Des pistes pour relancer les communes nouvelles

L'Association des maires de France (AMF) et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales organisaient le 28 septembre la septième rencontre des communes nouvelles. L'occasion de promouvoir ces regroupements volontaires de communes, à l'heure où leur développement marque le pas et un rapport juge ses perspectives "incertaines". Garanties financières, soutien de l'État, lutte contre les effets de seuils… les élus ont dévoilé leurs propositions.

Une semaine après la publication d'un rapport accablant de l'inspection générale de l'administration (IGA) sur les communes nouvelles, les maires et les sénateurs, piqués au vif, ont exposé leur propre vision de ces collectivités qui, depuis dix ans, naissent du regroupement volontaire de plusieurs communes. Prévue de longue date, la septième rencontre nationale des communes nouvelles organisée le 28 septembre, conjointement par l'Association des maires de France (AMF) et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, leur en a offert l'occasion.

"Ascendante", la démarche de création d'une commune nouvelle est "totalement différente d'une approche centralisée, bureaucratisée, verticale", a souligné David Lisnard, président de l'AMF. Cette "volonté du terrain de mutualiser (…) sans éloigner la décision du terrain (…) est ce qui fonctionne". Elle "repose sur le libre choix des élus locaux, sur un modèle de développement différencié, adapté à chaque territoire", a pour sa part insisté le président du Sénat, Gérard Larcher. Avec la commune nouvelle, "c'est la première fois qu'on a une véritable décentralisation", a complété Vincent Aubelle, professeur associé des universités. "Ce sont les élus qui la mettent en œuvre et ça ne vient pas du haut", a-t-il dit, en jugeant aussi que "c'est comme ça qu'on fait de la différenciation".

"Aucun seuil"

"C'est nous les maires qui connaissons les territoires, c'est nous qui avons l'intelligence des situations, c'est nous qui pouvons décider la réorganisation territoriale, grâce à cet outil nouveau que sont les communes nouvelles. La décision, c'est nous qui la prenons sur le choix, le périmètre et les modalités de fonctionnement", a pour sa part déclaré Jacques Pélissard, ancien président de l'AMF. Le "schéma départemental de coopération" imaginé par les fonctionnaires de l'État est "aux antipodes" de cela, a dénoncé l'auteur de la loi de 2015 ayant permis l'essor des communes nouvelles.

Cette réforme ne fixait aucun "seuil", par exemple en termes de population, et c'est pour Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, l'une des raisons de sa pertinence. "Un seuil n'a jamais fait la réussite de l'action publique et n'a jamais fait l'affectio societatis", a-t-elle plaidé. Cette "affection" qui progresse au fur et à mesure que l'on "s'apprivoise" est, selon elle, un ingrédient indispensable dans tout projet de commune nouvelle. Celle-ci ne peut se réduire à un "mariage de raison", a encore souligné la sénatrice centriste d'Ille-et-Vilaine. "La commune nouvelle, c'est d'abord et avant tout une affaire d'intime, de désir, de vivant", a confirmé Vincent Aubelle. Pour qui "il faut prendre cette perspective, sinon on ne comprend rien" à cette collectivité singulière.

Garantir les ressources financières

Les atouts que celle-ci présente ont séduit à ce jour les élus de 2.536 communes et permis la création de 787 communes nouvelles, principalement sur la période de 2016 à 2019 et à l'ouest d'une ligne Bordeaux-Lille. Mais avec le début du nouveau mandat municipal et, en parallèle, la succession des crises, la dynamique s'est estompée. Les quelque 300 participants de la rencontre se sont donc interrogés sur les moyens de lui donner "un nouveau souffle".

