l’Usgeres qui rassemble 26 syndicats d’employeurs de l’économie sociale. Comme les artisans ou les PME, la plupart de ces entreprises "ne sont dès lors pas tenues de mettre en place une représentation du personnel ou une direction des ressources humaines".
En outre, ce secteur "fragilisé" pourrait avoir "davantage d’emplois de qualité si ses structures étaient renforcées dans leurs fondements", poursuit Sébastien Darrigrand. Les difficultés de financement des conseils généraux, par exemple, "ont des répercussions immédiates sur les associations, leurs emplois et la qualité de ces emplois"… L’Usgeres indique que, pour sa part, elle mobilise ses membres depuis quatre ans sur ce thème, notamment par des formations, des sensibilisations, et une charte d’engagement.
Et que peuvent faire les collectivités territoriales ? Lorsqu’elles délèguent un service public à une association, par exemple, "elles doivent comprendre que la qualité de l’emploi a un véritable coût", souligne Laurent d’Hauteserre, le directeur de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Paca, qui a appuyé la recherche. "Il faut comprendre la notion de 'mieux-disant' autrement que par le prix. La qualité de l’emploi importe aussi !"
Il reste que l’étude du LEST ne porte que sur la Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ses conclusions seraient-elles semblables à l’échelle nationale ? "Notre situation régionale est particulière", répond Laurent d’Hauteserre. "Nous avons relativement peu de coopératives. Or elles présentent une qualité de l’emploi supérieure aux associations, et au secteur lucratif…" En plus grand nombre, comme en Bretagne par exemple, elles permettraient sans doute d’améliorer mécaniquement le diagnostic. Voilà pourquoi les résultats définitifs de l’étude du LEST, attendus pour janvier, pourraient bien présenter séparément les différents secteurs de l’ESS dont les comportements sont "parfois totalement opposés", d’après les chercheurs.
En attendant, cette recherche financée par la région Paca et la Caisse des Dépôts pourrait bientôt avoir un prolongement national. Le nouveau Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire a en effet créé, le 8 décembre, une commission pour que soient mesurés les impacts de l’ESS sur les territoires. Laurent d’Hauteserre, qui en est membre, espère bien que cette évaluation portera notamment sur la qualité des emplois.

 

 

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