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Deux députées proposent de revoir les critères des ZRR et de supprimer les exonérations fiscales et sociales

Dans le cadre de la mission qui leur a été confiée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, les députées Anne Blanc et Véronique Louwagie proposent de revoir les critères de classement des zones de revitalisation rurale et de ne pas reconduire les exonérations fiscales et sociales, jugées inefficaces. Les économies réalisées pourraient servir à augmenter la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), pour permettre aux collectivités territoriales d'agir sur l'attractivité de leur territoire.

Revoir les critères de classement des zones de revitalisation rurale (ZRR), ne pas reconduire après 2020 les exonérations fiscales et sociales et augmenter d'autant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). C'est ce que proposent Anne Blanc, députée LREM de l'Aveyron et Véronique Louwagie, députée LR de l'Orne, en conclusion de leur "mission flash" sur l'efficacité du dispositif des ZRR à l'aune de la politique européenne.
La mission leur a été confiée par la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale alors que le principal dispositif d'exonération fiscale prévu en ZRR, l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour les activités économiques créées ou reprises sur ces territoires, prendra fin au 31 décembre 2020. Une date qui correspond aussi à la sortie de 4.000 communes du classement, avec l'entrée en vigueur de nouveaux critères votés en 2015. Pour éviter une sortie brutale ces communes bénéficient de mesures temporaires votées en 2016 et 2017. Autre échéance importante : le lancement de la nouvelle politique de cohésion européenne et de la politique agricole commune (PAC), pour la période 2021-2027. Après quelque vingt auditions et trois déplacements en région et à Bruxelles, les deux députées recommandent ainsi de réviser les critères de classement de ces zones, dont le périmètre trop large aboutit à un saupoudrage. En 2018, plus d'une commune sur deux, 62,2% des EPCI et 15% de la population sont classés en ZRR. La révision pourrait être dressée à l'issue d'une concertation avec les associations d'élus locaux et les acteurs économiques à mener début 2019.

Un coût total de 313 millions d'euros

Le constat des parlementaires sur l'efficacité du dispositif, mis en place en 1995, revisité au fil des années et régulièrement remis en question, est sévère : "Si le coût des ZRR est relativement limité, son efficacité est plus qu'incertaine", a ainsi souligné Anne Blanc lors de son audition devant la délégation aux collectivités locales, le 28 novembre 2018. Au total, le coût du dispositif est estimé pour 2018 à 313 millions d'euros, réparti en 221 millions d'euros d'exonérations fiscales et 93 millions d'euros d'exonérations sociales. Concernant les exonérations fiscales, "l'existence de ces aides n'est jamais un facteur déterminant du choix du lieu d'implantation des entreprises et des emplois" insiste le rapport. Le dispositif reste très méconnu : près de six entreprises sur dix implantées sur des communes ZRR l'ignorent. Et parmi les entreprises qui ont bénéficié des exonérations, les deux tiers estiment que cela leur a apporté une aide utile mais pas déterminante ou que cela ne leur a apporté aucune aide… Les auteurs soulignent aussi les effets pervers du dispositif : une concurrence entre les territoires mais aussi entre les entreprises selon qu'elles sont bénéficiaires ou non. Quant aux exonérations de charges sociales, non seulement elles sont sans efficacité reconnue mais, de plus, elles sont aujourd'hui concurrencées par le mouvement général d'allègement des charges engagé depuis plusieurs années, qui doit être amplifié et pérennisé par la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019. C'est ce qui amène les deux députées à demander à ne pas maintenir le dispositif après 2020.

Utiliser les économies réalisées pour augmenter la DETR

En revanche, elles proposent de conserver les dispositifs d'exonération facultatifs que peuvent décider les collectivités territoriales. Des dispositifs jusque-là peu connus et sous utilisés, mais qui peuvent être un moyen pour renforcer l'attractivité de leur territoire. Mais alors pourquoi conserver le zonage s'il ne permet à terme plus que de conserver ces dispositifs facultatifs ? Pour Anne Blanc, il y a deux raisons principales. En premier lieu, "on dénombre au moins 21 dispositifs nationaux qui flèchent des financements sur ces zones", explique à Localtis la députée de l'Aveyron. Deuxièmement, "il y a un attachement psychologique très fort à ces zones de la part des élus", assure-t-elle. Impossible donc de les supprimer, surtout dans le contexte actuel de la crise des gilets jaunes, et du sentiment d'abandon très répandu dans ces territoires.
"Nous estimons par ailleurs que l’efficacité des mécanismes d’exonération fiscale des autres dispositifs zonés existants devrait pareillement être questionnée, pour aboutir à une réforme coordonnée et simultanée", précisent les auteurs, regrettant la proposition du gouvernement, à travers un amendement au projet de loi de finances pour 2019, de créer un nouveau dispositif zoné - les zones de développement prioritaires (ZPD) -, qui ne concernera en pratique que la Corse.
"Bien davantage que les aides fiscales, ce qui détermine le choix du lieu d'implantation tient à l'attractivité même du territoire et aux efforts qui sont faits pour renforcer cette attractivité", détaille le rapport, citant notamment l'accessibilité du territoire, les services publics, la couverture numérique…  Pour permettre aux élus de renforcer l'attractivité de leur territoire, les députées proposent que les économies permises par la suppression des exonérations fiscales et sociales soient réaffectées à un renforcement du soutien aux investissements des collectivités territoriales. Il s'agirait d’une majoration de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR),  à hauteur des économies budgétaires réalisées (soit 200 millions d’euros). La proposition permettrait, sans créer de nouveau fonds spécifique, d'utiliser l'outil existant, pour lequel la majorité des communes classées en ZRR sont éligibles, en le renforçant de façon significative, à hauteur de 20% environ.

Renforcer la part des financements européens fléchés vers les territoires ruraux

Et sur le plan européen, dans le cadre de la négociation de la programmation 2021-2027, les deux députées estiment qu'il faut que la France défende une position visant à renforcer la part des financements fléchés vers le développement des territoires ruraux. Une position qui nécessite de mieux informer et soutenir les communes et intercommunalités rurales dans l'accès aux fonds européens, à travers notamment la mise en place rapide et effective de la nouvelle Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). Elles demandent aussi à conforter la compétence actuelle des régions dans la gestion des fonds européens de la politique de cohésion et de clarifier la répartition des compétences entre l'Etat et les régions pour la gestion du Fonds social européen (FSE). "Les potentialités offertes par la politique de cohésion pour développer les territoires ruraux sont énormes, mais n’ont pas encore été utilisées à 100 %, insistent les auteurs, donnons-nous les moyens d’exploiter pleinement ces potentialités."

 

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