"Il faut accorder plus de souplesse aux communes nouvelles pour leur permettre une organisation et une gestion adaptées à la réalité, à la dimension géographique du territoire concerné", a suggéré le président de l'AMF. David Lisnard a aussi fustigé "les effets de seuil" qui peuvent freiner les projets. En effet, en changeant de strate démographique, un regroupement de communes peut être soumis à de nouvelles obligations (construction de logements sociaux, aménagement d'une aire d'accueil des gens du voyage…), ou bien au contraire perdre le bénéfice de certains dispositifs. Ceux-ci pouvant être d'ordre financier (dotation de solidarité rurale, dotation élu local…). En clair, des communes peuvent perdre des ressources lorsqu'elles ont décidé d'avoir un destin commun. Ce qui n'est pas acceptable pour l'AMF. "Inscrivons le fait qu'une commune nouvelle ne peut jamais percevoir moins de DGF [dotation globale de fonctionnement, NDLR] que la somme de ce qui était perçu au préalable par les communes fondatrices avant le regroupement", a proposé son président. La préconisation figure en bonne place dans le tome 2 du Panorama des communes nouvelles, que Vincent Aubelle a dévoilé lors de la rencontre. L'ouvrage, réalisé avec le soutien de la Banque des Territoires, dresse un bilan du mouvement de création des communes nouvelles et se penche sur ses perspectives, en mettant en avant 14 pistes.

Le soutien de l'État jugé primordial

Le président de l'AMF a réclamé en parallèle que les "mesures financières incitatives" soient "renforcées (…) sur les trois premières années", afin de "susciter les vocations". D'autres évoquant explicitement un soutien financier de l'État. Plusieurs élus ont par ailleurs considéré que les services déconcentrés de l'Etat doivent apporter plus systématiquement leur appui aux maires qui portent des projets de communes nouvelles. Le soutien de leur part a été jugé pour le moment assez inégal d'un département à l'autre. Laurence Perez, maire de la commune nouvelle de Saint-Jean-de-Galaure (Drôme), a pointé les "difficultés pratico-pratiques". "La difficulté est sur la délibération et puis tout ce qui est derrière : tous les contrats qu'on doit revoir, tous les marchés publics sur lesquels ont doit faire des avenants". La commune nouvelle de 1.200 habitants est née le 1er janvier dernier de la fusion de deux communes. Mais en faisant faire récemment une carte grise, l'élue s'est aperçue que la commune nouvelle n'est toujours pas prise en compte par les applications informatiques de la préfecture. Cela ne facilite pas "l'appropriation par les habitants", a-t-elle déploré.

Ces pistes d'amélioration pourraient être entendues par un groupe de travail pluraliste que le président du Sénat doit installer ce 5 octobre pour dégager des propositions en matière de décentralisation. Ses conclusions seront remises au début du printemps 2023, à un moment où les discussions entre Territoires unis et l'exécutif pourraient aboutir à un projet de loi sur le sujet (voir notre article du 6 septembre). "Nous serons prêts et nous jouerons pleinement notre rôle", a assuré Gérard Larcher.

Associer les habitants

Les échanges ont aussi porté sur la question de l'association des habitants, qui a été jugée comme l'un des éléments clés de la réussite des communes nouvelles. Avec la présentation de plusieurs expériences dans ce domaine. Comme celle de la commune nouvelle de Loireauxence (Loire-Atlantique), née le 1er janvier 2016. Elle a mené entre mars et juillet derniers une consultation de "la majorité silencieuse", des "acteurs extérieurs", mais aussi "des agents et des élus". Au programme : des "temps forts de rencontre avec les habitants" et un questionnaire en ligne permettant de sonder l'opinion de ceux-ci sur la commune nouvelle et son avenir. Après ces consultations, "160 habitants ont souhaité être informés, voire associés à la démarche", a indiqué la maire, Christine Blanchet.

De leur côté, les communes de Saint-Brice-en-Coglès et Saint-Étienne-en-Coglès (Ille-et-Vilaine) ont consulté leurs habitants sur le nom de la commune nouvelle, avant que celle-ci ne voie le jour le 1er janvier 2017. C'est au terme d'une consultation citoyenne et d'une élection organisée dans les bureaux de vote que "Maen Roch" a été choisi. La question du choix du nom de la commune nouvelle est sensible. C'est notamment pour avoir fait ce choix sans consulter la population que le maire de la commune nouvelle de Capavenir-Vosges, Dominique Momon, a été battu lors des élections de 2020. Son successeur, Cédric Haxaire a organisé un double référendum en novembre 2020 sur le nom de la commune nouvelle et son maintien. Depuis, la commune nouvelle a repris le nom, historique et plus populaire, de Thaon-les-Vosges.

Plusieurs maires présents ont en revanche estimé que l'organisation d'un référendum sur l'opportunité de la création de la commune nouvelle n'est "pas obligatoire", certains la jugeant aussi "très compliquée"

 

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