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Accès aux soins - Déserts médicaux : les mesures contraignantes de la loi HPST mises "entre parenthèses"

Intervenant le 25 juin à Nice, devant le 4e congrès de la médecine générale, Roselyne Bachelot-Narquin a annoncé la mise "entre parenthèses" du dispositif des contrats santé-solidarité, pourtant instauré par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce contrat prévoyait que les médecins des zones surdotées auraient obligation, à compter de 2012, de porter assistance à leurs collègues des zones sous-dotées. A défaut d'apporter une telle assistance, ils auraient été astreints au versement d'une "contribution de solidarité" conséquente, pouvant aller jusqu'au montant du plafond de la Sécurité sociale (soit 2.885 euros actuellement) et destinée à financer des mesures d'incitation à l'installation dans les zones sous-dotées. Lors de l'examen du projet de loi HPST au Parlement, cette mesure avait donné lieu à de vifs échanges et à certaines hésitations de la part du gouvernement. Après avoir affirmé qu'elle "ne croyait pas aux mesures coercitives" (voir notre article ci-contre du 13 février 2009), la ministre de la Santé avait néanmoins fait voter la mesure par les députés. La commission des affaires sociales du Sénat l'avait en revanche supprimée, mais Roselyne Bachelot-Narquin avait finalement réussi à la faire rétablir en séance, en reprenant au vol un amendement non-soutenu d'un sénateur de la majorité et en le faisant adopter avec les voix de l'opposition (voir nos articles ci-contre du 3 mars et 2 juillet 2009).
Pourtant, dès la loi HPST promulguée, il est vite apparu que les contrats santé-solidarité avaient du plomb dans l'aile. Tout d'abord, l'organisation de l'aide entre les médecins des zones surdotées et ceux des secteurs sous-dotés s'est vite révélée complexe à mettre en oeuvre. Lors des débats, la ministre de la Santé avait indiqué qu'"il ne s'agit pas de les envoyer à 100 ou 150 kilomètres de leur lieu d'installation", mais qu'"il pourrait, par exemple, leur être demandé de participer aux services d'urgence, d'exercer une demi-journée en cabinet secondaire dans une zone sous-dense à proximité de leur cabinet d'installation, ou encore d'assurer un service médical dans un établissement pour personnes âgées dépendantes". Traduire ce type de dispositif sur mesure dans un texte réglementaire s'est révélé un exercice impossible. Les pressions des syndicats médicaux ont fait le reste. Très hostiles à la contribution forfaitaire - qui aurait sans doute tenu lieu, de fait, de contrat santé-solidarité -, ils ont notamment fait valoir qu'une telle mesure cadrait mal avec la volonté affichée par le gouvernement de revaloriser la médecine générale. Le message a été entendu. Lorsqu'il a présenté, en février dernier, son plan en faveur des zones rurales, Nicolas Sarkozy - qui avait lui-même évoqué un mécanisme coercitif pour lutter contre les déséquilibres médicaux en présentant les grandes lignes du futur projet de loi en 2008 - s'est bien gardé d'évoquer cette disposition (voir notre article ci-contre du 9 février 2010). De même, lors de la présentation des mesures du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement des territoires (Ciadt) par François Fillon, ce sont les mesures incitatives - comme les aides financières pour la création de 250 maisons de santé - qui ont tenu la vedette (voir notre article ci-contre du 12 mai 2010). Le coup de grâce a été porté par le récent rapport sur la médecine libérale remis au chef de l'Etat par Michel Lengmann, le président du Conseil national de l'ordre des médecins. Celui-ci proposait en effet de supprimer le contrat santé-solidarité, jugé "peu opérationnel", de même que l'obligation pour les médecins libéraux de déclarer leurs congés dans le cadre de la continuité des soins, perçue comme une mesure "vexatoire" (voir notre article ci-contre du 16 avril 2010).
La mise entre parenthèses évoquée par la ministre de la Santé ressemble donc davantage à un enterrement. La disposition de la loi HPST ne devrait toutefois pas être abrogée pour autant, du moins dans l'immédiat, comme le souhaite pourtant la CSMF, principale organisation représentant les médecins libéraux. Le maintien de cette mesure virtuelle devrait en effet constituer un argument de poids pour les pouvoirs publics lorsque, Roselyne Bachelot-Narquin, comme elle l'a annoncé le 25 juin, présentera le contenu du "contrat entre l'agence régionale de santé et les médecins, basé sur le volontariat", avec "des contreparties" pour les praticiens.

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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